Les As de 14-18 réhabilités

Claude Thollon-Pommerol a entrepris de retracer, mois après mois, la guerre des aviateurs français de 1914 à 1918. Dans une publication trimestrielle associée à un site internet, l’historien alterne le suivi chronologique des événements et les sujets thématiques. Le dixième volume de cette œuvre démesurée vient de paraître.

«Les Cahiers des as oubliés 14-18», tel est le nom d’un périodique (trimestriel), qui vient en complément du site Internet «asoublies1418.fr», lequel est une très importante ressource documentaire sur les ailes françaises de la Grande Guerre. Le site, comme les publications papier sont l’œuvre d’un ancien universitaire, Claude Thollon-Pommerol, qui s’est lancé dans un travail titanesque, celui d’apporter une lumière sur ce qui s’est passé dans le ciel autour de la Première Guerre mondiale.

Je dis bien « autour de la Première Guerre mondiale » car il a fait remonter les prémices de son étude au Concours d’avions militaires de Reims, à l’automne 1911, en passant par les grandes manœuvres de la Belle-Époque, la souscription nationale de 1912, etc., avant d’attaquer par la Bataille des Frontières et la suite des événements dramatiques de ce conflit planétaire…

Les Cahiers des as oubliés 14-18 sont d’une pagination variable, mais qui, assez systématiquement, dépasse la centaine de pages. L’historien alterne le suivi chronologique des événements – nous en sommes donc avec celui à venir, au printemps 1915 – et des sujets plus thématiques, comme par exemple l’historique d’une escadrille (avec par exemple le n° 9 Bombarder jour et nuit, l’escadrille 110, qui détaille, de sa création jusqu’au lendemain de l’Armistice, les opérations d’une escadrille de bombardement – sur Voisin essentiellement). Quand il s’intéresse à une unité, c’est avant tout pour sa représentativité : le n° 8 avait évoqué la 103, au parcours atypique car passée du bombardement à la chasse… S’alliant un co-auteur, l’un de ses opus a été consacré à la meilleure biographie publiée à ce jour sur Adolphe (Célestin) Pégoud… Mais le fil rouge reste naturellement le déroulement des opérations, qui ne prendra fin, dans quelques années, qu’avec l’Armistice du 11 novembre 1918 !

S’appuyant sur de multiples documents, en commençant par les JMO, les Journaux de marche et d’opérations des escadrilles, groupes et plus tard escadres, des circulaires et rapports puisés aux meilleures sources (essentiellement mais pas uniquement le Service historique de la Défense) et faisant parfois appel à des archives privées, au fil des trimestres ces Cahiers des as oubliés 14-18 apportent une somme de connaissance vraiment extraordinaire sur les ailes tricolores dans la Grande Guerre – connaissance qu’il peut arriver à Claude Thollon-Pommerol de dispenser aussi sous forme de conférences. Connaissances factuelles essentiellement, car le chercheur ne se permet pas forcément des analyses (tout au plus des synthèses), et ne pratique pas le jugement a posteriori, avec le recul du centenaire. Son périodique est plutôt aride, avec une mise en page très classique, voire austère. Disons pour résumer que les Cahiers des as oubliés 14-18 ne se lisent pas forcément comme un roman…

Claude Thollon-Pommerol a cependant pensé à un public (un peu) plus large, avec son numéro 10, la Guerre du Ciel 1914-1918, qui, survolant la totalité du conflit, peut « vivre tout seul ». Si vous n’en voulez qu’un dans votre bibliothèque, incontestablement, ce sera ce n° 10 – qui pèse tout de même 242 pages – qu’il vous faut. L’auteur n’a pas souhaité pour autant détailler toutes les opérations de la Grande Guerre, mais au moins en évoque-t-il de nombreuses facettes : des opérations, certes, en choisissant des théâtres comme les deux Batailles de la Marne ou les Vosges en 1916 ; des biographies de certains pilotes ; des notes d’organisation, qui sont des textes originaux (la création des Groupes de combat, des escadres, la division Duval, etc.) ; des précisions sur les missions (reconnaissances photographiques…), le tout illustré de nombreuses photos qui proviennent certes des photothèques du SHD, mais également de nombreuses collections privées. L’ensemble donne un panorama riche et d’une densité incroyable.

Début août 1914, les ailes tricolores comptaient 132 aéroplanes ; au 11 novembre 1918, l’ordre de bataille en dénombrait 3.222. L’aviation que le général Foch voyait initialement sans utilité pour les militaires et réservée aux sportifs, s’était fait une place incontournable au-dessus du champ de bataille, et ce volume le démontre au mieux.

Jean Molveau

Les Cahiers des as oubliés 14-18, par Claude Thollon-Pommerol, collection disponibles via le site Internet www.asoublies.fr