Lancement réussi de la fusée japonaise Shitamachi

Pour son vingtième roman, le Japonais Ikeido Jun (prix Naoki 2011) se lance dans l’univers impitoyable de la puissante industrie spatiale nipponne. « La fusée de Shitamachi » (Books Editions) est l’histoire d’une PME qui tient tête, ni plus ni moins, au monstre spatial japonais, la Teikoku Jyûkô. Lancement réussi…

« La fusée de Shitamachi », c’est un long compte-à-rebours. On commence par situer le cadre : l’univers industriel spatial japonais. Puis le lieu : Tokyo essentiellement, et notamment son quartier populaire de Shitamachi, mais aussi la base de lancement de la JAXA (Japan Aerospace eXploration Agency) de Tanégashima.

On crée un héros : Tsukuda Kôhei, un ingénieur spécialisé dans le développement de sous-ensembles de moteurs de fusées, aujourd’hui chef d’une PME. Puis une intrigue digne des plus grands thrillers : comment le géant du secteur, la Teikoku Jyûkô manœuvre-t-elle pour tenter de récupérer le brevet de système-valve déposé précisément par la PME de Tsukuda Kôhei ?

L’ensemble donne un roman passionnant, entre fiction et réalité, où sont abordés sans préjugés les mécanismes de fonctionnement les plus odieux de certains grands industriels dont seul compte le niveau de l’indice Nikkei 225. Le rythme y est soutenu et accélère au fur et à mesure des multiples rebondissements (procès, trahisons…), jusqu’au décompte final.

« La fusée de Shitamachi » est aussi l’histoire – extraordinaire – de Tsukuda Kôhei. Voilà un patron de PME un peu naïf ! Normal, c’est avant tout un ingénieur, un chercheur, qui ne rêve que de fusées : « Le système-valve, c’est le rêve de notre entreprise… Nous voulons voir un système-valve fabriqué de nos mains sur un tout nouveau moteur. Nous voulons voir cette fusée voler ! » répète en boucle Tsukuda Kôhei. Mais, à force de travail et de courage, il parvient à se faire accepter par ses 200 salariés. Mieux, il réussi à leur communiquer sa passion des fusées.

Dans cette petite entreprise très patriarcale (elle appartenait auparavant au père de Tsukuda Kôhei) et encore très humanisée, Tsukuda Kôhei joue sur des tableaux qu’il ne maîtrise pas : puissance des concurrents, tromperies en tout genre, financiers intraitables. Pour autant, il sait s’entourer d’une équipe soudée, fière, capable de porter haut l’honneur de leur entreprise. Et ça marche : l’entreprise fini même par gagner une première manche contre le plus gros industriel japonais.

Le chapitre où les « méchants », c’est-à-dire quelques cadres non scrupuleux de Teikoku Jyûkô, préparent dans l’ombre des manœuvres frauduleuses pour discréditer les « gentils » qui fabriquent les systèmes-valves de Tsukuda Kôhei pourrait passer pour une véritable description de l’univers industriel des hautes technologies. On se prend à imaginer un instant une telle histoire dans les coulisses d’Arianespace ?

Evidemment, la scène du décompte final sur le pas de tir de Tanégashima, le fameux compte-à-rebours restera un monument d’anthologie. Un hymne rendu aux passionnés de l’Espace, de la technologie, de la persévérance. Parce que l’histoire est (presque) vraie ! Parce que les valeurs d’espoir y sont omniprésentes. Parce qu’avec « La fusée de Shitamachi », le pot de terre finit par gagner sur le pot de fer.

Bruno Rivière