Le Capitaine Brice Erbland est pilote d’hélicoptère, notamment du Tigre. Il raconte quelques unes de ses missions en Libye et en Afghanistan, dans un livre intitulé « Dans les griffes du Tigre ». Une version de la guerre vue de l’intérieur.
Capitaine à 32 ans, Saint-Cyrien et pilote de l’Armée au sein de l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre) qui opère les hélicoptères d’attaque, Brice Erbland raconte pour la première fois ses combats. Au cours de l’année 2011, Brice Erbland a été chef de mission en Libye et en Afghanistan. Son livre « Dans les griffes du Tigre » (Editions Les Belles Lettres, collection Mémoires de guerre), petit ouvrage d’une centaine de pages, sobrement illustré, et rédigé un peu à la manière de compte-rendus officiels, n’est pas un plaidoyer à la grandeur de l’Armée française, ni même une leçon de morale destinée à « valider » les combats. C’est beaucoup plus simple que cela. « Dans les griffes du Tigre » est juste le récit de quelques actions aériennes que l’auteur a vécues en opération. Des témoignages racontés à la première personne, avec infiniment d’humilité, de respect, et d’humanité. L’auteur y parle de ses peurs, de ses angoisses, de ses fiertés.
C’est donc très humain, vraiment très humain. « Même dans le combat d’hélicoptères, où les équipages ont la sensation d’être isolés dans leur cockpit, il n’y a pas d’individualisme. Ce n’est pas « l’homme et la machine », mais bien, « l’homme et l’homme » avec toutes les grandeurs et les subtilités des relations humaines. » (page 91). Rentrant de mission au cours de laquelle le pilote-auteur a « liquidé » un insurgé afghan « chef insurgé de la vallée de Bedraou tué par tir hélicoptère cet après-midi près de Tagab », mais où un soldat français est également tombé, il lâche à un camarade : « Celui-là, on l’a vengé ! Je regrette aussitôt mes paroles même si elles ne semblent pas le choquer outre mesure. Je tombe inexorablement dans la loi du talion. Cette réaction est sans doute profondément humaine et a dû être partagée par bon nombre de soldats peinés de voir leurs frères d’armes tués de cette façon. N’est-ce pas Sophocle qui écrivait qu’on ne doit haïr un ennemi qu’en se disant qu’il redeviendrait un jour notre ami ? Mon Dieu que c’est dur ! » (page 16).
Brice Erbland mettra d’ailleurs du temps à s’en remettre. « Impossible de penser à autre chose, ce scénario se répète à l’infini devant mes yeux. […] Une psychologue des armées m’expliquera lors de mon départ d’Afghanistan que cette réaction tout à fait normale s’appelle un « phénomène d’identification ». Pour la plupart des autres tirs où j’ai tué des êtres humains, en Afghanistan ou en Libye, je pense avoir toujours inconsciemment justifié mon acte par le fait que des soldats français, au sol ou à bord d’autres hélicoptères, auraient pu trouver la mort si je n’avais pas agi. » (page 21).
Des hélicoptères, il en est évidemment question tout au long de l’ouvrage. Des Tigre, d’abord, que pilote la capitaine Erbland. Hélicoptère d’attaque des unités opérationnelles de l’Armée de terre française depuis 2007, le Tigre est piloté à deux en tandem. L’efficacité de ses équipements et de son armement, notamment un viseur, comportant une caméra thermique, installé entre le cockpit et le rotor et couplé à un canon de trente millimètres en font un des meilleurs hélicoptères de combats modernes. Et puis l’inépuisable Gazelle, en service dans l’Armée de terre depuis près de quarante ans, et équipée soit d’un canon de vingt millimètres, soit d’une caméra thermique et de missiles Hot (Haut subsonique Optiquement Téléguidé). « En arrivant, nous prenons notre schéma d’évolution habituel : le Tigre en cercle à mille pieds du sol, et la Gazelle deux cents pieds au-dessus dans le sens inverse… » (page 9).
Le capitaine Erbland parle d’ailleurs des hélicoptères sans détours : « certains voudraient déjà enterrer l’hélicoptère au profit des drones ; je crois au contraire que le combat mené à partir d’hélicoptères n’en est qu’à ses débuts, tant les possibilités sont grandes et l’efficacité mesurée. Très peu d’armées dans le monde occidental possèdent de nos jours une aviation légère capable de manœuvrer à l’échelle d’une escadrille et de combattre à la fois de nuit, à partir d’un bâtiment de la marine nationale, au milieu des montagnes ou encore en pleine zone urbaine. L’Armée française est l’une d’entre elles. » (page 6).
Enfin, il est parfois question ici … de questions. « Nous arrivons près de la place d’arme du régiment, où un véhicule m’attend pour me conduire au port de Toulon afin d’embarquer. […] Nous y sommes une fois de plus. Cet instant est détestable entre tous et semble interminable. J’embrasse ma femme, […] puis je serre dans mes bras chacun de mes enfants, avec cette indicible voix qui répète inlassablement dans ma tête que c’est peut-être la dernière fois. Leur regard de peine incomprise me fend le cœur. « Pourquoi tu pars, papa ? » Vaste question ma fille ». (page 59)
Bruno Rivière
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J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
Je crois que mon grand-père a été instructeur sur hélicoptère pour l'armée et vendeur d'hélicoptère en Amérique latine dans les années 70 a très haut niveau, j'étais curieux d'en savoir plus sur lui. J'ai arrêté de chercher par peur de découvrir des choses. Quand on utilise ou lorsqu'on vend des armes, on est forcément déçu, rien de bon ne sort de la violence, jamais. Il en a toujours été ainsi, mais elle est parfois nécessaire. La violence exercée par ce pilote était elle nécessaire ? Il n'a pas droit de se poser la question alors pour éviter la folie le militaire justifie l'injustifiable dans l'action et devient fou après. La guerre est une folie qui rend fou. De retour au pays la vie normale est là pour le lui rappeler. C'est dangereux pour un St-cyrien de raconter ses états d’âme parce que c'est un crime de lèse-collectif. Il aurait voulu casser sa carrière qu'il ne s'y serait pris pas autrement.
Demande de renseignements spécifiques sur l'ALAT
Bonsoir messieurs, je me permets de poster un commentaire sur ce billet (et j'ai de la chance de voir que certains posteurs sont d'anciens pilotes) pour vous poser une question :
Brièvement, j'ai 26 ans, très intéressé par l'armée et plus particulièrement par les helicos depuis la fin de mon enfance, j'ai décidé tardivement, je ne le nie pas, d'entrer dans l'armée de terre. Après la prise de renseignements au CIRAT pour devenir Pilote d'helicoptère sous contrat officier, je me rends compte que le parcours est très très très long, si tenté que l'on arrive à franchir les premières étapes, et la seconde passe par Vincennes avec son test ALAT.
C'est pourquoi je souhaite savoir si il existe un livre spécifique ou des annales sur ces tests : (psycotechnique, tests des lacs, de formes, de mémoires, questions portant sur les aéronefs,...)
Certains forums parlent d'un seul ouvrage paru il y a bien longtemps mais aujourd'hui plus édité, toutes les librairies de Lyon ne voient; en grande majorité; pas de quoi je parle, ou dans le meilleur des cas, me sortent un livre sur la mécanique des hélicoptères français.
Voilà messieurs, en espérant ne pas me faire envoyer bouler comme sur certains forums car je n'ai encore passé mon test CSO, j'estime quand même qu'il vaut mieux prévenir que guérir, donc si jamais l'un de vous passe par là et à la gentillesse de répondre à ma question, je lui en serait très redevable.
Merci par avance.
Cordialement,
Arthur.
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
Maintenant vétéran, ancien pilote Puma ayant participé à des opérations extérieures, je comprends les "ressentis" du capitaine Erbland. Tous les équipages, notamment, ceux de l'ALAT, qui évoluent à très basse altitude, ont été et seront encore confrontés à ces situations où la peur et l'excitation du combat sont étrangement mêlés.
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
j
J'ai eu l'occasion avec heren schmith de voler sur cet appareil avant qu'il soir baptisé"TIGRE"c'est certainement le meilleur hélico d'attaque au sol.Vive l'ALATUn ancien du GH3-GH2 et FDAX
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
Je ne sais pas si cela est dû aux formations de pilotes des armées françaises, mais à de nombreuse occasions j'ai pu constater l'humilité des pilotes militaires français.
Ils pilotent des machines de rêve, mais nous n'aimerions pas être à leur place. Ils ont montré leurs qualités et leurs compétences, mais restent discrets.
Je ne sais comment exprimer autant de respect qu'ils méritent, tant celui-ci est immense.
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
je resens fort bien, les dires de ce pilote, c'est la guerre!!!! les sentiments sont
dépassés, contre un ennemi sans srucpules!!!!!! et parfois il faut trancher.
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
cela démontre, que la supériorité de l'ALAT et bien confirmée, cela et une arme
redoutable, et bravo pour ceux qui pilotent cet engin avec un technologie du 21emes
siecles
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
je viens de le commander !
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
Super article qui donne envie de lire un livre... dont je comprends mieux le titre !
J’étais pilote de Tigre en Libye et en Afghanistan…
Ayant été l'un des premiers pilotes d'essai du Tigre, cet article me fait un grand plaisir.
Ce livre devrait bientôt rejoindre ma bibliothèque.
Pierre-Yves.