C’est le 6 février 1946, que TWA a mis en ligne le Constellation sur l’Atlantique Nord. Deux amoureux du Connie évoquent le mythe. Chacun à sa manière. Jean Ponsignon avec des mots. Lucio Perinotto, avec ses pinceaux.
La conception du fameux « Excalibur » (étonnant qu’aux USA on ait pu penser à l’épée mythique de notre breton roi Athur) qui à l’usage deviendra affectueusement « Connie » est dû aux exigences du génie mégalo de Howard Hugues, et à la conception du concepteur hors pair de Loocked, Kelly Johnson, considéré comme un génie de l’aviation et le guru de Skunk Works. Avant il avait dessiné le P38 Lightning et plus tard, excusez du peu : le F-104 Starfighter, le U-2, le SR-71 et le F-177A, le F-22 Raptor et le Joint Strike Fighter, et même sans doute l’invisible Aurora. Howard Hughes, demanda un avion de ligne intercontinental de 40 passagers avec une distance franchissable de 5 630 km, bien au-dessus des capacités du projet Excalibur. Les exigences de la TWA conduisent au L-049 Constellation.
Alors forcément le Constellation fait le fier, vous rappelle qu’il transportait les stars, à une période où le trajet Paris – New York était facturé l’équivalent de 10.000 euros. Il aime se faire photographier avec Marlon Brando ou Dwight D. Eisenhower, rouler les mécaniques de ses quatre énormes moteurs de 18 cylindres chacun. Mais la réalité le rattrape, le tragique de maints accidents et l’arrivée du tout puissant Boeing 707 va le conduire à une retraite après une carrière dont il n’a pas a rougir, mais où le vent de l’histoire et la course au progrès technologique vont lui porter un coup au moral.
Le Lockheed Constellation (Connie) est un avion de ligne à hélices avec quatre moteurs en étoile Wright R-3350 de 18 cylindres. Il est construit par Lockheed entre 1943 et 1958 dans son usine de Burbank en Californie. Un total de 856 appareils sont produits dans plusieurs versions, tous reconnaissables grâce à leur triple dérive et leur fuselage en forme de dauphin. Le Constellation est utilisé comme avion de ligne et comme avion de transport militaire américain. Il participe au pont aérien de Berlin. Il est l’avion présidentiel du président américain Dwight David Eisenhower.
La triple dérive caractéristique conserve la hauteur totale de l’avion suffisamment basse pour les hangars, tandis que les nouveaux équipements incluent des commandes assistées hydrauliquement et un système de dégivrage thermique utilisé sur les bords d’attaque des ailes et de l’empennage. L’avion a une vitesse maximale de plus de 550 km/h, soit plus que celle d’un chasseur Zero japonais, une vitesse de croisière de 480 km/h et un plafond de 7 300 m.
Lisses et puissants, les Constellation établissent un certain nombre de records. Le 17 avril 1944, le deuxième C-69 de production, piloté par Howard Hughes et le président de la TWA Jack Frye, vole de Burbank (Californie) à Washington, D.C. en 6 heures et 57 minutes (soit 3 700 km à une vitesse moyenne de 532,5 km/h). Pour le vol de retour, l’appareil fait escale à Wright Field pour offrir son dernier vol à Orville Wright, plus de 40 ans après son premier vol historique. Il remarque que l’envergure du Constellation est plus grande que la distance de son premier vol.
Une des raisons de l’aspect élégant de l’avion est la forme de son fuselage — un profil continuellement variable sur lequel il n’y a deux cloisons identiques. Malheureusement, cette construction coûte très cher et est remplacée par des fuselages en forme de tubes pour la plupart des avions de ligne modernes. Le tube est plus résistant aux changements de pressurisation et moins cher à construire.
856 Constellations furent construits, depuis sa première version le C-69 jusqu’au L-1649 Starliner. Il ne resterait plus que 5 exemplaires en état de vol dans le monde (3 aux USA, 1 en Australie et celui de Breitling le seul basé en Europe). Ils sont la mémoire vivante de ce qui est considéré comme le plus bel avion à hélices jamais construit. On peut aussi en voir un bel exemple remis en état au sol par des passionnés sur l’aéroport de Nantes. De plus un moteur d’origine est visible à Gimont lors des Rencontres Aéronautiques et spatiales du premier week-end d’octobre.
Pour produire un avion conforme aux exigences d’Howard Hughes, il fallut résoudre de nombreux problèmes en particulier concernant le choix des moteurs et des hélices. Il fût décidé d’équiper le Constellation de 4 moteurs d’un nouveau type, les très puissants Wright R-3350 de 18 cylindres en double étoiles. Chaque moteur produisait alors 2 200 ch. et entraînait une énorme hélice de 5 mètres de diamètre. La combinaison de ces deux composants causa de nombreux soucis aux ingénieurs et dessinateurs de Lockheed. La garde au sol des hélices massives nécessita un train d’atterrissage très long. A nouveau, l’espace entre les moteurs fût dicté par la dimension des hélices qui imposa également une surface considérable de gouvernail de direction pour compenser l’asymétrie engendrée par une panne moteur.
C’est de là que vient le légendaire triple empennage vertical, monté haut sur le fuselage arrière pour éviter les tourbillons engendrés par les moteurs. Le Constellation est sujet à des pannes de moteur, ce qui lui vaut le surnom de « meilleur trimoteur du monde.
La TWA reçoit le premier le 1er octobre 1945. Le premier vol expérimental transatlantique de la TWA part de Washington, D.C. le 3 décembre 1945, arrivant à Paris le 4 décembre via Gander et Shannon. Le service transatlantique de la Trans World Airlines débute le 6 février 1946 avec un vol en Constellation entre New York et Paris.
TWA transporte les stars en Constellation – New York, 15 février 1946 Un véritable studio de cinéma volant ! D’Edward G. Robinson à Paulette Goddard, de Linda Darnell à William Powell et à Walter Pidgeon, trente-cinq vedettes de l’écran ont répondu favorablement à l’invitation de la TWA pour cette première traversée sans escale Los Angeles-New York. Le célèbre milliardaire texan Howard Hughes pilote lui-même le Lockheed Constellation, un appareil qui a commencé sa carrière commerciale le 11 décembre 1945. Le long voyage, au dire des journalistes qui accompagnaient les artistes, s’est déroulé le plus merveilleusement du monde. Un service particulièrement soigné avait été réservé aux passagers, dans un confort total à plus de 8 000 mètres d’altitude.
Pour New York, en s’arrêtant une seule fois, il fallait près de quatorze heures. L’équipage comprenait un officier mécanicien, un officier radio et un navigateur en plus du pilote et du copilote. A l’époque, cela n’avait rien de pléthorique. Il faut se rappeler que ces avions volaient relativement bas, et qu’à 3 000 ou 4 000 mètres on rencontrait sur l’Atlantique Nord des conditions extrêmement mauvaises. Il fallait voir, en arrivant sur la côte est des Etats-Unis en conditions givrantes, le mécanicien navigant en train de se battre avec son dégivrage d’hélice et son dégivrage de carburateur, envoyant ses injections d’alcool, voyant chuter sa puissance, se dépêchant de rétablir sur un moteur puis sur un autre, pendant que pilote et copilote tentaient d’apercevoir quelque chose.
Le Constellation connaît trois accidents au cours des 10 premiers mois de service, réduisant temporairement son parcours comme avion de ligne. Le 18 juin 1946, un moteur d’un appareil de la Pan American prend feu et se détache. L’équipage effectue un atterrissage d’urgence sans qu’il y ait de morts. L’appareil effectue un vol de retour en traversant l’Amérique en 11 heures et demie pour être réparé, en volant sur seulement trois moteurs. Cependant, le 11 juillet, un avion de Transcontinental et Western Air est victime d’un incendie en vol, s’écrase dans un champ et cinq des six personnes à bord perdent la vie. Les accidents amènent à la suspension des certificats de navigabilité des Constellation le temps que Lockheed apporte les modifications nécessaires.
Puis le 27 octobre 1949. Le Lockheed Constellation F- BAZN assurant la liaison Paris – New York s’est crashé, il a percuté le mont Redondo, alors que le temps était clair et qu’il s’apprêtait à atterrir à Santa Maria. L’épave a été retrouvée sur l’île de Sao Miguel, à 80 kilomètres de Santa Maria. La cause probable du crash : une erreur d’identification de la position de l’avion, sans doute imputable à des interférences entre le radiophare de Santa Maria et celui de Séville. L’équipage, croyant être en approche de l’aéroport de Santa Maria, a entamé sa descente, mais a malheureusement heurté le mont Redondo, tuant tous les occupants de l’avion. Si ce crash est resté dans l’histoire, c’est en partie en raison de la présence de trois illustres passagers : le peintre Bernard Boutet de Monvel, la violoniste Ginette Neveu et le boxeur Marcel Cerdan, parti rejoindre Édith Piaf à New York. C’est aussi le premier accident sur la liaison Paris – New York d’Air France.
Le 3 Novembre 1950 : première grande catastrophe aérienne civile dans le massif du Mont-Blanc. Un Lockheed L-749 Constellation d’Air India International assurant la liaison Bombay Londres via le Caire et Genève, piloté par le commandant Alain Saint, un as britannique, s’écrase dans les alpes du Nord tuant son équipage et ses quarante passagers. 60 ans après le glacier des Bossons continue à faire remonter à la surface des éléments de l’appareil et des bagages donnant lieu à une saga de roman policier.
L’avènement des avions de ligne à réaction, avec le de Havilland Comet, le Boeing 707, le Douglas DC-8 et le Convair 880, rend le Constellation à moteur à pistons obsolète, mais le fait entrer dans la légende.
Jean Ponsignon
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J'ai voyagé en 1958 dans cet avion qui reliait Paris à la Réunion ...
il me semble que nous faisions 3 escales ...
Tripoli en Libye , Nairobi et Tananarive .
combien de temps durait ce voyage ?
Je me souviens avoir été passager du vol inaugural de la ligne Genève- Casablanca en Constellation dans les années 50. Pourriez-vous m'en préciser la date?
Merci et très cordialement
Charles
Il y a 70 ans, le Constellation ouvrait un nouveau chapitre de l’histoire de l’aviation
Bonjour,
Merci pour ce beau texte.
Coté accidents, je rappelle le crash d'un PARIS-Marseille,
dans les Alpes, pas très loin de BARCELONETTE , pas très loin
de l'endroit où s'est crashé le A 320 DE germanwings l'année
dernière et du massif des 3 EVECHES où s'était crashé un DC3/C47 en
1945 ou 1946.
Il y a eu hélas! d'autres accidents.
Aéronautiquement votre.
Olivier COLLGNON
Il y a 70 ans, le Constellation ouvrait un nouveau chapitre de l’histoire de l’aviation
merci pour votre évocation de cet évènement.
cependant, je souhaite apporter quelques précisions:
- la fourniture de certaines informations de la part des anciens de la TWA:
TWA Active Retired Pilots Association (TARPA)
http://tarpa.com/
The TWA Museum at 10 Richards Road
10 Richards Road
Kansas City, MO 64116
twamuseumat10richardsroad.org
- la plaque commémorant le 1er vol me fut confiée par le service architecture d'ADP lors de travaux d'extention de l'aérogare sud. Je la conserve précieusement.
merci encore et félicitations,
Daniel A. SIONNEAU
ex TWA Properties and Facilities Overseas
Il y a 70 ans, le Constellation ouvrait un nouveau chapitre de l’histoire de l’aviation
Merci pour ce bel article sur le "Constel". J'ai eu le grand honneur et l'immense plaisir de rencontrer et de dialoguer avec Monsieur PONSCARME, commandant de bord sur ce magnifique avion, qui m'a confié que c'était le meilleur trimoteur à avoir traversé l'Atlantique car il y avait toujours un moteur qui tombait en rade et, à cette époque, le mécanicien navigant se faufilait dans l'aile pour essayer de le réparer et de le remettre en route...pas facile et très dangereux !!
Suite au décès de mon père, j'ai récupéré une superbe maquette en bronze d'un "Constel" et elle a malheureusement basculé de son socle. Alors, une hélice ayant été un peu endommagée, j'ai pensé à M.PONSCARME car maintenant cette maquette est plus tri que quadri moteurs comme pour le survol de l'Atlantique !!! Est-ce un signe de ce grand CDB ?
Il y a 70 ans, le Constellation ouvrait un nouveau chapitre de l’histoire de l’aviation
Bonjour,
Je crois noter quelques imprécisions techniques et historiques que voici :
- Kelly Johnson a pris sa retraite en 1975 (officiellement, car il est resté consultant des Skunk Works quelques années encore). Il n'a donc en rien participé à la conception des "F-177A [le F-117 en fait], le F-22 Raptor et le Joint Strike Fighter". Soit dit en passant, il n'est pas sûr qu'il ait approuvé ce qu'est devenu le F-35...
- Les trois dérives sont simplement le moyen le plus simple de conserver une stabilité longitudinale sans doter l'avion d'une dérive gigantesque. Ce procédé avait été mis en oeuvre par J. Kelly sur le Lookheed 12 Electra (vers 1934-35). La garde au sol, très haute, rendait en effet l'usage de hangars standards impossibles avec une dérive "classique".
- Au contraire de ce qui est affirmé, les empennage verticaux sont positionné afin de disposer d'un appui efficace dans le flux de la poussée des hélices, pour obtenir une compensation efficace en cas de passe de l'un des moteurs.
- La caractéristique principale de l'habitacle du Constellation est qu'il est pressurisé ! C'était une innovation majeure à l'époque, car elle donnait la possibilité de voler à plus de 6000 m, c'est à dire au dessus des basses couches atmosphériques et donc des principales turbulences. Le confort (de voyage aérien plutôt, que de transport aérien, comme dire B. Chabert) en était incomparable par rapport à tout ce qui existait à l'époque.
Merci par ailleurs pour cet article !