Cinq nouvelles belles restaurations d’aéronefs ont été récompensées par l’Aéro-club de France lors de la remise du Grand Prix du Patrimoine 2020. Cette nouvelle édition met en lumière le dynamisme des associations de collectionneurs que compte la France et la diversité des chantiers de restauration.
C’est devant un public limité aux mécènes et partenaires, récipiendaires et membres de la commission patrimoine que s’est déroulée (19 octobre 2020) cette nouvelle cérémonie de remise des prix. Le Prix 2020 distingue encore cinq finalistes retenus par un jury de 10 personnalités du monde le l’aéronautique, de la culture et de la politique présidé par Max Armanet, parmi les treize candidats à cette finale.
« Plus que jamais, alors que la plupart des avions sont cloués au sol, que des mouvements de dénigrement systématique irrationnels (…) voient le jour un peu partout, il est utile d’honorer et de célébrer le patrimoine aéronautique avec tous ceux qui ont choisi de le conserver, de le restaurer et de l’exposer au public. (…) nous savons tous qu’il ne sera pas possible d’inventer les solutions techniques, mais aussi économiques, politiques, sociales pour une aviation de l’avenir plus propre et plus durable, sans s’inspirer du génie et de l’audace des pionniers d’hier…» précise Catherine Maunoury, Présidente de l’AéCF, dans son introduction.
Car c’est bien l’objectif de l’Aéro-Club de France de s’appuyer et de s’enrichir du passé pour préparer l’avenir et c’est dans cet esprit, que grâce à l’aide de mécènes fidèles renouvelant leur dotation année après année, (à hauteur de 33 000 € pour cette édition) que les récipiendaires ont reçu leur prix tour à tour.
Acquis dans un musée Canadien, démonté par une équipe dirigée par François Dubreuil et mis en container, il arrive très endommagé en France, obligeant l’équipe à envisager des travaux bien plus importants que prévu initialement…
Alors que la restauration du fuselage est confiée à une société agréée (Aéro Restauration Service à Dijon, qui réalisera en un temps record la reconstruction des parties et éléments structurels abîmés lors du transport), l’équipe s’emploie à remettre à neuf la plupart des éléments de voilure, du train d’atterrissage, du système de freinage et de l’ensemble des organes vitaux qui sont testés à plusieurs reprises pour s’assurer de leur bon fonctionnement.
Ainsi moins d’un an après son arrivée sur le sol Vendéen, le sifflement aigu du Rolls Royce « Nene 10 » se fait entendre pour la première fois sur le sol français depuis des décennies. Les premiers roulages sont effectués rapidement sous les regards heureux des membres de l’équipe ayant participé à la résurrection de la machine, qui mesure et savoure tout le chemin parcouru depuis son arrivée à La Roche sur Yon. Il s’ensuit une modernisation de l’avionique et la réalisation d’un nouveau circuit électrique, lui assurant une fiabilité maximale pour une exploitation en meeting (mise en route autonome notamment).
De longues heures d’ajustage d’une nouvelle nouvelle planche de bord est nécessaire pour prendre sa place. L’année 2019 sera celle des finitions, du contrôle des siège éjectables Martin Becker, de la classification de l’avion par la DGAC au registre français des avions de collection et de la formation de son pilote, qui reprit pour cela le chemin du Canada . Le choix de la livrée n’a pas laissé place au doute : Les T33 ayant servi au sein des écoles de chasse de l’Armée de l’Air, l’équipe a eu à cœur d’en reprendre la décoration par devoir de mémoire. Tous bercés par la BD de Jean Michel Charlier et d’Albert Uderzo, le marquage du « QR 34 » de « L’école des Aigles » piloté par Michel Tanguy s’imposa rapidement… Le CT 33 est désormais à la disposition des organisateurs qui souhaitent l’engager dans leurs meetings.
Distinction remise par Catherine Maunoury et le Général Julien Sabene (Directeur du CERPA/CESA – Armée de l’Air et de l’Espace) à Richard Evra pour l’association Creil Aéro.
Ce gros bimoteur dit « le coupe papier » du fait de son aile haute haubanée à grand allongement, pouvait ainsi réaliser des longues missions avec une grande stabilité et possédait des capacités de décollage et d’atterrissage lui permettant d’utiliser des pistes courtes. Il était armé d’un équipage de 5 hommes affectés à son pilotage, la navigation et les prises de vues, grâce à ses caméras verticales et obliques.
Enfoui, au fil des années dans la terre meuble jusqu’à mi moyeu, le travail initial a consisté à l’extraire de sa gangue afin de le remettre sur ses roues. Après 40 années d’immobilisation la remise en état des trains roulants nécessita un travail important de démontage des 6 roues, de nettoyage, de changement des chambres à air et de remontage, afin de pouvoir à nouveau déplacer cette imposante machine difficile à manœuvrer. S’en est suivi le remplacement du vitrage des hublots vandalisés et la fabrication d’une nouvelle issue de secours. Vint ensuite le moment de remplacer le plancher et la structure métallique qui le soutenait, dégradés par les infiltrations de l’eau de pluie en cabine. Le revêtement intérieur et son isolation subirent le même sort sur la totalité du fuselage.
Puis vint le moment où l’équipe se pencha sur la remise en état du poste de pilotage, vandalisé lui aussi. La plupart des instruments avaient disparus et furent remis en place grâce à des dons d’anciens stocks de l’usine Hurel Dubois ou de l’IGN. Les volants avaient été aussi subtilisés et c’est grâce à une nouvelle fabrication à partir de mesures en CAO et un nouvel usinage à partir d’une photographie originale que ces éléments essentiels ont pu reprendre leur place. Cette opération s’est accompagnée du nettoyage et d’une nouvelle peinture du poste de pilotage. Le temps fut venu d’un grand nettoyage à haute pression et du remplacement de la bulle avant, véritable poste d’observation, elle aussi vandalisée.
L’équipe de Richard Evra, composée de mécaniciens aéronautiques passionnés, d’élèves mécaniciens issus de l’école de formation aéronautique voisine et d’anciens techniciens de l’IGN qui entretenaient les avions durant leur activité, a donc atteint la première partie de son objectif consistant à sauver cet appareil désormais mythique, qui se détériorait au fil des ans. La seconde partie du travail, après la reprise cosmétique et les marquages de la machine, visera à organiser des visites pour le public et lui expliquer la genèse, la vie et les missions de cet avion atypique et celles de l’Institut Géographique National, dont il fut le fidèle serviteur.
Coupe remise par Nicolas Delsalle (Secrétaire Général Fondation Saint-Exupéry) et Romain Hugault (dessinateur BD, illustrateur), pour l’avion présenté par Frédéric Sutter, pour Chartres Classic Airplane.
Désormais largement répandu en France, ce biplan a été construit à plus de 9700 exemplaires par les usines Stearman Aircraft et Boeing depuis 1934, jusque à la fin de la seconde guerre mondiale. Construit essentiellement en bois et toile, c’est un appareil robuste utilisé à des fins d’entrainement des pilotes militaires de l’US Army Air Corps, l’US Navy et au Canada. A l’issue du conflit, des milliers d’avions en surplus seront vendus sur le marché civil.
L’appareil récompensé aujourd’hui, construit par la Sté Stearman (à Wichita, devenue filiale de Boeing) en 1941, a été trouvé à Phoenix (Arizona) en 2016 par Frédéric Sutter, Olivier Delahaye et Georges Cottin qui partageaient le même hangar sur l’aérodrome de Chartres. De son histoire, les trois amis ont appris que leur future acquisition est un modèle D75N1 (PT 27), initialement livré aux Forces Aériennes Canadiennes. A la fin de la guerre l’avion est revenu aux Etats Unis pour entamer une nouvelle carrière d’épandage agricole. Victime de dommages importants lors d’un « cheval de bois » sévère en 1964, il sera stocké en l’état, fera l’objet d’un début de restauration puis sera revendu inachevé, en 1993.
C’est en l’état qu’il arrivera sur le sol Français, entièrement démonté, accompagné de caisses de pièces éparses non répertoriées. Dénicher les pièces manquantes n’a pas été non plus une mince affaire et le recours à Internet et aux vendeurs américains alimenta le quotidien de cette restauration. Commença ensuite un travail minutieux de traque des criques des parties métalliques, le remplacement des câbles de trim et de commandes…
Toute la sellerie sera changée avec l’aide d’un sellier qui utilisera un cuir agréé et anti feu.. De nombreuses améliorations des équipements ont été effectuées, sur les freins désormais à disques en lieu et place des tambours, mais aussi sur le train d’atterrissage, la roulette de queue et le palonnier. L’installation électrique, dont l’appareil était dépourvu, a fait l’objet d’un soin particulier et de nouveaux équipements fiables ont été installés avec le soin permanent de ne pas dénaturer l’état d’origine.
La rénovation des parties métalliques fixes et mobiles du fuselage, des ailes et des capots moteur a nécessité également un intense travail de tôlerie. Le réentoilage n’a pas fait économie de l’emploi de 80m de toile polyester lardée, pour être parfaitement en phase avec les plans d’origine.
La mise en apprêt, la peinture et la décoration de la machine, dont le choix s’est porté sur une livrée d’un appareil ayant servi chez les garde-côtes, présageait de l’imminence de son nouveau premier vol… Ainsi, après trois années et 3000 heures de bons soins et de reconstruction, le Kaydet reprendra l’air en novembre 2019. Il totalise à ce jour une dizaine d’heures de vol sans aucun problème repéré. L’avion va ainsi revivre une nouvelle jeunesse aux mains de pilotes expérimentés qui envisagent pour lui une nouvelle carrière dans les meetings et balades dans l’azur, afin que le plus grand nombre puisse goûter au vol à l’ancienne sur cet aïeul de près de 80 ans !
Coupe remise par Dominique Simon (Président RSA) et Christian Ravel (Fondateur du Musée Espace Air Passion à Cyrille Valente (Président de l’AJBS), Florent Cheze (Secrétaire Général) et Jean Marc Viard (Secrétaire Général Adjoint).
Alors que les voltigeurs, à la fin des années 60 recherchent un appareil de nouvelle génération, Arnold Wagner, champion de voltige Suisse imagine et conçoit un appareil tout nouveau possédant une architecture symétrique lui permettant un vol dos aussi aisé qu’en vol ventre. Ainsi va être conçue une machine performante, véritable condensé d’innovations techniques au service de la manœuvrabilité, bénéficiant de tous les atouts pour faire de cet avion un excellent compétiteur au niveau international.
Dans les années 70 à 90, l’Acrostar fut essentiellement utilisé dans les championnats par Eric Müller et Christian Schweitzer, les deux meilleurs pilotes de voltige suisses de l’époque. Sur un total de 9 avions construits par la Société Allemande Hirth, 4 d’entre eux ont été détruits… Les exemplaires survivants sont conservés en statique dans des musées.
L’Acrostar de l’AJBS est l’avion de série N°4003, construit en janvier 1972 pour participer aux Championnats du Monde de voltige organisés cette même année sur la Base Aérienne 701 de Salon de Provence. Acquis dans les années 90 par l’AJBS de La Ferté Alais, une première équipe commence la restauration de l’appareil très endommagé lors d’un atterrissage « délicat ». Alors qu’un chantier colossal se présentait une fois prise la décision de le restaurer entièrement, le but était clairement affiché : L’avion revolerait un jour !
Les ailes, le fuselage et toutes les parties entoilées ont été décapées, poncées, apprêtées, repeintes et réassemblées. Presque neuf, mais n’ayant pas tourné depuis trop longtemps, le moteur et son bâti ont fait l’objet d’une inspection approfondie et d’un passage au détecteur de criques.
L’hélice, à son tour a subi une révision totale en atelier. Le choix de sa livrée a été retenu pour rendre hommage à Eric Müller qui a participé, aux commandes du HB-MSA à de nombreuses compétitions internationales.
Le N° 4003 de l’AJBS honoré aujourd’hui, est le seul Acrostar en état de vol de par le monde et l’AJBS peut s’enorgueillir d’avoir su le faire renaître et de lui offrir à nouveau une nouvelle vie de voltigeur, celle pour laquelle il a été conçu 50 ans plus tôt.
Coupe remise par Bertrand Lucereau (Président de SECAMIC) et Pierre Boulot à Bernard Trible, président de l’espace Aéro de Lyon-Corbas.
A l’issue de la seconde guerre mondiale, la France dans l’obligation de rééquiper son Armée de l’Air, va s’orienter vers l’acquisition de nouveaux matériels destinés à la chasse et à l’observation, mais son industrie aéronautique renaissante ne proposait guère que le SO-6020 « Espadon », aux qualités et performances bien insuffisantes pour répondre au cahier des charges du Ministère de l’Air.
De sa propre initiative Marcel Bloch, devenu Marcel Dassault, demande alors à son bureau d’études la réalisation d’un appareil léger et performant, peu coûteux, capable de rivaliser avec la concurrence. Des tables à dessin de ses ingénieurs nait ainsi, en 1948, le prototype du MD 450 « Ouragan », un appareil à voilure basse et fuselage à section circulaire disposant d’une vaste entrée d’air nasale, capable d’accueillir un turboréacteur Rolls Royce/Hispano Nene 104B à simple flux. La cabine sera pressurisée afin de pouvoir atteindre l’altitude de 12000 m. Il sera armé de 4 canons de 20 m/m.
Le prototype MD-450 « 01 » effectuera son premier vol le 28 février 1949 aux mains de Kostia Rozanoff au centre d’essais en vol de Melun-Villaroche. Le secrétariat d’État à l’Air commandera 150 « Ouragan » dans un premier temps, commande portée ensuite à 450 appareils, réduite à 350 avec l’arrivée prochaine du Mystère II.
Premier chasseur à réaction de construction Française le MD 450 entrera en service dans l’Armée de l’Air en 1952. Il équipera les 2ème, 4ème et 12ème Escadre jusqu’à fin 1957, puis l’Ecole de l’Air de 1958 à 1960, l’Ecole de chasse à Meknès de 1956 à 1961… et la Patrouille de France de 1954 à 1957. Il sera retiré du service en 1963, pour laisser place au Mystère II, au Mystère IV, SMB2 et au Mirage III.
Après une longue période de stockage sur la BA 279 de Châteaudun, l’appareil est déplacé sur la base dépôt de Romorantin et mis en exposition mais les intempéries le rongent petit à petit et c’est un chasseur présentant beaucoup de corrosion que découvre le Président de l’EALC lors de l’une de ses visites de la base, bien décidé à l’acquérir pour le Musée Lyonnais… Suffisamment persuasif pour que les autorités militaires acceptent sa proposition de transfert de la machine pour restauration, c’est en juin 2015 que l’Ouragan arrivera à Corbas « pour se refaire une beauté »…
Démontage et traitement de la corrosion de toutes les parties affectées, restauration mécanique et hydraulique du train d’atterrissage, des sous-ensembles et des accessoires, remise en état des mécanismes de la soute à canons, rénovation des instruments de bord, décapage, ponçage, préparation de la cellule et des ailes et mise en apprêt pour recevoir sa nouvelle peinture, ont marqué les 3 étapes du lifting de l’appareil.
En clôture de cet événement soutenu par la Mutuelle de Prévoyance du Monde de l’Aéronautique et Spatial IPECA, qui témoigne par ce nouveau partenariat de sa volonté de s’investir davantage dans la préservation du patrimoine, le Diplôme Phenix de la Fédération Aéronautique Internationale (FAI) a été remis par Max Armanet (Président de la Commission du Patrimoine de l’Aéro-Club de France) en présence de Catherine Maunoury, à Jean-Pierre Lambin et Christian Ravel de l’Association Espace Air Passion (Angers) pour la restauration du Moynet Jupiter.
« Nous le savons et n’avons cesse de le répéter » conclut Catherine Maunoury… «nous ne bâtirons pas le futur, nous ne serons pas les pionniers de l’avenir en ignorant, ou pire encore, en dénigrant le passé et son héritage présent. Nous devons au contraire le préserver, le valoriser, le promouvoir et l’aimer.. (…) lui réserver une fierté, lucide et raisonnée. C’est ainsi que les exploits, les succès, les découvertes d’hier seront le terroir, la semence des développements de demain, des développements qui sauront être durables, soucieux de l’environnement, des sociétés et des économies. »
Philippe Chetail
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
View Comments
J'ai vu le HB-MSA en action au meeting de Bex en 1978. A voir ici entre 7:50 et 10:10 à peu près : https://vimeo.com/160379590 (meeting de Bex, dimanche 20 août 1978, filmé en super8 - désolé pour la qualité limitée de la copie).
Je voudrais corriger un oubli d'affectation de l'ouragan;affecte à la base de mont de Marsan le 5 mars 1953 (mort de Staline) la 11eme escadre etait en formation avant de rejoindre Cambrai, ou quelques temps apres sur emballement du plan mobile arriere sur un des MD450 a provoqué la mort du pilote .La 2eme escadre n'est venue qu'apres se former au CEAM .
Du travail d'artiste, félicitations,
Amicalement,
M.Brand
Ce patrimoine aéronautique ne pourrait-il pas être inclus dans un cadre plus général et bénéficier des retombées de la Loterie Nationale (merci Stéphane Bern !) comme nos monuments historiques ?... Affaire pendante...
Quelques machines en France sont déjà inscrites à la liste des monuments historiques. Elles doivent donc être éligibles ...
Par exemple le Morane 230 à la Ferté-Alais, le Weihe 50 à Angers, et d'autres...