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Le général Fleury donne sa version de l’engagement français au Mali

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Bruno Rivière

Alors que se tient actuellement des élections législatives au Mali, le général Jean Fleury, ancien chef d’Etat major de l’Armée de l’Air, publie un livre « La France en Guerre au Mali, les combats d’AQMI et la révolte des Touareg » (Editions Jean Picollec). Il y explique notamment et sans concession les faiblesses de notre défense et ses conséquences tragiques avec par exemple la perte de deux hélicoptères et d’un pilote. Un livre de géopolitique précis qui lève le voile sur les opérations militaires et aériennes engagées par la France dans cette région du monde.


Un ouvrage intéressant à plus d’un titre ! D’une part parce que le général Fleury, qui n’en est plus à son premier livre (une dizaine en dix ans…), n’a plus rien à prouver : ses propos sont donc chaque fois plus incisifs, même s’il doit parfois égratigner les plus hautes autorités de l’Etat ! D’autre part, parce que l’auteur, alors qu’il était à la tête de l’Etat major militaire français, et conseiller militaire de François Mitterrand, connait bien cette région d’Afrique pour avoir notamment servi d’intermédiaire avec différents présidents africains, en particulier au Tchad voisin. Enfin, parce que le pilote de chasse que fut Jean Fleury se souvient de ses propres missions, et qu’il raconte ici comme seul un pilote peut le faire, le rôle primordial que joue l’Aviation dans ce type de conflits.

Son livre commence d’ailleurs par une anecdote peu connue, sauf parmi les aviateurs français : nous sommes en 1997, sur les pistes de l’aéroport de Dakar et quatre Jaguar français, moteurs en marche, demandent l’autorisation de décoller. « Dakar airport, ici Vecteur Charlie, roulage ! Mais le contrôleur ne l’entend pas de cette oreille. Vecteur Charlie, négatif, je n’ai pas de plan de vol pour vous ! Surpris, le pilote français réagit : mais Dakar airport, ce sont des Jaguar ! Et la tour de répondre : alors, si ce sont les Jaguar, vous êtes autorisés à rouler pour la piste 28, vent du 180 pour 8 nœuds… ! » (page 15) Voilà qui met le lecteur dans le bain de la longue et tumultueuse amitié franco-africaine. La Françafrique disent certains.

Beaucoup plus que cela en réalité. Car cette région subsaharienne d’Afrique de l’ouest, où alternent coups d’Etat et élections, est aujourd’hui gangrenée par les combattants islamistes les plus agressifs qui, après avoir quittés la Libye au lendemain de la fin du règne Kadhafi le 20 octobre 2011, ont formé les réseaux tristement célèbres d’AQMI (Al-Qaida-Maghreb islamique). Face à la montée en puissance d’AQMI, et aux attentats et autres enlèvements perpétués au Mali, la France décide d’une action militaire d’envergure. Si le général Fleury prend les précautions d’expliquer méthodiquement – et historiquement – les raisons qui ont poussé la France à agir, c’est parce que, selon lui, tout n’a pas été bien dit, notamment par les média.

La question malienne est évidemment particulièrement complexe, reconnaît Jean Fleury. Mais les réponses apportées par la France le sont tout autant. Et de dénoncer parfois l’attitude de la diplomatie française. « Les terroristes veulent de venger et s’en prennent à nouveau aux Français. Ils s’estiment aussi sans doute plus en sécurité avec des otages que sans. Le principe des boucliers humains n’est pas nouveau. Ils savent aussi que le paiement des rançons n’est pas trop difficile à obtenir avec les Français… » (pages 54 et 55). Plus loin, Jean Fleury regrette que le ministre Laurent Fabius n’ait pas gardé le silence : « Laurent Fabius ministre des affaires étrangères, avait déclaré qu’Alger avait accepté que nos Mirage survolent son territoire. La déclaration provoqua quelques embarras à Alger et à Paris et ne fut ni confirmée ni démentie. L’Algérie permet habituellement aux appareils de transport militaires français d’utiliser son ciel lors de transits. […] La France fait de même à titre de réciprocité. Mais les avions de combat ne sont pas autorisés à pénétrer dans l’espace aérien de l’autre pays. Infirmer ou confirmer cette interdiction ne pouvait pas satisfaire tous les observateurs. Le silence restait donc la seule solution. » (page 145).

Mais l’essentiel du livre réside dans un descriptif minutieux des flottes engagées par la France : les chasseurs Mirage 2000 et F1, les observateurs avec notamment les fameux Breguet Atlantic de l’Aéronautique navale, les ravitailleurs si rares que sont les C-135, les transporteurs Transall C-160 et Hercules C-130 et bien sûr les hélicoptères dont les Puma, Apache et autres Gazelle… Sur 33 hélicoptères employés, deux furent d’ailleurs abattus et 30 touchés dont la moitié gravement… Et un pilote fut tué. « Le président de la République est conscient du risque encouru par les équipages. Il n’est jamais facile d’envoyer des hommes à la mort. Mais il le faut ! » (Page 132).

Bruno Rivière

Véhicules blindés français au Mali
La France en Guerre au Mali
Le général Fleury

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Bruno Rivière

Reporter photographe par passion, Bruno Rivière a assuré la rédaction en chef d’Aéroports Magazine pendant près de 25 ans. Il a également enseigné le journalisme en faculté. Spécialiste du transport aérien, il a rejoint Aerobuzz en janvier 2011. Bruno Rivière réalise des reportages et des recensions de livres.

View Comments

  • Le général Fleury donne sa version de l’engagement français au Mali
    Phil a raison, pourquoi faire de la pub à l'Apache alors que les Tigres étaient engagés au Mali?
    Quant aux faiblesses de notre défense actuelle, l'article ne les mentionne pas nous renvoyant à la lecture de ce passionnant ouvrage, mais nous pouvons surement évoquer le transport aérien sans nous tromper... Avec l'A400M nous aurions peut-être pu engager des chars Leclercs?

    • Le général Fleury donne sa version de l’engagement français au Mali
      L'expérience vécue au cours de plus de cinq détachements en Afrique - Manta - Epervier - EFAO - ALMANDIN 1 et 2 - pour un Aviateur, me permet de dire qu'un char Leclerc est tout à fait inadapté à la menace sur un territoire tel que le Mali.
      Par contre, l'ERC 90 "Sagaïe" est de loin le mieux adapté à ce genre d'intervention.

  • Le général Fleury donne sa version de l’engagement français au Mali
    Article intéressant qui donne bien évidemment envie de lire ce livre.

    Petit détail, à ma connaissance l'armée française n'emploie pas d'Apache. Il s'agit plus vraisemblablement de Tigre :-) !

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Bruno Rivière

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