Harmattan, la vérité sur la guerre en Libye

Des Mirage F1 un peu vieillissants, des Mirage 2000 parfois obsolètes, des Rafales pas toujours opérationnels, des drones pas assez nombreux… Avec « Harmattan », Jean-Marc Tanguy, journaliste spécialisé Défense, livre un récit minutieux des opérations militaires françaises en Libye. Confidentiel défense ?

L’Armée française ne brille pas toujours par sa cohérence en matière de transparence de ses opérations. Elle distille en effet peu d’information et privilégie souvent les média « grand public » qui banalisent ces informations, parfois les déforment. Jean-Marc Tanguy, lui, revendique son titre de journaliste spécialisé. Les engagements militaires classés « secret défense », voire « confidentiel défense », il les connaît pour les avoir vécus de l’intérieur. C’est un journaliste d’investigation comme il n’en existe, hélas, plus beaucoup.

Ses derniers récits regroupés dans l’ouvrage « Harmattan, les opérations en Libye par ceux qui les ont vécues » entraînent le lecteur dans les coulisses des centres de commandements des forces françaises et de l’OTAN engagées en Libye à partir du début 2011. Pas un mot de trop, pas de commentaire superflu : des informations, uniquement des informations.

Avec un style très journalistique, précis et rigoureux, Jean-Marc Tanguy retrace étape après étape les principales opérations militaires en Libye. On comprend mieux désormais pourquoi la France s’est-elle précipitée la première – dès le 19 mars 2011 – dans des opérations aériennes au-dessus des territoires de Kadhafi. On apprécie le franc-parler de l’auteur qui, preuves à l’appui, explique sereinement les raisons des succès français en Libye. Succès obtenus pourtant avec des matériels pas toujours à la hauteur : des Mirage F1 un peu vieillissants, des Mirage 2000 parfois obsolètes, des Rafales pas toujours opérationnels, des drones pas assez nombreux…

Tout y passe : le positionnement des forces navales (sous-marins nucléaires et porte-avions, notamment le Charles de Gaulle), les forces aériennes de renseignements et de frappes, le soutien des appareils légers (en particulier les hélicoptères de l’ALAT – aviation légère de l’Armée de terre), la logistique avec la participation active des Transall et autre Casa. L’accent est mis principalement sur le côté « tactique » de l’opération Harmattan. C’est à croire que Jean-Marc Tanguy a assisté personnellement aux réunions des différents états-majors militaires ! Mieux, qu’il se trouvait au même moment dans le cockpit d’un Rafale, aux côtés du pacha du Charles de Gaulle, dans les salles de briefing des pilotes de la base de Solenzara en Corse…

Il faut dire que Jean-Marc Tanguy dispose d’un réseau d’informateurs, ses fameuses « sources » assez exceptionnel. Le lecteur stupéfait découvrira ainsi dans cet ouvrage quantité d’informations étonnantes : les systèmes de brouillage et d’écoutes radio embarqués à bord de deux Transall français, les différents circuits de prises de décision, du ministre de la Défense Gérard Longuet jusqu’au petit officier des renseignements généraux qui tentait de passer inaperçu sur une base aérienne, le déroulé dans ses moindres détails minute par minute d’une sortie aérienne, le rôle des Awacs et des avions-renifleurs, etc.

Une réserve cependant : à vouloir être trop précis, trop minutieux, Jean-Marc Tanguy agresse le lecteur avec une quantité inimaginable de sigles et de vocabulaires tirés du jargon militaire. Il n’en demeure pas moins que « Harmattan » se lit d’une traite, comme un roman d’aventures. Sauf qu’il s’agissait d’une vraie guerre.

Bruno Rivière