Rémy Michelin est le premier photographe à intégrer la prestigieuse communauté des artistes peintres de l’Armée de l’Air qui en 2019, a décidé d’ouvrir sa sélection à d’autres formes d’art. Rencontre avec l’auteur de « De plumes et de fer » et du « Chant de l’Alouette », des ouvrages d’anthologie qui jalonnent la carrière de ce photographe aéronautique trop modeste.
Le titre de « Peintre de l’Air » accordé à Remy Michelin, vient couronner une carrière de 25 années passées derrière son objectif, et souvent en vol. Rémy Michelin, « jamais sûr de lui, avec l’angoisse permanente de louper un instant photogénique », comme il confesse humblement, a photographié toutes sortes d’aéronefs, civils ou militaires. « Aujourd’hui mon travail est reconnu : je passe de photographe à artiste ! C’est très important pour moi. Cela décuple mes forces pour faire encore mieux », a-t-il expliqué, avec beaucoup d’humilité à aerobuzz.fr. Avant d’ajouter, « cette nomination porte un double message. On a aimé mon travail, et on compte désormais sur moi pour le poursuivre. C’est un défi qui m’intéresse vraiment ».
Comme pour les Peintres de la Marine, le titre ne mentionne que le nom de peintre, mais les artistes peuvent être aussi illustrateurs, graveurs ou sculpteurs, et désormais donc photographes. Héritiers du corps des peintres du département de l’Air créé en 1931, les Peintres de l’air actuels perpétuent leur vision de l’aéronautique, mais aussi la vie des aviateurs d’hier et d’aujourd’hui, qui pilotent ou mettent en œuvre les aéronefs.
Le recrutement des Peintres se fait tous les deux ans sur concours pour trouver de nouveaux talents. « Cela m’a pris trois mois pour constituer mon dossier de sélection. J’ai retracé toute ma carrière et écris une longue (4 pages) lettre de motivation. J’ai raconté toute mon histoire… Puis réuni une trentaine d’images. »
Cette première étape réussie lui a donné droit de présenter les deux œuvres au jury. « Les choisir fut le plus compliqué… Alors je me suis posé la question : les gens mettraient-ils telle ou telle photo dans leur salon ? Cela m’a permis d’en éliminer quelques unes, et de faire des agrandissements de mes préférée », précise Rémy Michelin.
La photo intitulée « Héritage » qui a été soumise au jury, a été réalisée en 2017 sur le tarmac de la base aérienne de Salon de Provence, le jour de la validation de la saison Rafale Solo Display. « Il a plu toute la journée, il ne se passait rien. Sur le tarmac j’ai remarqué les reflets des avions sur les flaques d’eau. Avec « Marty » (le Capitaine Jean-Guillaume Martinez, pilote du Solo Display à l’époque), on a cherché des angles, des reflets de gouttes d’eau sur les intrados des avions. Nous n’étions pas satisfaits J’ai continué puis ce fut la révélation, cette symbolique du reflet du Rafale, l’héritage du Mirage IIID. J’adore cette photo, on a déplacé les avions pour une composition, il m’a fallu une heure pour la préparer sous la pluie… Je savais que ce jour là ,je ferai une belle photo. Il y a des choses que l’on sent…»
Un choix judicieux aussi, qui démontre le talent du photographe, que ce soit au sol ou dans les airs.
« L’aviation me fait vibrer, au sol ou en vol, je suis heureux dans un avion, il se passe quelque chose, l’humain, la machine, les odeurs, l’hydraulique… » Pour réaliser « Break Dance« , le cliché qu’il a soumis, Rémy Michelin était à bord de l’unique Noratlas encore en état de vol. C’est l’illustration même du style Michelin. Du graphisme, travailler avec de gros téléobjectifs pour rentrer dans l’image, jouer sur la profondeur de champs.
« Donner une force à l’image passe aussi par rencontrer les bonnes personnes, les convaincre, car ils nous donnent de leur temps, il ne faut pas les décevoir. C’est cela le plus dur, la crainte de rater l’image » explique le photographe. « Avec Marty, on a beaucoup préparé ces deux vols du Rafale Solo Display, on a pris le temps et on a réussi ce cliché… »
Pour Rémy Michelin, participer à ce prestigieux concours du monde aéronautique était aussi une façon de remercier l’Armée de l’Air. Le choix de ces deux œuvres n’est évidemment pas anodin. « Je voulais faire passer ce message aux militaires : Vous m’avez fait réaliser mon rêve de gosse en pouvant approcher ces machines, et voler à leur bord, j’ai une reconnaissance envers vous… Jai donc voulu leur montrer par ce dossier qu’ils ne devaient pas avoir de regret à m’avoir fait voler, notamment avec la Patrouille de France en 1999, qui a lancé ma carrière. »
Le jury réunit des professionnels du monde de l’aéronautique, de la culture, des arts plastiques et graphiques (ils sont une dizaine). Pour interpeller, l’artiste doit, au-delà d’une technique originale et reconnue par ses pairs, arriver à traduire un engagement propre, être identifié comme un ambassadeur de l’Armée de l’air aux yeux du public, selon les termes définis par le ministère.
Yannick Batogé, peintre autodidacte et Peintre de l’Air et de l’espace depuis 2005 (et 36 ans de carrière dans l’armée de l’air), a fait partie du jury 2019. « Rémy avait fait un gros travail pour nous présenter ses œuvres. Des photos de grande qualité, réalisées avec de l’imagination. Je ne suis pas photographe, mais ses clichés nous ont parlé, il s’est démarqué de suite nos yeux… »
En 2009, le Général Guillaume Letalenet, alors chef du SIRPA, avait souhaité ouvrir la sélection à d’autres artistes comme l’ont fait d’autres corps notamment la Marine. En 2009, Pierre-André Cousin, graphiste et illustrateur, est le premier « non peintre » à être agrée. Il travaille à la réalisation d’affiches ou de plans d’habillage d’aéronefs comme pour la Breitling Jet Team. La précision de son style l’entraîne au-delà des arts classiques et il innove en pratiquant la peinture digitale.
« L’ouverture à de nouvelles techniques d’art n’est pas une chose facile », explique Yannick Batogé (qui est aussi l’ancien président de l’Association des Peintres de l’Air et de l’Espace). « Il s’agit de continuer à pouvoir transmettre un héritage avec une nouvelle génération d’artistes, ou de nouvelles techniques. Nous avons aussi fait entrer des carnettistes et bédéistes. »
Un titre de peintre agréé est accordé pour trois ans. Rémy Michelin devra passer devant le jury pour le renouveler. Après trois agréments successifs, il pourra alors postuler au titre de peintre titulaire. De quoi lui laisser du temps pour préparer ses prochains clichés, et accéder aux infrastructures de l’armée, une « maison » qu’il connaît déjà si bien. Mais le style Michelin, c’est justement aussi de savoir se renouveler, et de toujours surprendre.
Jérôme Bonnard
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Je me souviens de Mr Michelin avec qui j'avais fait un bout de chemin au siècle dernier, quelqu'un de très souriant et calme, d'un abord fort agréable - et qui bien sûr faisait de très belles photos. On sentait le passionné - je vois qu'il a continué, qu'il en soit félicité.
Toutes mes félicitations à Aérobuz pour ce reportage et un immense bravo à Jérôme Bonnard pour son article sur Rémy Michelin.
Un spotteur privé.
je connais Remy depuis plusieurs années, il a un talent fou et c'est un ancien photographe de l'armée de l'air qui vous le dit. En fait son talent viens de plusieurs facteurs et la bonne technique n'est pas la seule contribution à l'image. Il sait mettre en place son sujet avec la bonne coordination des pilotes. Il réfléchie avant, il suppute, communique et ses mises en place sont judicieuses. C'est peut être le plus difficile a réaliser.Ses livres son enchantement et une bible pour les générations à venir. Pour toutes ces raisons bravo l'artiste!!!!!
Magnifique reportage, magnifique personnage, magnifique artiste, et bien sûr magnifiques photos.
C'est certain, l'envie est donnée d'en (sa)voir plus. Merci