En 2019, Airbus fêtera ses 50 ans. Mais le constructeur a conscience que ses origines qui remontent bien avant la fin des années 60 lui imposent un devoir de mémoire au-delà de son demi-siècle d’existence. Depuis une dizaine d’années, à l’échelle de l’Europe, il soutient un réseau de passionnés qui veille à la préservation des traces d’un passé qui se confond avec l’histoire des prestigieux avionneurs qui l’ont précédé et sans lesquels, Airbus n’existerait pas aujourd’hui. Et c’est ainsi qu’Airbus Heritage intervient avec bonheur là où on l’attendrait le moins.
Au printemps dernier, en finissant de vider l’ancien siège social d’Airbus à Suresnes, suite à son transfert à Toulouse sur décision de Tom Enders, les déménageurs ont exhumé de vieux meubles de bureau. Il s’agissait en fait du mobilier ayant appartenu à Louis Blériot que Jean Botti, alors directeur de l’innovation d’Airbus et président de la Fondation Airbus, avait mis de côté pour leur éviter de finir à la déchetterie de Suresnes. On peut se passionner pour l’aviation électrique et avoir le respect de ses prédécesseurs.
Le réseau est entré en action. L’association AIRitage, a contacté Catherine Maunoury, présidente de l’Aéro-club de France, et c’est ainsi qu’en juin dernier, les meubles du bureau de Louis Blériot ont trouvé une place, 8 rue Galilée, au premier étage, de l’hôtel particulier de l’Aéro-club de France. Ce n’est pas la seule histoire qui se finit bien.
Un an plus tôt, en mai 2017, Jacques Rocca est alerté par un ingénieur navigant d’essais de Toulouse qui lui même a été contacté par un de ses collègues de l’aéronavale. Le Breguet Etendard qui est présenté sur le pont d’envol du porte-avions Intreprid, au cœur de Manhattan, est en très mauvais état. Les américains veulent le ferrailler.
Airbus Heritage n’est pas directement concerné puisqu’il s’agit d’un avion Dassault. Jacques Rocca mobilise néanmoins sont réseau et, comme pour les meubles de Blériot, prend le relai grace à AIRitage, un réseau de 25 associations de sauvegarde du patrimoine de l’Aérospatiale, de Matra et d’Airbus, qui organise le sauvetage.
Une équipe d’ingénieurs et de techniciens bénévoles est envoyée à New York. En quinze jours, ils ont redonné au Breguet Etendard un aspect présentable et lui ont ainsi permis de conserver sa place dans un des plus insolites musées aéronautiques.
Pendant longtemps, Airbus, en tant qu’entreprise, ne s’est pas préoccupé de son histoire, parce qu’Airbus n’avait pas d’histoire dès lors que son point de départ se situait en mai 1969 avec le lancement officiel du programme A300. Il fallait construire et gagner des parts de marché. Tous les regards étaient tournés vers le futur.
Mais Airbus, c’est aussi le regroupement sous une même enseigne de noms prestigieux qui ont fait l’industrie aéronautique en France, en Allemagne ou encore en Grande-Bretagne. Airbus s’est logiquement bâti sur le savoir-faire de ses grandes entreprises plus, évidemment, que sur leur passé. Mais on n’empêchera jamais un ingénieur ou un ouvrier qualifié de se sentir ancien de Dornier ou d’Aérospatiale.
Pendant des décennies, ce sont eux qui ont été les gardiens de la mémoire d’Airbus. Au sein des ateliers et des bureaux d’études, à travers l’Europe, ils étaient les vigies, prompts à mettre de côté de vieux papiers ou des outillages encombrants, lors de déménagement ou de réorganisation. Et c’est ainsi qu’au fil des années, ces professionnels se sont organisés et que des associations indépendantes ont vu le jour.
C’est assez récemment, en 2009, qu’Airbus a estimé que le moment était venu de fédérer toutes ces bonnes volontés et de leur apporter un soutien matériel. D’emblée, la vocation de ce nouveau département baptisé Airbus Heritage a été clair. « Son but est d’œuvrer à la protection, la conservation et à la valorisation des machines qui incarnent l’histoire et l’épopée d’Airbus, mais aussi à celles des archives des sociétés qui l’ont précédées. Le département Heritage doit donc traiter les documents et archives textuelles ou iconographiques qui s’y rattachent. », explique Jacques Rocca qui a été à la tête d’Airbus Heritage depuis sa création jusqu’au 1er aout 2018, date du passage de relai à Stéphane Defer.
Airbus Heritage s’appuie sur un réseau d’associations, en France et dans les pays fondateurs d’Airbus. Ce réseau regroupe plusieurs centaines de passionnés de l’aéronautique disposant eux-mêmes d’informations, d’archives ou de photos faisant partie de cette histoire. Ces associations sont notamment, en France, l’Aérothèque, à Toulouse, Je Me Souviens, à Saint-Nazaire ou encore l’Association AIRitage, à Paris, également présidée par Jacques Rocca.
Il a fallu toute la diplomatie de Jacques Rocca et sa parfaite connaissance du sujet pour faire de ces nombreuses associations de passionnés attachés à leur identité propre un réseau fonctionnant dans l’intérêt général.
Le musée Aéroscopia de Blagnac est de ce point de vue un exemple des difficultés qu’il a fallu surmonter pour que chaque association toulousaine accepte d’apporter sa précieuse contribution à la collection collective. Ce musée, situé en face du hall d’assemblage final de l’A380, est d’une certaine manière le musée Airbus.
Le constructeur lui a apporté un soutien financier de 3,5M€ et lui a mis à disposition une Caravelle, un Concorde, une Corvette et un des premiers Airbus A300, ainsi que le premier A400M d’essais. Airbus fait partie du comité de pilotage du musée Aéroscopia aux côtés de Manatour, le gestionnaire, de la ville de Blagnac, le propriétaire, et de Terre d’envol, le réseau des associations de sauvegarde du patrimoine aéronautique toulousain.
En 2017, Airbus a transféré à Aéroscopia trois avions d’essais supplémentaires, et a mis à disposition du musée de l’air et de l’espace du Bourget l’A380 numéro 4. L’opération a été organisée par Airbus Heritage qui a désormais la charge de concevoir et superviser la mise en scène de ces quatre avions d’essais. De son côté depuis sept ans, AIRitage apporte aussi son soutien au musée d’Angers pour la restauration du bimoteur Matra Moynet qui a été remis en vol fin juillet 2018.
Airbus coopère également à plusieurs programmes d’expositions permanentes ou temporaires, présentées dans les musées aéronautiques mondiaux tels que le Smithsonian Muséum à Washington USA, le musée des Transports de Doha au Qatar ou le Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget. Le constructeur compte aussi des partenariats avec d’autres prestigieux musées tels que l’Aerospace Museum de Bristol, le Swedish Science & Technology museum à Stockholm et le Norsk Luftfartsmuseum en Norvège.
Airbus Heritage participe également à la restauration d’appareils exposés sur le site de Hambourg qui a accueilli en 2015, un Transall. A Toulouse, la place se faisait rare pour les associations et il a fallu transférer la collection des Ailes Anciennes de Toulouse d’un côté à l’autre de l’aéroport. Une opération délicate à plus d’un titre. Une partie des avions de l’association de sauvegarde est désormais exposée à Aéroscopia, l’autre est présentée à proximité immédiate. A Saint-Nazaire, autre site industriel Airbus en développement, c’est un bimoteur de transport SO30 Bretagne des années cinquante qui pose problème.
En juin dernier, au moment du déménagement de l’ancien siège social de l’Aérospatiale à Montmorency, plusieurs palettes de documents ont été récupérées. « Avant d’étudier le caractère historique, il faut d’abord s’assurer qu’il ne s’agit pas de documents sensibles relatifs aux finances du groupe, aux ressources humaines ou à des secrets industriels. »
Dans les bureaux de Montmorency, les bénévoles d’AIRitage ont ainsi découvert un projet d’un avion baptisé « Galion », développé conjointement par Dassault et Aérospatiale et qui, dans la continuité de « Caravelle » préfigure l’A300. Il y avait également de nombreuses photos.
Il y avait aussi un gros fonds sur Concorde avec notamment une sorte de journal interne regroupant des textes et des photos, depuis le milieu des années 60 jusqu’au premier vol. Un trésor…
« Pour éviter des destructions, lorsque nous sommes alertés par un correspondant d’une filiale, nous lançons une mission d’inventaire. On rapatrie les documents au Plessis-Robinson, au siège d’AIRitage, où les bénévoles plongent dans les archives pour trier et archiver. », résume Jacques Rocca. Aujourd’hui, la sauvegarde des archives passe par la numérisation. Un chantier lourd, même pour un groupe de la taille d’Airbus, d’autant que depuis la création d’Airbus Heritage, de plus en plus de personnes sont sensibilisées à la nécessité de sauvegarder le patrimoine et que les archives remontent à la surface.
L’association AIRitage a ainsi récupéré un stock de films sur les lanceurs spatiaux, datant des années 60. Elle s’est également vu confier des photographies de Felix Kracht, l’un des cofondateurs d’Airbus. Ces photos relatives à l’aviation allemande couvrent la période 1943-1953.
« Contrairement aux français qui font appel à des associations de bénévoles, les allemands s’appuient sur un réseau de musées pour mettre en dépôt des documents et restaurer des avions », explique Jacques Rocca. Néanmoins, le courant passe entre la France et l’Allemagne. Régulièrement au meeting aérien de Pentecôte, les spectateurs de la Ferté-Alais peuvent admirer des Junker allemands restaurés par Airbus Heritage.
Les allemands ont apporté leur soutien financier au Potez 60 de Méaulte. « Hans-Ulrich Willbold, vice-président d’AIRitage, est très branché restauration d’avion », fait remarquer Jacques Rocca qui rappelle que c’est en 1924 qu’Henry Potez a fait construire sa première usine à Méaulte, site qui produit aujourd’hui des éléments d’Airbus. L’association « Histoire de Méaulte » fait partie du réseau AIRitage. Pour mémoire, Méaulte a produit aussi le Transall franco-allemand.
A Blagnac, Aéroscopia présente un Messerschmitt 109 qui est arrivé de Munich, en 2015. Ce chasseur allemand de la seconde guerre a valeur de symbole. Aux yeux d’Airbus Heritage, il permet de valoriser les racines d’Airbus.
Gil Roy
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On parle ici de technique et d'aviation, pas de politique.
La ligne de production des Airbus A320 à Toulouse se situe dans le hangar ou était produit les Dewoitine 520 de l'armée de l'air française en 1939... Ca choque personne et c'est normal.
Les sites industriels changent rarement de fonction, surtout sur un aéroport...
EADS, devenue Airbus Group, est la suite logique des différentes boites aéro qui on fait l'histoire de l'Allemagne, de la France, de l'Angleterre, de la Belgique, et d'autres... Chaque petite boite qui a été absorbée par une plus grosse, elle même absorbée par encore plus grosse puis intégrée au groupe Airbus fait partie de l'histoire et de l'ADN du groupe, lui a apporté quelque chose ou fait avancer la technique et l'histoire.
Les usines Messerschmitt ou Focke-Wulf en Allemagne, produisant des armes pour leur dirigeant d'alors, ont mis en place un système de production révolutionnaire qui est toujours le modèle de production actuel : disperser la production dans de multiples sites spécialisés travaillant de concert. C'est toujours le cas pour produire les Airbus actuels, mais aussi les Boeing, et tous les autres... Ce qu'ont fait ces entreprises allemandes sous le joug nazi se respecte (techniquement) tout autant que ce qu'a fait Rolls-Royce, Supermarine, ou Avro en Angleterre.
D'ailleurs Rolls-Royce soutient de nombreux musée qui font voler des Spitfire en Angleterre, au point d'en avoir possédé un à une époque...
La guerre a toujours permit de faire "vite" et avec les moyens appropriés (illimités) ce qui prendrait des dizaines d'années en temps de paix, c'est ainsi. Il serait idiot de masquer cette réalité historique qui fait le groupe Airbus.
Sans les équipes allemandes, la conquête spatiale aurait attendue encore un peu. Les équipes de Werner Von Braun ont été les premières à réussir et ont fait gagner 10 ans aux autres quand après guerre ces équipes ont été disséminées aux USA, en URSS, en France, en Angleterre... Dans chacun de ces pays on leur doit des choses coté technique que l'on ne peux nier ni occulter.
Le site de Brême est spécialisé dans la conception des dispositifs hypersustentateurs...rien de plus !
L'usine Airbus de Brême est située à l'emplacement des usines Focke Wulf
Le Me 109 plutôt qu'un Spitfire?
Quand j'ai dit un jour que j'en achèterai volontiers la copie ulm, j'ai eu le droit à une volée de boucliers au Havre.
Alors j'ai promis de le peindre façon "circus". Là ça passait déjà mieux...
Bon courage à vous.