La Fédération Aéronautique Internationale (FAI), dont un des rôles est de valider les performances aéronautiques, célèbre aujourd’hui le record des frères Hunter qui, il y a 90 ans exactement, décidèrent de se confiner dans le cockpit de leur monomoteur Stinson et de rester en vol le plus longtemps possible. Ils établirent un record de 23 jours, une performance pourtant aussi éphémère… qu’éternelle !
Ils étaient quatre : John (1903-32), Kenneth (1908-74), Albert (1896-1942) et Walter (1906-83). Le 11 juin 1930, les deux premiers décollèrent de l’aérodrome « Sky Harbor » à Northbrook, dans l’Illinois, à bord d’un Stinson SM-1 Detroiter, monomoteur pouvant emporter quatre personnes et disposant d’un moteur Wright Whirlwind J5 de 220 ch, spécialement préparé et baptisé « City of Chicago » (NR5189).
Pour tenir, ils étaient ravitaillés en vol, vivres et carburant, par le SM-1 NR5326 « Big Ben » avec le reste de la fratrie comme équipage.
Les techniques de ravitaillement en vol du carburant avaient été explorées depuis le début des années 20 et des records déjà impressionnants avaient été déjà établis pour la catégorie « endurance. » Ainsi, en mai 1926, celui-ci était déjà de 172 h 32 min avant d’être porté à 246 heures en juillet.
Trois ans plus tard, en juillet 1929, un équipage composé de Dale Jackson et Forrest O’Brine, à bord d’un Curtiss Robin, portèrent le record à 420 h 17. Les tentatives suivantes se firent non plus en boucle mais à travers les USA, dont une par l’US Army Air Force et un certain Ira C. Eaker, futur organisateur et commandant de la 8th Air Force pendant la 2e guerre mondiale.
Puis, en juin 1930 vint l’heure de gloire des frères Hunter. Ils avaient fait une précédente tentative à l’automne précédent interrompue, en raison du brouillard qui empêcha l’avion ravitailleur d’effectuer sa mission, après 264 heures de vol soit 11 jours.
Ils ravitaillaient en attrapant avec une gaffe le tuyau de carburant descendant du second appareil positionné au-dessus d’eux. Ils utilisaient la même méthode pour récupérer les sacs de victuailles. Une méthode rudimentaire mais simple et opérationnelle qui fonctionna parfaitement.
Plus spectaculaire encore, Kenneth, le plus jeune des deux, se glissait régulièrement à l’extérieur de l’avion et s’installait sur une des plateformes fixées sur les flancs du moteur pour effectuer un minimum de maintenance sur un moteur sollicité en permanence. Un tel dispositif serait qualifié de téméraire aujourd’hui.
Les possibilités offertes à Kenneth d’intervenir sur le Wright ne furent pas suffisantes lorsqu’un problème d’huile se déclencha finalement, obligeant l’équipage à mettre fin à leur vol le 4 juillet.
Au bout de 553 heures, 41 minutes et 30 secondes de vol, après avoir consommé 29.034 litres de carburant, 1.438 litres d’huile et parcouru 65.661 km, ils revinrent se poser à leur point de départ accueillis par une foule nombreuse et enthousiaste estimée à 75.000 personnes.
Le record fut ratifié officiellement par la Fédération Aéronautique International le 4 septembre 1930.
Néanmoins, en 1932, la FAI prit la décision de ne plus homologuer aucun de ces records d’autonomie, essentiellement pour des raisons de sécurité, au moins pour la catégorie des aéronefs pilotés, que ce soit avec ou sans ravitaillement en vol. Plusieurs tentatives ultérieures, dont les dossiers étaient en cours, ne furent de fait pas pris en compte et le record établi par les frères Hunter reste le dernier du genre même si il est aujourd’hui considéré comme « officialisé – Retiré par changement du code sportif ».
Et pourtant il n’avait tenu même pas deux semaines. Du 21 juillet au 17 août 1930, lors d’un vol de 647 h 28 minutes, Jackson et O’Brine reprirent leur dû ! Mais le dossier d’homologation de cette performance était en cours lorsque la décision d’abandonner cette catégorie fut prise. Comble de l’ironie, leur précédent record, établi à 420 heures et 17 minutes ne fut validé que le 1er juillet 1930, alors qu’ils étaient en vol pour le battre, et qu’il avait déjà été effectivement dépassé.
En dépit de la décision de la FAI, les aventuriers continuèrent à se confronter aux limites de leurs machines jusqu’au record de Robert Timm et John Cook qui tinrent l’air à bord d’un modeste Cessna 172 baptisé Hacienda pendant la bagatelle de 1558 heures et 19 minutes, du 4 décembre 1958 au 7 février 1959, au départ et à l’arrivée de Las Vegas pour la promotion d’un casino. 64 jours sans toucher terre !
Drôle de record que celui des frères Hunter, aussi éternel qu’éphémère et totalement oublié, inscrit au cœur des années folles, période où l’aviation progressait à pas de géants et enthousiasmait les foules à juste titre.
Ces performances, qu’on trouverait aujourd’hui insensées, appartiennent désormais à un autre siècle révolu. Ce n’est pas pour autant qu’elles ne fascinent plus.
Frédéric Marsaly
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Un beau record mais en 1958 de mémoire, un Cessna 172 à effectué un vol non stop presque 3x plus long : 64 jours (1500 heures en l'air)....
https://fr.wikipedia.org/wiki/Plus_long_vol_sans_atterrissage
C'est bien pour ça que j'en parle... dans l'article !
Oups ! désolé !, ça démontre au moins l'intérêt d'être abonné pour lire les articles réservés :-)
Heu ..... ce ne serait pas 23 heures plutôt que 23 jours ..... ???
C'est 23 jours !
Merci à l'auteur de nous rappeler (ou apprendre...) ces exploits parfois oubliés !
Ce record est étonnant vu de notre année 2020, où l'on court plus à l'efficacité énergétique et à l'utilité immédiate, qu'au simple exploit technique (et humain !). Mais il est bon de rappeler qu'on peut aussi progresser en repoussant des limites, sans nécessairement prédire ce qui en sortira..