Jacques Arnould livre ici, dans son dernier ouvrage, une réflexion philosophique sur les enseignements que nous pourrions retenir de cette évolution scientifique depuis les origines de la conquête spatiale.
Qu’avons-nous retenu de cette aventure spatiale que l’on pourrait croire récente ? Peut-on ainsi résumer cet ouvrage dans lequel Jacques ArnouldJacques Arnould, historien des origines de notre système planétaire et théologien, passionné de Darwin et Teilhard de Chardin, auteur de nombreux ouvrages qui invitent à la réflexion, est chargé des questions d’éthique au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES)., dans une première partie, grâce à une recherche historique minutieuse, balaye trois siècles de travaux et de recherche de quelques « savants » dont le nom nous est familier, ou le plus souvent inconnu ?
S’appuyant sur leurs écrits, il remet en lumière les travaux des astronomes et leurs théories visionnaires dès le 17ème siècle : Galilée, Kopfler, les aventures-fiction de Lucien de Samosate et d’Edgar Poe. Jacques Arnould nous rappelle qu’au XIXème siècle, qui marque la fin de l’exploration de notre terre, celle de l’espace devient le centre d’intérêt et attise ce besoin de découverte d’un « ailleurs ».
Si le voyage réel dans l’espace reste encore une fiction, les Voyages Extraordinaires de Jules Verne et les publications de Camille Flammarion passionnent. Le XXème siècle verra ensuite nombre d’auteurs tels qu’H.G. Wells (Les premiers hommes sur la Lune) ou A. Clarke (2001, l’Odyssée de l’Espace) vulgariser la science-fiction et se projeter dans le futur …
Dès l’entrée dans ce siècle, le cinéma naissant permettra de visualiser cette fiction, avec Méliès (1902) et son Voyage dans la lune. Il ne restera plus qu’aux ingénieurs de concrétiser la prédiction de Kepler et d’Arthur Clarke dans l’un de ses articles de 1939 : « We can rocket to the moon now ! ».
De poser un engin spatial sur notre satellite, à y envoyer un homme… Il n’y a qu’un pas ! « Un tout petit pas pour l’homme» dira Armstrong au matin du 20 juillet 1969… « mais un pas de géant pour l’humanité ! » Certes !
Pourtant ! Cette conquête spatiale, qui suscite passion et émerveillement eut et aura encore nombre de septiques, opposants et dénonciateurs de tous bords, contestant les objectifs religieux, idéologiques et politiques, les coûts exorbitants des programmes spatiaux, la manière de masquer les problèmes fondamentaux des minorités, les inégalités sociales, les luttes raciales, les écarts de la démocratie…
« A quoi bon l’espace ? » s’interroge et exprime alors Jacques Arnould ! Sommes-nous vraiment prêts à aller vers un ailleurs alors que nous ne connaissons pas tout de nous-mêmes, de notre identité ? Et l’éthique dans tout çà ? Le spécialiste de ces questions au CNES ne pouvait pas passer sous silence cette interrogation.
C’est donc avec toute son expertise qui laisse peu de place au doute, s’appuyant à la fois sur son expérience et dans le respect des buts de sa mission qui consiste à s’interroger sur le pourquoi et le comment des actions de l’agence et du bien-fondé des projets qu’elle met en œuvre, qu’il y consacre alors un large chapitre. Jacques Arnould jette un regard clair sur la fragilité et l’avenir de notre planète, sur l’environnement, et sur les risques encourus pour la survie de l’espèce humaine.
La conquête de l’espace a permis également, grâce aux images renvoyées des satellites et des prises de vues des différents vaisseaux habités, une meilleure connaissance de la planète bleue, notre terre, ses contours, son relief, la masse des océans, sa démographie, dans une palette infinie de couleurs… « Après en avoir été privés pendant des millénaires, nous voilà assaillis par des vues de notre planète, sous toutes ses coutures et tous ses voiles, dans tous ses états et toutes ses humeurs » résume Jacques Arnould en soulignant les risques de cette surabondance d’images. Il faudra alors faire preuve de discernement, éduquer notre regard en même temps que notre émotion et ne pas se laisser entraîner par une envie inconsidérée à explorer l’immense territoire qui nous entoure et toujours plus de galaxies.
S’il nous invite à la réflexion depuis le début de son écrit, en appelant les physiciens, biologistes penseurs, psychanalystes (Copernic, Darwin, Freud….) et tant d’autres maîtres à penser à la rescousse pour étayer ses propos, c’est dans une seconde partie du livre qu’il s’interroge et nous propose une théorie originale sur l’existence et l’avenir de notre Terre, encore actuellement connue comme la seule planète habitée et la première destination de l’Odyssée humaine. L’intéressante comparaison à un vaisseau spatial où les terriens en composeraient l’équipage, sorte d’Arche de Noë, livré à lui-même dans le vide céleste et maître de son destin, interpelle et peut sidérer le lecteur.
Bien que la science-fiction soit omniprésente dans cet écrit, jamais l’auteur ne s’éloigne de sa préoccupation majeure, celle dont il a fait son métier. L’éthique, toujours, revient au premier plan posant les interrogations sur les tentations de dérive, les dangers des tentatives de manipulation des gouvernants, l’atteinte des limites qui pourraient conduire immanquablement à la perte de notre humanité.
La dernière partie est un témoignage et une analyse de l’apport de la conquête spatiale à l’homme d’aujourd’hui. La rencontre de Jacques Arnould avec Buzz Aldrin, l’admiration empreinte de retenue et de respect pour cet homme à l’aura particulière qui n’a cessé, dès son retour sur terre, de transmettre son enthousiasme pour l’espace aux générations montantes.
Dans son écrit l’auteur montre tout la considération qu’il porte à ces pionniers, toute cette confrérie des astronautes qui ont mis le pas sur notre satellite et à tous les autres, un « espace » où Thomas Pesquet a désormais une place de choix.
De cette aventure, il reste la nostalgie, nous explique t’il, même s’il trouve plus convenable de s’en écarter «… un sentiment bien étrange à aborder… » avec le risque « de ne pas conduire ailleurs qu’à la déception et à l’échec »…
Voilà donc tout, ou presque, ce que la lune a pu « dire » à l’auteur et que ce dernier défriche en décortiquant la pensée et les écrits des nombreux intellectuels, théologiens ou scientifiques qui se sont intéressés ou se consacrent à ce sujet, qui n’a pas fini d’enthousiasmer et de fasciner.
« Qu’avons-nous appris en nous écartant d’un pas de la surface de la Terre …? » alors que la commémoration du cinquantenaire de la visite d’un premier homme sur notre satellite se profile… Tout est dit en moins de deux cent pages passionnantes qui se ferment sur un clin d’œil à la pensée et aux valeurs humanistes de Saint-Exupéry et une invitation à rechercher dans l’aventure spatiale les réponses à nos propres questions.
« La Lune m’a dit …» Une vision philosophique, humaniste et projective de l’exploration spatiale.
Philippe Chetail
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De grâce... Sceptique ! Ce sont les fosses qui sont septiques.
Très bon article par ailleurs
"A quoi bon l'espace ?". L'arrivée des acteurs privés éclaire évidemment la réponse. L'espoir d'exploiter quelque planète riche en métaux rares, ou l'appât du gain court-termiste alimenté par quelques riches abrutis prêts à lâcher des centaines de millions de dollars pour s'offrir un bond de quelques centaines de km. Peu réjouissant....