Entré dans l’histoire de l’aviation en franchissant, pour la première fois, le mur du son aux commandes de l’avion fusée Bell X-1, le Grand « Chuck », est mort ce lundi 7 décembre 2020. Il avait 97 ans.
« Je vous annonce avec beaucoup de tristesse que l’amour de ma vie, le général Chuck Yeager, est décédé juste avant 9 PM (2 heures GMT mardi) (…) Une vie incroyable, bien vécue, le plus grand pilote de l’Amérique et son héritage de force, d’aventure et patriotisme seront pour toujours dans nos souvenirs. ». C’est avec ces mots que Victoria Yeager a annoncé le décès de son époux en ce mardi matin. GenChuckYeager .
Né dans une famille modeste d’agriculteurs, le jeune Charles Elwood Yeager est attiré dès l’adolescence par la vie militaire en s’engageant pendant ses vacances, au Citizens Military Training Camp un camp d’entrainement d’Indianapolis. Il entrera dans l’Air Force seulement quelques mois avant l’entrée en guerre des Etats-Unis en septembre 1941. Envoyé en Grande-Bretagne avec son unité combattre l’envahisseur allemand, il se distingue rapidement en cumulant, jusqu’à la fin du conflit treize victoires sur appareils ennemis. Il terminera la seconde guerre mondiale avec le titre honorifique « d’As de l’aviation », réussissant l’exploit, à bord de son Mustang P51 d’abattre 5 avions allemands en une seule journée.
Après la guerre, Chuck Yeager restera dans l’Air Force endossant un rôle d’instructeur, puis de pilote d’essai. Affecté en Californie sur la base Muroc Field (Edwards AFB) il va connaître la célébrité en franchissant le premier le mur du son dans la matinée du 14 octobre 1947 à bord du prototype Bell X-1 à la forme ressemblant étrangement à une balle de fusil.
Sa carrière de pilote d’essais se poursuivra avec un certain nombre de petits exploits, certes moins spectaculaires que le passage du Mach mais tout aussi valeureux chez cet aventurier des temps modernes. Au cours de sa carrière, il devra s’extraire par deux fois de son avion en vol. Sa dernière éjection depuis un prototype de Lockheed F104 incontrôlable où il sera gravement brûlé, a fait l’objet d’un chapitre dans l’ouvrage de Tom Wolfe (The Right Stuff) qui inspirera le film de Philippe Kaufman « L’Etoffe des Héros« .
Il prendra, en 1966, le commandement du 405th Fighter Wing stationné sur la base de Clarke (Philippines) et effectuera sa dernière mission de guerre après 127 vols sur le Vietnam. Il quittera l’US Air Force en mars 1975 avec le grade de Général de Brigade.
La seconde partie de sa carrière le verra occuper divers postes de conseiller et expert. A ce titre il intégrera la commission chargée de l’enquête de l’accident de la navette Challenger.
Avec la mort de Charles Yeager, né le 13 février 1923 à Myra en Virginie Occidentale, l’Amérique mais tout le monde de l’aviation perd un de ses grands pilotes et incontestablement une légende.
Philippe Chetail
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J'en rajoute un petit peu??? Effectivement, notre inconscient collectif est bien rempli par l'étoffe du héros et ses frasques et sa façon d'être souvent " borderline". La nécro de Philippe Chetail est carrée, presque réglementaire et les commentaires en prennent le contre pied, soulignant le coté obscur de la farce chez le général Yeager. Il me semble qu'il faut rappeler l'immense courage de types qui pilotaient ces avions fusée marchant au gaz de ville et oxygène liquide et sans siège éjectable! Yeager soulignait que l'Air force lui avait tout donné, qu'il n'était rien qu'un péquenot de Virginie avant de s'engager et qu'il avait eu beaucoup de difficultés dans les relations humaines au sein de l'institution militaire. Son tempérament de joyeux fêtard allait avec une rigueur extrême dès qu'il s'envolait, mais il subit beaucoup de jalousie quand il arriva dans les grades supérieurs. Moins connu, Il dirigea la " space school " qui formait les candidats cosmonautes militaires. Devenu général et responsable de la sécurité des appareils de l'AIr force, il fut le seul général autorisé à voler en service, arguant de façon désarmante, qu'un mécano essaie toujours les voitures qu'il répare, dans tous les garage! Sa seconde femme ne devrait pas non plus faire oublier la première, Glennis, qui partagea avec lui 45 ans d'une vie qui ne devait pas être toujours facile. Elle disparut en 1990. Remarié à 80 ans avec Victoria,une actrice plus jeune de 36 ans: voilà l'étoffe des héros! ( Sa famille lui fit un procès, craignant qu'il claque leur héritage...)
Plus sérieusement, qui n'aurait as rêvé d'une pareille vie ? Parmi tout ce qu'il a dit, une chose qui m'a épaté et que tous les pilotes pourront méditer: " Je n'ai jamais pensé que je maitrisais complètement un avion, pas même un Piper Cub!"
Merci à Lavidurev pour son aimable proposition ! C'est flatteur, mais voilà, il y en a qui en savent plus que moi sur ce grand pilote. En fait, ce qui me plaisait chez Yeager, c'est son caractère. Do the job and shut up ! Mais avec le coeur en éveil. Et puis, en ce moment, je mets la dernière main à mon bouquin sur Maurice Noguès... sans oublier Marcel, comme l'ont hélas fait tous les précédents biographes ! J'ai déjà, à mes yeux, réhabilité Dieudonné Costes, ravivé la mémoire de Paul Vachet et révélé Pierre Deley. Mais, en ce qui concerne Chuck Yeager, je pense qu'il n'avait pas besoin de ma plume. J'aurais simplement aimer parler avec lui du passage du mur du son avec le Bell X-1, certes un suppositoire, mais doté d'une aile qui n'avait rien la prédestinant à devenir supersonique. À mon humble avis, ça a dû chahuter dans le cockpit à partir de 0,9 de Mach. Bon, the 'Right Stuff' n'a pas oublié d'en rajouter. Mais qu'en était-il exactement ? That is the question. Avec le Concorde on sentait rien. Il n'y avait que l'aiguille du machmètre qui marquait un hoquet, mais ce n'était pas l'avion qui provoquait ça, mais plutôt les sondes. Merci encore. Fly safe !
Le Bell xs1 ! Rien n'en fait un supersonique sinon l'empirisme qui préside à mettre une aile droite en lame de rasoir à une homothetie de la balle de calibre 50 ( Vo = 930 m/s cad sensiblement tri sonique !)...En fait le problème c'est que la loi des aires n'est pas établie a cette époque...elle seule permet d'aller vite sans perturbation aerodynamique...Baumgartner a passé le mur du son sans XS1 simplement en tombant de 39000 mètres !
Petite histoire qu'on m'avait racontée à Edwards : le personnage est au bar de l'école. On informe discrètement de sa présence un jeune major étincelant qui passait à ce moment-là, clean cut, dents blanches, sourire carnassier comme on en rencontre là-bas. Ni une ni deux, celui-ci se dirige alors vers Chuck qui prenait son café, perdu dans ses pensées.
"Hi Sir, good morning, I'm major XXX, N°2 of the Thunderbirds*.."
La réplique fuse :
"Piss off !"
Raconté par un témoin deux mois après.....
(*) la patrouille nationale américaine sur F-16, pour ceux qui sont là par hasard. Le monde américain de l'aviation se prosterne habituellement devant eux.
Je l'aime bien celle là !
Retour des pieds sur terre, touch down, and go around guy ! See you next time… Over !
Ca fait du bien tiens !
Comme ça nous manque des mecs comme ça !
pour les anglophones
https://www.newsweek.com/top-20-quotes-chuck-yeager-first-man-break-sound-barrier-1553038
So long Pal !
Un de mes plus grands regrets ! Je devais le rencontrer dans la décade passée. Car, aux commentaires fort justes des précédents habitués du forum d'Aerobuzz, je rajouterai simplement ceci : Oui, une grande gueule, mais avec l'empathie, et surtout... surtout la fidélité ! Car, abattu au-dessus de la France, il fut recueilli par une famille du Lot ou Lot-et-Garonne, et, régulièrement, le Monsieur revenait dans cette famille tous les cinq ou dix ans. La dernière fois, un de alliés à cette famille m'avait promis de m'avertir quand il devait revenir. Il a oublié et j'ai lu dans la presse locale que Chuck était passé, pensant à ce moment que, vu son âge, l'occasion ne se renouvellerait pas. Grande frustration, avec toutefois cette toute petite compensation, celle d'avoir parlé de lui et mis sa photo avec Jean Sarrail, le pilote des Leduc, dans mon opus "Envols vers l'inconnu". J'ai lu sa bio en anglais et je me suis amusé de son ironie vis-à-vis de Scott Crossfield, qui a été le premier à atteindre Mach 2 (en novembre 1953 avec le Douglas Skyrocket). Peut-être à cause de son nom - littéralement "À travers champs" -, il n'avait de cesse de raconter tous les crashs de son ami et rival Scott. Ben oui, c'était pas gentil, mais à ce que dit Jean-Mi, je rajouterai qu'il ne pilotait pas qu'avec sa tête et ses fesses, mais aussi avec ses c... (les gosses en canadien français !). Je me souviens aussi que, dans un questionnaire pondu par Gil Roy à l'adresse d'aviateurs, j'avais répondu à la question "quel exploit aéronautique auriez-vous aimé réaliser ?", j'avais répondu "être le premier à passer le mur du son". Prétentieux certes, mais à l'image des rêves d'enfants du début des années cinquante, quand notre idole de BD était Buck Danny et non Goldorak ! Oui, snif ! mourir c'est rien, mais vieillir c'est con !
@ Bernard Bacquié
Bonjour Monsieur Bacquié,
Et si l idée titillait votre talentueuse plume de nous faire découvrir la personnalité de Chuck Yeager sur Aerobuzz ?
“Vivre, c’est vieillir, rien de plus.” (Simone de Beauvoir)
Dans chaque pilote il y a quelque chose de Chuck Yeager .... lalalalaaaaa, (merci Johnny et Michel Berger)
Parce qu'il pilote sur un rail (IFR, réglementation, Pax chiants, la machine fait presque tout toute seule...) et qu'il aurait une folle envie d'en sortir, parce que le ciel est immense et qu'on condamne ce branleur de manche à rester sur l'axe, mmmhhh, et cette Greta en remet une couche, c'est presque la goutte de trop !
Laissons le Covid qui vide le ciel de côté et repartons d'un bon pied avec une bonne vieille check list.
Il n'a rien dit, ni même pensé.
Pas grave, pour lui demain sera un autre jour
Le 14 octobre 2012, à 89 ans, un de ses derniers vols sur F-15 Eagle avec pour Pilote le Major Julius ROMASANTA. Tout comme il serait bon de préciser: passage du mur du son "en palier", car certains pilotes l'auraient passé avant en piqué, son exploit fut gardé secret pendant près de 2 ans.
A signaler, aussi son retour en France en mai 2018, à Mazères de Neste (65), à 95 ans pour remercier les résistants français.
https://www.aerosteles.net/stelefr-mazeresdeneste_yeager
Il aimait chevaucher les nuages comme les chevaux et dompter avions comme les mustangs. Lui qui voulait voir les étoiles de près. Chuck, happy landing au paradis de pilotes. Merci à Victoria Yeager d'avoir été son copilote pendant toutes ces années. Mes pensées vont vers elle et sa famille....
Nous nous proposions, à la rédaction d'Aérobuzz de publier un article biographique plus complet et fouillé que cette simple "nécrologie", mais nous voyons que nombre de lecteurs connaissent parfaitement la carrière professionnelle de Chuck Yaeger. Merci à tous les lecteurs qui dans leurs commentaires ont apporté leur contribution et des anecdotes... Certains de nos amis ont eu l'occasion de le côtoyer également et nous retenons de ce qu'ils nous ont confié, outre qu'il se livrait volontiers, qu'il avait aussi un "fort" caractère... ce qui ne l'a pas toujours rendu sympathique aux yeux de tous...
Bonjour,
Si nous sommes quelques bons passionnés ici à avoir réagit avec émotion à la disparition de cette légende, de notre idole pour certains, nous ne sommes qu'une petite partie des lecteurs d'Aérobuzz.
Il est je pense intéressant de faire cette biographie que vous proposez. Elle sera pour tous les autres, qui ne connaissent pas Chuck Yeager et ce qu'il représente, afin de compléter leur culture.
Nombres de commentaires sur Aérobuzz montrent que certains "jeunes" dans le domaine aéronautique n'ont pas forcément cette culture que nous partageons.
Il est donc important d'en parler ici, à l'heure ou disparait un monument de l'aviation mondiale, "que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre….".
Un grand monsieur s'en est allé. Un des quelques noms qui marqueront à jamais l'histoire de l'Aviation. Un superbe pilote "stick and rudder" au même titre que Bob Hoover en effet.
Et un immense regret dans sa vie, celui de ne pas avoir développé son instruction technique et scientifique qui lui aurait permis d’atteindre son rêve inavoué : être sélectionné comme astronaute (ce qui de dépit lui avait valu ce commentaire désabusé : ‘‘I wouldn’t be an astronaut because I didn’t want to fly anything where you have to sweep the monkey’s crap off the seat before you sit down’’ / ‘‘je ne voulais pas devenir astronaute parce que je ne voulais pas faire voler quoi que ce soit où il eût fallu balayer du siège la merde du singe avant de m’y assoir’’ - en référence aux premiers vols spatiaux avec des cobayes à bord, le chimpanzé Ham pour la NASA).
Souhaitons-lui de reposer en paix.
Dans son autobiographie " Yeager ", Chuck Yeager écrivait : " Je n'étais certes pas le meilleur, mais s'il y avait eu un concours pour désigner le meilleur j'aurais sûrement gagné ".
Une vie et un personnage " inspirants " !
Fly West ... press on ... and keep on buzzing the barns ...
Une de mes idoles, et j'en ai peu !
Bravo à Stormy pour son résumé historique et Jean-Mi. pour sa jolie pirouette poétique.
Il est certain que le sale caractère, le language de charretier et la propension à la désobéissance de ce Grand Monsieur l'auraient écarté d'office du monde de l'aviation d'aujourd'hui....et les Allemands auraient eu onze avions de plus pour finir la guerre.....et on aurait peut-être attendu des mois de plus pour passer le mur du son !
C'est pourtant ce genre de personnage qui a fait l'histoire de l'aviation, et même l'histoire tout court.
Et puis quitter tranquillement le monde à presque cent ans après avoir surmonté tous ces périls, quel destin !