Dans un passionnant livre de plus de 400 pages, Jean-Loup et Patrice Notteghem et Philippe Dubois mettent en lumière le travail acharné de moniteurs de pilotage pour écrire et mettre en oeuvre la « méthode française d’apprentissage du pilotage », à la Libération. Cette poignée de jeunes passionnés écrivit « l’Évangile selon Saint-Yan » et forma les premières générations d’élèves pilotes de ligne français.
C’est Raymond Sirretta, le fondateur de la revue Aviasport, qui en mai 1954, dans son premier numéro, évoquera pour la première fois « l’Évangile selon Saint-Yan » en présentant la méthode française d’apprentissage du pilotage. Portée sur les fonds baptismaux en 1945 à Carcassonne, cet enseignement a pris son envol, à partir de 1948, en Bourgogne, sur l’aérodrome de Saint-Yan, à un saut d’ange de Paray-le-Monial, la « cité du Sacré-Cœur ». Et comme, il n’y a pas d’Évangile sans apôtres, en ce qui concerne Saint-Yan, le premier d’entre eux est sans aucune doute Louis Notteghem.
Engagé dans l’armée de l’Air à la veille du déclenchement de la deuxième guerre mondiale, il sera affecté à Salon-de-Provence comme instructeur de pilotage. Dès la Libération, il a l’idée de transposer à la formation des pilotes civils, les principes du cursus militaire de l’époque. Dans le cadre du Service des sports aériens, il réunit à Carcassonne, un groupe d’instructeurs dans le but de former les futurs moniteurs des aéro-clubs qui redémarrent leurs activités.
L’expérience est concluante. L’administration centrale décide de passer à la vitesse supérieure. Le nouveau centre est implanté à Saint-Yan, une vaste plate-forme créée par l’armée de l’Air en 1938 pour préparer la guerre qui menaçait alors. La Luftwaffe l’occupera entre 1943 et 1944. En 1948, quand Louis Notteghem et son équipe débarque, Saint-Yan n’a aucune activité.
« En moins de cinq ans, entre 1948 et 1953, le Centre national de vol à moteur de Saint-Yan se construit une légitimité incontestée et une grande notoriété grâce à la conception et la diffusion de la Méthode française d’apprentissage et de perfectionnement du pilotage, notamment destinée aux moniteurs d’aéro-clubs dans le but d’améliorer la sécurité », résument les auteurs de « L’Évangile selon Saint-Yan », le remarquable ouvrage qui raconte comment a été écrite et perfectionnée l’histoire de « la méthode française d’apprentissage du pilotage », d’abord axée sur les instructeurs d’aéro-clubs, et qui débouchera à partir de 1956, sur la formation ab initio des pilotes de ligne.
Louis Nottenghem n’était évidemment pas seul. Les auteurs du livre présentent l’apport de tous ses collègues et en particulier de son adjoint, Max Fischl, dans l’élaboration de la méthode. Nottenghem l’expliquait dans Aviation Magazine en 1952 : « Elle est née d’abord de ce que j’avais appris à Salon, avant la guerre. Je l’ai longtemps travaillée et j’en ai tiré la quintessence. Lorsque nous avons créé l’école qui était alors à Carcassonne, Fischl qui sortait de la RAF m’apporta une prégnation de l’école anglo-américaine, surtout en ce sui concerne le P.S.V. et la préparation du vol (check-list par exemple)« .
Avant la guerre, la méthode faillible reposait sur l’imitation par l’élève des mouvements des commandes du moniteur. La nouvelle méthode a introduit le « langage position« , c’est-à-dire « pente, cadence et inclinaison », et la recherche de réflexes.
Pendant deux décennies, jusqu’à la fin des années 60, le centre de Saint-Yan sera la référence en matière de formation de pilotes de ligne. Le livre montre comment, en partant de rien, une équipe de passionnés menée par Louis Notteghem, a hissé la formation française à un niveau d’excellence.
Les auteurs qui sont les deux fils ainés et un neveu de Louis Notteghem ont évité le piège du témoignage hagiographique familial. Ils ont fait œuvre d’historiens en rassemblant une impressionnante documentation et en mettant les événements en perspective. Ce livre est certes un hommage à leur père et oncle, mais il est aussi et surtout un document passionnant qui permet de voir le chemin parcouru jusqu’à la création de l’École nationale d’aviation civile. Il comble une lacune…
Une fois encore, on ne peut être qu’admiratif et emprunt de respect, pour ces hommes et ces femmes qui au sortir de la guerre ont reconstruit la France, chacun dans son domaine avec une énergie et une détermination que rien ne semblait pouvoir ébranler. A la lecture du livre de Jean-Loup et Patrice Notteghem et de Philippe Dubois, on ne doute pas des difficultés qu’ils ont dû surmonter, mais aussi des sacrifices, notamment familiaux, qu’ils ont consentis. Ils avaient pour idéal l’intérêt général.
« L’Évangile selon Saint-Yan » est un régal. Le style coule parfaitement, l’iconographie est d’une richesse étonnante avec la plupart de clichés inédits, et le tout est servi par une mise en page soignée. Un remarquable travail d’édition réalisé également par les auteurs.
Il ne vous reste plus qu’à leur commander cet ouvrage. Vous ne le regretterez pas.
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Oui, on l'attendait ce bouquin, dont le conservateur du petit musée du Centre nous avait annoncé la préparation, lors d'une journée spéciale des anciens A10 (Feldzer était encore au biberon !), où, grâce à Alain de Valence et Jacques Aboulin, nous avions pu revoler sur Morane 733. Je le commande...