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Les mirauds volants ou le VFR à l’oreille…

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Bruno Rivière

« Il y a quelque temps, j’écoutais un pilote me raconter ce qu’il avait vu pendant l’un de ses derniers vols. Son récit était plein de sensations, d’émotions, de couleurs… Je n’ai réalisé que quelques instants plus tard que ce pilote était non voyant ! » C’est en ces termes de Jean-François Georges, ancien président de l’Aéroclub de France, que débute le magnifique témoignage de Patrice Radiguet « Mirauds d’accord, mais pilotes d’abord ! » (Volez ! Editions)


L’AEPHV vous connaissez ? Non ! Et « Les Mirauds Volants » ? Toujours pas… ou alors pas beaucoup. Il faut dire que les membres de l’association « Les Mirauds Volants » sont plutôt discrets, très discrets même. L’AEPHV, ça veut dire Association Européenne des Pilotes Handicapés Visuels, plus généralement appelée « Les Mirauds Volants », seule association de ce type au monde.

Le livre de Patrice Radiguet « Mirauds d’accord, mais pilotes d’abord ! » qui vient de sortir chez Volez ! Editions est tout simplement bouleversant. Patrice Radiguet, un solide gaillard barbu qu’on verrait bien sur le pont d’un navire, est un pirate de l’air ! Comprenez : il a su prendre le large aux commandes d’avions légers alors que depuis sa naissance il vit avec « un déficit visuel important ». Mieux, il consacre sa vie au service des pilotes handicapés visuels. Tout naturellement, il a tenu à bouts de bras l’association « Les Mirauds Volants ».

Le récit de ses aventures et notamment ses combats pour faire admettre des non voyants dans la communauté des pilotes voyants (la traduction en braille des cartes d’approches, des documents tels que log de navigation et check list…), son engagement au service des handicapés visuels, bref sa vie toute entière consacrée aux Mirauds Volants, mériterait des tomes et de tomes. Mais l’humilité de Patrice Radiguet en prendrait un coup ! « Mirauds d’accord, mais pilotes d’abord ! » c’est une suite de courts témoignages, souvent empruntés à « MIR’Info », la revue de l’association, qui expliquent l’inexplicable : « A bien observer mes compagnons, je perçois ce qui probablement les pousse à piloter et à voler. Pour un voyant, au-delà du contact tactile, voir et observer stimulent les sens…

Ainsi, voler et piloter apportent au pilote des sensations multiples. La vue est sans doute une motivation importante pour celui qui se trouve aux commandes d’un avion évoluant dans l’espace aérien. Elle n’est cependant pas exclusive. Bien d’autres sensations que celles apportées par une vue normale sont alors stimulées. Peut-être les perçoivent-ils, même avec une plus forte intensité. » (page 124).

Concrètement, le pilote atteint de « cécité aéronautique », c’est-à-dire lorsqu’il n’appréhende plus (ou trop imparfaitement) le fameux « repère horizon », dispose de deux aides précieuses qui lui permettent de voler. D’abord des « yeux » d’un pilote voyant qui assurent pour lui la sécurité au sol et en vol. Généralement il s’agit d’un instructeur et son rôle consiste principalement à surveiller les paramètres moteurs et à indiquer oralement les manœuvres à effectuer. Ensuite, il dispose d’un système sonore actuellement unique au monde, le Soundflyer, ou « dispositif sonore et vocal de conduite de vol pour personnes handicapées de la vue ». « Ce système fait intervenir deux modes d’informations auditives. D’une part ce que nous appellerons, par souci de simplification, des « notes de musique : lorsque l’avion prend une assiette à cabrer, les notes montent vers les aigus, lorsqu’il prend une assiette à piquer, elles descendent vers les graves.

En utilisant l’effet stéréophonique du casque, une inclinaison (et donc un virage) vers la droite font passer les notes dans l’oreille droite ; l’inverse se produite lors d’un virage à gauche. D’autre part, une synthèse vocale (ou plus exactement des mots et expressions enregistrés) donneront accès à des informations telles que l’altitude de vol, la vitesse de l’appareil sur trajectoire, sa vitesse verticale, la route qu’il suit et celle qu’il est sensé suivre…
» (page 225). Il suffisait d’y penser. Reste la formation ! Un instructeur après un stage chez « Les Mirauds volants » raconte : « quand on a volé avec vous, on ne fait plus l’instruction de la même manière, même avec nos élèves bien voyants ; vous nous apprenez à aller à l’essentiel ! » (page 224). L’essentiel, oui…

Bruno Rivière

Patrice Radiguet en vol au-dessus du Gers
Les mirauds volants et le miraud chantant
Sur le terrain de Pontoise, base des Mirauds volants
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Bruno Rivière

Reporter photographe par passion, Bruno Rivière a assuré la rédaction en chef d’Aéroports Magazine pendant près de 25 ans. Il a également enseigné le journalisme en faculté. Spécialiste du transport aérien, il a rejoint Aerobuzz en janvier 2011. Bruno Rivière réalise des reportages et des recensions de livres.

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  • Les mirauds volants ou le VFR à l'oreille…
    je suis en grande admiration pour les mirauds volant, et le V FR à l'oreille!!!!!!

    le courage, la tenacité, et bien sûr la grande passion de l'aviation qui les animent

    il méritent notre profond respect, nous les voyants!!!!!!! et bien sûr dans tous les

    domaines!!!!

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