Ce 31 janvier 2023, Boeing livre le 1.574e et dernier « Jumbo Jet » construit. Après 55 ans de production, l’histoire de la « Reine des cieux » ne s’arrête pas pour autant. Elle a été d’une extrême richesse et le 747 est d’ores et déjà éternel !
Cette histoire est émaillée d’anecdotes, d’avanies et de titres de gloire qui, à eux seuls, peuvent remplir quelques rayons d’une belle bibliothèque. En voici dix points notables, sélectionnés de façon arbitraire, au milieu d’une liste infinie, mais qui montrent que cet avion est absolument unique !
Juan Trippe, patron tout puissant d’une omnipotente PanAm avait tissé des liens amicaux avec Bill Allen, patron de Boeing. Au cours d’une partie de pêche, au cours des années 60, alors qu’ils discouraient de l’avenir de l’aviation, le premier rétorqua au second : « un avion de 400 places ? Si tu le construis, je te l’achète ! » Le premier client du futur 747 était déjà trouvé !
Dans les années 60 les constructeurs pensaient que les supersoniques étaient l’avenir du transport aérien. Le 747 a donc été conçu pour pouvoir très vite être reconverti en cargo. D’où le cockpit surélevé, la fameuse bosse, permettant d’installer une porte de chargement dans le nez de l’avion. L’avion a bénéficié des recherches de Boeing pour le programme de l’US Air Force CX-HLS finalement perdu au profit du C-5 de Lockheed.
Lors de la préparation du premier vol du premier 747, l’équipage d’essais avait fait modifier un camion doté d’une maquette de cockpit pour s’entraîner à circuler sur les taxi-way d’Everett. Jamais un avion n’avait eu une telle envergure et jamais un équipage n’avait été positionné aussi haut. Le drôle de camion a été surnommé « Le charriot de Waddell » du nom du commandant de bord et pilote d’essais en charge du programme 747.
A Renton, à Boeing Field, les usines Boeing étaient en pleine activité à l’époque et les bâtiments trop petits pour le futur 747. On décida donc de bâtir un hall d’assemblage à la hauteur de l’ambition. Le hall de construction du « 747 »Jumbo » bâti à Everett Field à 40 km au nord de Seattle est le plus volumineux bâtiment du monde (13 millions de m3 aujourd’hui). Il dispose des plus grandes portes du monde (100 mètres de large sur 30 mètres de haut). Grâce à cette usine, Boeing a pu, sans problème, se lancer dans la construction de gros avions comme le 767 et le 777 et s’assurer d’être le roi de l’aéronautique civile.
Dans les années 80 on fumait dans les trains et les avions. Lorsque le 747-200 assurant le vol CI611 est tombé en mer entre Taipei et Hong Kong le 25 mai 2002, les enquêteurs furent surpris de comprendre que la cause du drame était une réparation de la paroi arrière (consécutive à un atterrissage dur quelques années plus tôt) dont les fissures fatales étaient invisibles sous… la couche de tabac qui s’y était déposée au cours des années !
Tous les 747 disposent d’un point d’ancrage sous l’emplanture de l’aile gauche pour pouvoir transporter un cinquième réacteur afin de dépanner un avion sans avoir à affréter un cargo spécial. Il existe donc des photos de 747 avec 5 réacteurs ! Au cours de la carrière du 747 il est néanmoins arrivé que des réacteurs se décrochent en vol. Ce fut le cas d’un cargo d’Evergreen au décollage à Anchorage en 1993 mais qui parvint à revenir à son point de départ. Le même phénomène était survenu sur un 747 cargo d’El Al au décollage d’Amsterdam l’année précédente mais l’avion finit par tomber et percuter un immeuble. Les deux réacteurs de l’aile droite furent retrouvés dans un lac non loin quelques semaines après le drame.
En 1991, lors de l’opération « Salomon », destiné à évacuer en 48 heures quelques 14 000 juifs éthiopiens de leur pays et de les rapatrier en Israël, plusieurs 747-200 de la compagnie El Al furent mis à contribution. Un de ces « Jumbo » décolla, alors, avec entre 1088 (chiffre officiel) et 1122 passagers à bord (chiffre avancé par l’armée Israélienne en tenant compte des enfants en très bas âge, dont deux nés à bord !) record absolu pour du transport aérien. Le confort était pour le moins spartiate puisque les passagers étaient assis aussi dans les allées. Bien que le vol dura quelques heures (il y a 2500 km entre Addis-Abeba et Tel-Aviv quand même !) la compagnie n’enregistra aucune plainte !
La responsabilité de la tragédie de Tenerife, le 27 mars 1977 incombe essentiellement au commandant de bord du 747 KLM qui tenta de décoller dans le brouillard sans vraiment s’assurer que le Jumbo de la PanAm qui remontait la piste n’y était plus. Cette impatience, ajoutée à un manque de clarté des instructions du contrôle local, coûta donc la vie à 583 personnes ! À contrario, en juin 1982, l’équipage d’un 747 de British Airways parvint à se poser en urgence et pratiquement en vol plané à Jakarta. En croisière, leur Boeing était passé dans un nuage de cendres volcaniques et les quatre réacteurs l’avaient très mal supporté !
Au début des années 2000 l’US Air Force dota un 747-400 d’un laser iode-oxygène d’une puissance de 1 Megawatt destiné à tester la capacité à intercepter les missiles balistiques dans le cadre du projet ABL, Airborne Laser Laboratory. Le 11 février 2010, le Boeing YAL-1 détruisit en vol un missile stratégique tiré au-dessus de la Californie. Néanmoins le programme n’alla pas plus loin et l’avion fut finalement ferraillé en 2014.
C’est peut-être le rôle le plus inattendu du 747 (avec celui d’observatoire volant ou d’arme laser) mais les 72 tonnes de retardant pouvant être embarquées à bord des trois 747 qui se sont succédés pour le projet Supertanker, de 2004 à 2020, se sont avérés parfois précieux sur certaines grosses interventions. Alors que peu de gens croyaient à ce concept (trop gros, trop lourd, pas assez maniable, du suicide ma bonne dame !) le Supertanker, surtout le 747-400, se montra à la hauteur des ambitions des ses promoteurs, sauf en ce qui concerne sa rentabilité immédiate, ce qui entraîna le retrait anticipé des investisseurs. Il pourrait néanmoins renaître encore, ce n’est pas comme si le besoin n’existait plus !
Frédéric Marsaly
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Oui, ce mastodonte était attirant.
Comme Bernard je n'ai fait que voler sur la série 100, 200, 300.
En vols Pax et cargos.
Avec parfois des passagers qui sortaient de l'ordinaire comme cette fois vers les Antilles, Raizet, cet orchestre qui nous a demandé s'il pouvait donner un petit concert… Les passagers de la cabine étaient heureux de sortir de leurs écrans et cela a été un très bon moment vers le FL 350 (hum souvenir un peu flou).
En négatif, et venant du DC10, la Rolls des airs à l'époque, je trouvait le 747 pas homogène aux commandes, une instrumentation un peur bord… et avec un cockpit très bruyant (nous avons eu des casques ANR tardivement) et donc très fatigant, de plus aucune fenêtre ne pouvait s'ouvrir; une fois sur un parking en cargo, APU déficient et pas de groupe de clim, nous avons ouvert la porte de secours à la partie supérieur du cockpit
Merci Jumbo,
Tu étais beau,
Tu étais le plus gros.
Sur le tarmac on dominait les badauds,
Car ton cockpit était tout en haut.
Sur le 100 on faisait des injections d'eau,
Des vitesses majorées au décollage. On avait du boulot
En l'air et à la préparation des vols, sans recours aux robots.
16 ans ensemble, 10 000 heures sur 100, 200 et 300, sans bobo.
Sur le 300 on amenait 521 pax aux Antilles, c'était le plus gros lot.
Au final 5 à 6 millions de passagers et pas mal de courriers cargos.
Et pour nos militaires ou certains alliés cinq vols très spéciaux,
Avec des Crotale, canons lourds, ou des soldats et des généraux.
Ah, il était bandant ce putain de Jumbo !!!