Au milieu du bocage normand, au pied du Cotentin, se dresse une construction étrange, gigantesque et centenaire, presque irréelle… Le hangar à dirigeables d’Écausseville a survécu aux épreuves des guerres et du temps. Il n’en pose pas moins nombre de questions.
Après avoir été durant des décennies propriété de la Marine nationale, qui le fit édifier à partir de 1917, racheté courageusement par une association qui voulait en faire un musée, passé sous le giron de la communauté de communes locales, et aujourd’hui propriété de la Communauté d’agglomération du Cotentin, géré et valorisé autant qu’elle peut par l’Association des amis du hangar à dirigeables d’Écausseville, l’extraordinaire bâtiment pose des problèmes existentiels. Quid de son avenir ? et même de son présent ?
Pionnier de la construction en béton, conçu par un ingénieur avant-gardiste, Henri Lossier, qui fit appel à la hardiesse dans sa conception et sa fabrication, le second hangar destiné à abriter des ballons dirigeables de la Marine chassant le sous-marin allemand dans la Manche durant la Grande Guerre (le premier, son voisin, de facture plus classique pour l’époque, a disparu voici bien longtemps) au sein du Centre d’aérostation maritime de Montebourg (la commune voisine, un peu plus importante qu’Écausseville) n’a été inauguré qu’une fois la Première Guerre mondiale terminée. Il abrita néanmoins quelques aérostats, des Zodiac pour la plupart, avant de servir à de multiples autres usages, jusqu’aux essais de ballons captifs (en raison de son immense volume intérieur) pour la bombe H française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Entre temps, il servit de stockage et d’atelier de réparation pour les véhicules de l’armée US, de camp de prisonniers allemands de la Bataille de Normandie…
Dans cette carrière multiple, le plus étonnant est que, situé à une portée de tir d’artillerie (et à plus forte raison d’attaque aérienne) de l’un des sites du Débarquement, à savoir Sainte-Mère-l’Église, ce vaisseau superlatif n’aie pas souffert le moins du monde du conflit !
C’est donc « le temps qui passe » qui a fait son office. Le hangar en béton d’Écausseville est à la fois en bon état relatif, tandis que sa couverture, en grosses tuiles de ciment (procédé Minard) devrait nécessiter de l’attention. À l’intérieur, un filet de protection a été posé voici quelques années, pour éviter de malencontreuses et toujours possibles chutes des matériaux de sa couverture. Bref, le hangar à dirigeables d’Écausseville a besoin de soin.
Rappelons ici que seuls deux hangars ayant abrité des grands aérostats survivent en France, de style bien différent, le hangar Y de Chalais-Meudon et le hangar d’Écausseville. Fort heureusement, les deux sont protégés au titre des Monuments historiques.
2020 devait être l’occasion de commémorer le centenaire de cet édifice hors norme. Las ! La pandémie de Covid-19 est évidemment passée par le Cotentin, ruinant le concept du colloque qui avait été prévu par l’Association des amis du hangar à dirigeables d’Écausseville. Un colloque envisagé pour poser la problématique du site sous tous ses aspects. Ce fut, disons-le à la lecture de ce livre de 384 pages au format 15,5 x 23, un mal pour un bien. Et pour une fois, c’est le monde à l’envers, ne boudons pas le plaisir, les actes du colloque ont été publiés. Le colloque n’a pas eu lieu, qu’à cela ne tienne, l’équipe organisatrice a réuni les prestations de chaque intervenant potentiel dans cet ouvrage collectif, « assemblé » sous la houlette de Dominique Barjot et Philippe Pâris.
Disons-le tout net : c’est un travail fantastique. Car ce volume évoque réellement toutes les facettes du « problème Écausseville ». Le passionné d’aéronautique, qui rêve de voir perdurer le bâtiment, qui rêve de lui voir retrouver une vocation aérostatique, que sais-je, n’imagine pas la complexité, les difficultés techniques (préservation/restauration des tuiles Minard – en quel matériau ? – reconstitution des portes monumentales, un vrai défi technique, pour quelle utilisation ? etc.) et toutes les réflexions qu’il faut mener pour pouvoir prendre des décisions raisonnées et réalistes ! Car il n’y a pas, loin s’en faut, que l’écueil du financement !
Ce livre balaye donc avec justesse et détails la totalité du spectre du hangar à dirigeables d’Écausseville : son histoire (histoire des dirigeables de la Marine, du CAM de Montebourg, du hangar, de sa technique de construction…), son état, les pistes de restauration, les réflexions sur son utilisation – qu’en est-il, entre autres, de sa compatibilité avec les projets de dirigeables d’aujourd’hui, tels Stratobus ou Flying Whales ? –, etc.). Cette somme exhaustive, n’en doutons pas, servira de socle à ceux qui tôt ou tard, et plutôt tôt, auront à prendre des décisions structurantes pour le futur de cette imposante cathédrale païenne du XXe siècle.
Jean Molveau
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Sainte-Mère-Église !