L’aviation aux manœuvres d’avant-guerre 1910-1913

Pour ceux qui s’intéressent aux débuts de l’aviation, le thème de ce n° 3 des Cahiers des as oubliés 14-18 – rappelons-le, une publication « papier » complémentaire du site www.asoublies1418.fr – est un sujet passionnant. En effet, l’armée s’est depuis ses débuts, investie dans l’aéronautique. Le premier dirigeable fonctionnel de l’Histoire, (la France, envol le 9 août 1884) ne fut-il pas imaginé et mis au point par des ingénieurs militaires au sein de l’Établissement de Châlais-Meudon ? L’un des trois élèves initiaux des frères Wright en France ne fut-il pas un officier (même s’il n’a pas mené son cursus à terme) ? Très vite après la traversée de la Manche, après la Semaine d’aviation de la Champagne, à peine plus d’un an plus tard, les militaires ont voulu expérimenter les machines volantes dans le cadre d’exercices. Pour se faire une idée de leur rôle, avant de se forger une doctrine d’emploi. La période 1910-1914 est donc essentielle dans l’historique de « la cinquième arme ».

Le premier événement guerrier sur la planète, mettant en scène aéroplanes et aérostats, fut ce qu’on a appelé les Manœuvres de Picardie, en septembre 1910, opposant deux corps d’armée, quelque 60 000 hommes. Toutes les marques de dirigeables de l’époque, Astra, Clément-Bayard, Lebaudy et Zodiac y participèrent, militaires et civils réservistes (Hubert Latham, Louis Paulhan, par exemple) y volèrent, sur Antoinette, Blériot ou Farman. L’on y fit les premiers essais de TSF aéroportée, le commandant Ferrier et son matériel ayant pris place à bord du Clément-Bayard II… L’importance de ces manœuvres fut fondatrice, car celles qui suivirent (Manœuvres de l’Est, 1911, de l’Ouest, 1912, du Sud-Ouest, 1913) firent toutes appel à l’aéronautique.

Les Manœuvres de Picardie nécessiteraient un livre à elles seules, tout comme le meeting de Reims en 1909 en a suscité, à juste titre, plusieurs. Cet ouvrage de 80 pages au format 21 x 29,7 m’a laissé sur ma faim sur ce point. Il est par contre comparativement plus fourni sur les années 1911 à 1913 et l’on y puise une belle moisson de connaissance. Le texte fait appel essentiellement aux articles de presse de l’époque (notamment l’hebdomadaire l’Aéro), avec tout ce que cela comporte comme avantages (style inimitable de l’époque, fraicheur des témoignages) et comme inconvénients (absence de recul et de vue d’ensemble). Peut-être ce riche travail eut-il gagné à être complété par des commentaires et une analyse d’historien. Qu’importe, il apporte déjà un bel éclairage sur des faits restés par trop méconnus.

Jean Molveau