L’avion foudroyé en plein ciel

Un avion de ligne est foudroyé en moyenne une fois par an. Le phénomène a commencé à être étudié dans les années 80 à la suite d’une série d’accidents mortels, comme le racontent Anne Bondiou et Jean-Louis Fellous, dans « Terre d’orages », un passionnant ouvrage consacré aux orages.

« En 1959, à Milan, et en 1963 dans le Maryland, deux avions furent détruits en vol par l’explosion de leurs réservoirs : à l’instant du foudroiement, un arc électrique s’était développé dans les vapeurs du mélange combustible qui s’enflamma immédiatement », rappellent Anne Bondiou et Jean-Louis Fellous, dans l’étude qu’ils consacrent aux orages. En renforçant le blindage des réservoirs, les constructeurs aéronautiques empêchent que des champs électriques n’apparaissent à l’intérieur. En revanche, les champs électromagnétiques associés à l’éclair peuvent induire des perturbations indirectes, notamment sur les commandes de vol électriques et l’avionique.

Les avions d’ancienne génération, entièrement métalliques, étaient d’excellentes cages de Faraday, laissant le courant circuler dans l’enveloppe extérieures de l’appareil et annulant les champs électromagnétiques à l’intérieur de la carlingue. En revanche, les matériaux composites utilisés aujourd’hui dans la construction des avions modernes sont quasi transparents aux champs électriques et magnétiques qui peuvent ainsi pénétrer à l’intérieur de l’avion. De plus leur caractère faiblement conducteur ne permet pas l’écoulement du courant d’arc le long de la structure. « Cette vulnérabilité potentielle des avions modernes est contournées par la mise en œuvre de dispositifs de protection et de blindage adaptés », expliquent Anne Bondiou et Jean-Louis Fellous Anne Bondiou, physicienne, a consacré plus de 15 ans à des recherches théoriques et expérimentales sur la foudre et les orages, à l‘Office National d’Études et Recherches Aérospatiales. Elle est aujourd’hui directrice de la recherche au GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales).

Jean-Louis Fellous, géophysicien, a dirigé les programmes d’observation de la Terre au Cnes et les recherches océaniques à l’Ifremer. Il est le directeur exécutif du Comité mondial de la recherche spatiale (Cospar)..

Pour comprendre les mécanismes du foudroiement en vol et évaluer quantitativement les effets directs et indirects éprouvés par l’avion, il a fallu expérimenter. « Les programmes de recherche menés en France et aux Etats-Unis dans les années 1980 ont été menés avec des avions spéciaux spécialement instrumentés, pourvus de multiples capteurs de courant et de champs électromagnétiques, de caméras rapides permettant de saisir l’image de l’éclair, et… d’un équipage intrépide. S’aventurant jusqu’en périphérie des zones les plus actives des cumulonimbus, ils ont enregistré plusieurs centaines de foudroiements, permettant de répondre à une question préalable : l’avion est-il touché par un éclair naturellement amorcé dans le nuage, ou a-t-il au contraire déclenché la foudre par intensification du champ électrique ? ». Au final, les études en vol ont conclu que 90% des foudroiements étaient amorcés au niveau de l’appareil lui-même. Une raison de plus d’éviter les foyers orageux qui peuvent se trouver sur la route d’un avion de ligne.

C’est en travaillant à l’ONERA, pendant 15 ans au sein du laboratoire se consacrant aux effets de la foudre et des orages sur les avions, hélicoptères et lanceurs spatiaux qu’Anne Bondiou s’est passionnée pour les orages. L’ouvrage « Terre d’orages » qu’elle cosigne avec Jean-Louis Fellous aborde tous les aspects liés aux orages, scientifiques évidemment, mais également historiques, culturels et même imaginaires, sans oublier les superstitions. Passionnant.

Gil Roy