Par Michel Guérard
Cette histoire de « jumpseat » nous ramène à l’été 1980. Je devrais plutôt dire à l’hivernage 1980 car elle se situe au Sénégal. En effet, la période entre Juillet et Septembre est ainsi appelée et elle correspond à la remontée du FIT (le front inter tropical).
J’effectuais alors mon service militaire et avais été affecté pour neuf mois au DA160 (Détachement Air 160), autrement dit sur la base de Ouakam, près de Dakar.
Il était prévu que ce soit l’occasion de donner un coup de main à l’aéro-club local, très fréquenté par les militaires. A l’époque j’étais instructeur bénévole planeur à Buno-Bonneveaux et je volais en avion à l’aéro-club UTA au Plessis-Belleville. A ma grande satisfaction, je fus affecté à l’escadron de transport outre-mer local (ETOM 055 Ouessant).
Cette unité était dotée de trois Nord 2501 (Nord Atlas) et de deux Alouette II. Une de ces « Grises » (autre nom du Nord 2501) était un VAP, autrement dit un avion équipé pour transporter des personnalités dont le séant aurait pu s’offusquer des banquettes en toile destinées aux parachutistes. On y trouvait donc des tables et des fauteuils se faisant face. C’était assez sommaire mais plus adapté au transport de l’ambassadeur. En effet, ce dernier couvrait plusieurs pays (Gambie, Cap-Vert, Guinée Bissau) et pouvait ainsi se déplacer avec dignité (les capitales régionales étaient autrement desservies par des HS748 bondés).
Qui dit transport de personnalités, dit aussi personnel navigant commercial. A l’occasion, mon supérieur hiérarchique, le sergent-chef A., responsable du magasin technique, remplissait cette fonction. Il s’agissait essentiellement d’éviter la déshydratation des passagers en allant chercher des boissons fraîches à l’arrière de l’avion. C’était en majorité des bières locales « Flag » baignant dans deux poubelles remplies de glace avant le départ.
Un matin, mon Chef me fait part d’un prochain vol Dakar/ Nouakchott/ Nouadhibou et retour pour transporter quelques personnalités civiles et militaires. Seulement voilà, il ne peut pas y participer et me propose de le remplacer. Je fus bien évidemment ravi d’accepter et la formation fut très rapide… Il me fallut surtout dénicher une chemise blanche qui faisait partie de la garde-robe des sous-officiers mais pas des hommes du rang !
Je connaissais bien évidemment tous les membres d’équipage puisque nous appartenions à la même unité d’une quarantaine de personnes.
Il n’y avait d’ailleurs que cinq « appelés », ce qui facilitait grandement notre intégration.
Le navigateur me proposa alors une leçon d’utilisation du cinémo-dérivomètre, instrument astucieux qui permet de connaître le vent pour peu que l’on ait une idée de sa hauteur. Fort utile lorsque les Nord volaient en plein désert, par exemple pour aller vers Atar.
Mon enthousiasme était tel qu’on me proposa même le siège de droite pour aller tâter des commandes de la Grise.
En approchant de Nouadhibou et du Banc d’Arguin, tout le monde essaya d’apercevoir un bateau parti à la recherche de l’épave de la Méduse. On ne le vit pas mais nous sûmes plus tard qu’il avait réussi à la localiser en décembre 1980.
C’était finalement un double « jumpseat » : faire partie d’un escadron de transport de l’Armée de l’Air pendant son service militaire et participer à un vol dans le cockpit d’un Nord 2501.
Quarante-deux années plus tard, je n’ai bien évidemment pas oublié ce magnifique vol et ces camarades de l’Armée de l’Air. Lorsque je vole avec mes élèves, à Lasbordes, je vois à chaque tour de piste un Nord Atlas parqué dans l’enceinte de l’ex CEAT (centre d’essais aéronautique de Toulouse). Cela me fait toujours quelque chose…
Michel Guérard
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