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Culture Aéro

Regards croisés sur la vie bien remplie de Jean Belotti

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Jean Ponsignon / Bruno Rivière

Grand nom de l’aéronautique, Jean Belotti raconte sa vie dans un pavé de 700 pages. Les deux premiers membres de la rédaction d’Aerobuzz.fr à s’être plongés dans ce récit étonnant ont été enthousiasmés par ce personnage aux multiples facettes qu’ils croyaient pourtant connaître. Une fois n’est pas coutume, nous vous proposons une double recension pour un même livre.

« Une vie » de Jean Belotti. 700 pages – 30 euros (plus frais d’envoi) ISBN : 978-2-901067-00-9 Disponible uniquement auprès de l’auteur : jean.belotti@gmail.com

« Une vie » de Jean Belotti lu par Bruno Rivière

N’est pas Belotti qui veut. Sur son sobre CV, l’homme né en 1927 n’affiche « que » 18.000 heures de vols chez Air France dont une grande partie sur 747. A côté, et une fois retraité, Belotti exerce encore quelques activités ici et là de conseil en aéronautique et en expertises judiciaires notamment aux Antilles. Bref, rien d’extraordinaire. Pas plus que sa biographie dont le style, à la fois simple et vivant mais absolument pas académique (certains chapitres sont rédigés presqu’à la manière de notes administratives…) demande un certain effort pour y entrer, au moins au début : si tous les pilotes écrivaient leurs mémoires, où irions-nous ?

Et même si Belotti a déjà publié une vingtaine d’ouvrages, ce n’est pas son activité d’écrivain qui restera le plus dans les annales de notre homme.

Et pourtant, une fois passée cette approche, le lecteur ne peut plus s’empêcher d’aller au bout du personnage. Qu’on le connaisse très bien, ou juste un peu (ce qui est mon cas), l’honnêteté oblige à reconnaître que ce bougre d’homme est attachant. Mieux, il est, n’hésitons pas à l’écrire, extraordinaire.

D’abord, Belotti est un personnage humble. De cette espèce d’humilité naturelle, presque naïve, qui le rend du coup tellement sympathique. Ensuite et surtout, Belotti a eu une carrière hallucinante.

Avec son passé d’engagé volontaire dès 17 ans en Indochine et ses premiers lâchés en solo, jusqu’au poste de commandant de bord sur 747 chez Air France, en passant par les multiples formations sur des dizaines d’appareils, il y a une vie remplie à 100%. Car Belotti est aussi un grand altruiste.

 

Jean Belotti aux commandes d’un Boeing 747 d’Air France. © Coll. J. Belotti

L’idée de se mettre au service des autres a été l’un des fils conducteurs de toute sa vie. L’ancien président du SNPL qu’il fut de 1963 jusqu’en 1968, n’est qu’un simple exemple de la passion des hommes que Belotti a exprimé depuis sa plus tendre enfance. Ses années passées en Indochine (le livre fourmille d’anecdotes à la fois truculentes, tragiques, mais infiniment humaines), et racontées avec une infinie modestie, font de Belotti un héros. Oui, un héros qui ne tire aucune gloire de ses faits et gestes, mais qui sert son pays – non, je veux dire qui sert les autres ! – jusqu’au bout de son engagement.

Belotti donc, est un héros et il faut saluer ici la biographie qu’il vient de rédiger et qu’il édite à son compte, presqu’en s’excusant lui-même de venir importuner ses lecteurs. Non Jean, ta biographie est totalement justifiée. Elle est un magnifique hommage à la vie d’engagé que tu as été et que tu es finalement toujours. Un hymne à la grandeur de l’Homme. Merci cher Jean pour ce témoignage.

Bruno Rivière

« Une vie » de Jean Belotti lu par Jean Ponsignon

Le livre « Une Vie » de Jean Belotti est un ouvrage surprenant par son ampleur et son ambition. Après avoir écrit déjà 18 ouvrages dont ceux qui parlent de son métier, plus deux thèses d’Etat sur l’économie du transport aérien, voila qu’après de 90 ans il décide de parcourir toute sa vie avec un luxe de détails inouïs. Le livre compte plus de 700 pages. Les 525 premières sont passionnantes. La question fondamentale qui se pose au lecteur est de savoir comment un homme a pu vivre autant de vies distinctes, même en 90 ans.

Ce fils d’immigré italien, dont la mère tenait un café dans le Jura, entre à l’Ecole pratique de Peugeot, comme apprenti mécanicien. En 1944, il s’engage pour 3 ans dans l’Armée. Après la campagne de France et celle d’Allemagne, il est envoyé en Indochine où il découvrira les ambigüités des guerres coloniales.

Démobilisés sur place, mais sans un sous il se fait embauché aux Blanchisseries d’Extrême orient où son savoir faire en mécanique, son ardeur au travail et sa volonté de réussir font flores. Il en profite pour s’inscrire à l’Aéro-Club de Gialan, et brevet en poche il monte ses heures par tous les moyens y compris des vols de reconnaissance pour l’Armée avec bon nombre d’aventures dont il sort toujours indemne.

Puis le diable d’homme devient gérant de boite de nuit « la taverne Royale » et d’hôtel « le Splendide », ce qui est pour lui l’occasion de se lier avec de nombreux civils et militaires influents ; c’est aussi l’occasion d’aider beaucoup de personnes dans le besoin, noble habitude qu’il conservera toute sa vie.

En 1953, il quitte l’Indochine et se fait admettre à Saint-Yan, puis devient instructeur à l’aéro Club de Saint-Cloud. C’était un poste bénévole, il crève un peu la faim, et heureusement trouve un emploi au Maroc pour faire de l’épandage agricole. Deux ans plus tard il entre à Air France.

En 1960 il est envoyé à Madagascar où ses talents de pilote et d’organisateur s’affirment. En 1963 il est rappelé en France pour être qualifié sur Caravelle. Simultanément il s’engage dans le syndicalisme professionnel. 4 ans plus tard il devient président du SNPL, et pendant un mandat de plus de 6 ans je crois, il n’y aura aucune grève.

C’est alors qu’il décide de faire des études supérieures ; pas facile quand on n’a pas le bac. En 3 ans il va obtenir un DEA, puis eu Doctorat d’Etat avec les plus hautes notes possibles. On lui propose de devenir professeur d’Université ; il refuse. 20 ans plus tard, en 1987 ce sera le dernier vol.

A la retraite, il part s’installer à St. Barth, où il devient délégué du Procureur de la République, puis médiateur de la collectivité territoriale. En effet toute sa vie il s’est efforcé de secourir les autres et mettre fin aux conflits.

Voila un résumé bien factuel auquel il conviendrait d’ajouter son goût de la musique : piano et accordéon, une vie de couple et de famille heureuse, et bien entendu une chance certaine pour se sortir de maints vols scabreux.

On achève la lecture éperdu d’admiration devant cet hymne à la vie et aux qualités humaines.

Jean Ponsignon

 

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Jean Ponsignon / Bruno Rivière

View Comments

  • Bonsoir, en particulier à Claudine...
    J'ai lu l'ouvrage de Belotti sur les accidents d'avions.
    Excellent ouvrage bien sûr, extrêmement documenté.
    Une modeste remarque de ma part toutefois concernant sa description du BEA:
    Je poursuis pour ma part la rédaction de mes souvenirs concernant les enquêtes-accidents réalisées en Auvergne et en Région Parisienne (1973-2010)
    L'une des raisons (majeure celle-là) qui m'ont poussé à prendre ma plume, c'est que je n'ai vu nulle part la mention de ces enquêtes et du travail que nous accomplissions localement pour le BEA et la DGAC..
    Nous ne devons pas oublier que l'activité du BEA reposait aussi sur un certain nombre d'agents appartenant aux services extérieurs (Districts aéronautiques, aéroports, etc) qui, du fait de leur affectation dans ces services d'exploitation, étaient tenus d'effectuer des enquêtes dites "de première information".
    Localement, dans le cadre d'une astreinte organisée et de consignes précises, l'agent intervenait selon une procédure immuable: diffusion du message RSFTA (IGACEM, BEA, etc destinataires), information des autorités concernées, liaison avec le BEA qui désignait un enquêteur pour assister éventuellement l'agent dans son travail (le BEA se déplaçait s'il l'estimait nécessaire et en fonction de la gravité de l'accident) , recherche et préservation de l'épave, éventuellement enlèvement de celle-ci, enquête proprement dite conjointement avec la GTA voire la PAF, et parfois VERITAS, prélèvement éventuels de lubrifiant, carburant ou moteur(s) pour expertise par le CEPR de Saclay et, in fine, rédaction du rapport selon un canevas normalisé.
    Comme on le voit, l'évocation de ces souvenirs me tient particulièrement à cœur ; elle m'apparaît comme un devoir à rendre à tous ces collègues qui, dans un contexte bien souvent dramatique, furent confrontés aux accidents aériens.
    Bien cordialement,
    Jacques Pageix

  • Superbe éloge de Bernard Bacquié pour Jean Belotti que j'ai lu avec beaucoup d'admiration, beaucoup d'émotion, beaucoup de recul et tant de respect vis à vis de cet aviateur.
    Pour Denis TURINA, reculez la manette mais surveillez la vitesse pour ne pas décrocher!
    Pour JmB, combien je vous rejoins, car j'ai, dans un cadre, une photo dédicacée de Pierre Clostermann à bord de son Tempest, le "Grand Charles", avec ses victoires dessinées sur le fuselage, et une clope à la main (vous la connaissez probablement, elle est récurrente ). Et Saint Ex, sur chaque image, il a une clope à la main...et alors ?
    Comme vous le dites, c'est un autre état d'esprit.

  • Impossible de laisser passer cette recension sans souligner l'attachement à Jean qu'eurent beaucoup de ses collègues d'Air France. S'ils pouvaient tous parler, le forum d'Aerobuzz exploserait, car, hélas, sa génération compte déjà beaucoup de disparus. La première fois que je le vis, il était venu nous parler de syndicat dans nos demi-bidons, hérités du passage des Américains en 1944. C'était en 1967 à Orly. L'Ecole avait déjà son nom prestigieux de "Nationale de l'Aviation civile", mais les bâtiments - nos chambrées surtout - n'auraient pu avoir aujourd'hui la qualification d'accueil pour migrants aujourd'hui. Alors, ce type, qui nous parlait, nous faisait rêver. Il avait un beau costard bleu et nous regardait avec bienveillance et un sourire prometteur. Et là, nous les petits élèves pilotes de ligne, promotions A-9 et A-10, on n'avait d'yeux que pour ce commandant de bord avenant et bien mis. On se regardait entre nous et nos yeux disaient : "Un jour, tu verras, on sera comme lui ; on sera les maîtres du monde et on pourra se payer un beau costard bleu !" Sauf que la modestie de Jean nous avait privé de son C.V. Personne ne pouvait se douter des embûches qu'il avait vécues pour arriver là. A l'instar d'autres hauts placés à Air France, il aurait pu nous battre froid, nous traiter comme des petits nantis à qui l'Etat offrait toute la formation gratos, avec en prime un demi-smic, servi sur une feuille qui se déroulait comme du papier hygiénique, mais qui nous faisait bicher dans nos familles, parce que tout en haut il y avait écrit "AIR FRANCE". Jean, ce self-made man avait déjà tout pigé de l'humanité. On n'arrive jamais sur un promontoire par hasard. Lui, il avait fait la face Nord, nous les minus la face Sud, mais il savait qu'on en avait bavé aussi - pas autant que lui ! -, mais suffisamment pour avoir des yeux rougis par la fatigue des nuits à préparer ce fameux concours d'EPL ENAC qui, à l'époque, était plus sélectif que celui de l'Ecole de l'AIR, par le fait que nous étions sélectionnés en vol dès le concours. Nous avions vraiment l'impression qu'il voulait nous convaincre que nous serions ses copilotes...
    Et nous fûmes ses copilotes ! Et quand je volai avec lui sur 747, le bonhomme, toujours aussi jovial, plus encore même, avait pris son ordinateur portable sur les genoux. Un ordinateur portable en 1982 ou 3, vous vous rendez compte ! Et il m'expliquait que cet instrument était génial. Il disait :"Je tape ça parce que je veux ça et Brouououou ! tac, j'ai ce que je voulais. Tu veux voir encore ? Regarde ! Brouououou ! ça marche encore !" Mais la chose la plus fantastique fut notre arrivée à l'hôtel de Chicago. Devant la réceptionniste qui s'emmêlait les pinceaux avec tous nos noms, si exotiques pour une Américaine qui croyait le Canada une colonie des USA - elle avait transformé le mien en bacouillé ! vous voyez un peu !-, nous entendîmes soudain Jean s'impatienter : "My name is Belotti - bi, aile, ho, ti, ti aïe, and I am the son of an Italian migrant..."
    Pour moi, ce commandant de bord entrait à ce moment au firmament des pilotes de ligne : bi, aile, ho, ti, ti, Aïe ! Impossible d'oublier !
    Mais ce que je ne savais pas, c'est que notre goût commun de noircir du papier allait nous rapprocher. Vous voulez en savoir plus. Please, lisez la page 622. Jean m'a fait le plaisir et l'honneur de rapporter un de mes écrits à son sujet, petit écrit d'un vieux mail, mais ce genre de truc qui s'envole sur le clavier d'ordi un jour où nous réalisons la chance que nous avons eue de nous connaître et de parcourir le monde avec nos cargaisons précieuses.
    Souvenez-vous du film Sully et des derniers mots sublimes - one fifty four - qui font toute la noblesse du métier de pilote de Ligne ! Hé bien, Jean, c'est one million five hundred fifty four thousands and so many crew members still alive à tes destinations partout dans le monde. Mais c'est aussi des masters, des thèses, des conférences, des discours avec des hommes de pouvoir pour toujours défendre le transport aérien.

    Bravo l'artiste, bravo l'ami.

    Bernard Bacquié

  • Les facettes de la personnalité de Jean, que je découvre en dégustant son "pavé", en font non seulement un grand Aviateur, mais un personnage hors norme.
    Pour profiter plus longtemps de sa présence et de la transmission de son expérience, je recule un peu la manette pour les 200 pages qu'il me reste à lire.

  • Quelle époque, où l'on pouvait monter dans un avion fait de bois, de toile, de colle avec des vapeurs d'essence et d'huile traînant un peu partout, la cigarette aux lèvres....
    Un autre état d'esprit!...

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