Retour nostalgique à la grande époque du voyage aérien

« Air France dans tous les ciels ». Un somptueux album que les nostalgiques des lignes mythiques adoreront ; les habitués aux voyages aériens aimeront ; et les jeunes, qui découvrent parfois le transport aérien à travers le prisme réducteur des low-costs, découvriront un univers qui existe encore chez certaines compagnies… et dans certaines classes !

J’ai eu la chance de voyager très jeunes puisque mes premiers souvenirs d’avions remontent à l’époque où je savourais du haut de mes 5 ou 6 ans les immenses sièges pas encore couchettes mais presque, des Super Constellations. Avions fabuleux, impressionnants, majestueux. Le Champagne coulait à flots lors du passage de l’Equateur – j’étais encore au jus de fruits ! – et des certificats du passage de la ligne étaient alors proposés aux voyageurs. Que de souvenirs !

En ouvrant l’album « Air France dans tous les ciels », j’ai revécu un instant, comme la madeleine de Proust, ces grands moments de ma vie. Car le livre – en fait une sorte de coffret magique dans lequel sortent des images jaunies des premiers gros-porteurs d’Air France à hélices, des publicités anciennes de la compagnie pour le lancement du DC4, des cartes postales avec leurs fameux timbres « premier jour » éditées à l’occasion de l’ouverture d’une ligne, des menus (ah ! les repas servis dans les années cinquante à bord des Super Constellations…), etc. – retrace la grande épopée d’Air France, notamment durant la période d’après-guerre jusqu’aux premiers réacteurs (même s’il est partiellement question de vols antérieurs et, beaucoup tard de Concorde et d’Airbus). Bref, l’âge d’or de la compagnie.

Le parti pris de Denis Parenteau (l’auteur, président d’honneur du Musée d’Air France) et de toute l’équipe des bénévoles du Musée Air France, est de rassembler le maximum de documents d’époque, publiés sous forme de fac-similés. On trouvera par exemple des reproductions « à l’identique » des cartes des routes aériennes d’Air France des années Aéropostale, la fameuse étiquette « occupé » que le passager accrochait à son siège lors des escales pour conserver sa place… et même un éventail « discover the world with Air France » datant d’avant 1960, ce qui constitue une véritable prouesse pour l’imprimeur des Editions Ouest-France.

« Air France dans tous les ciels » n’est pas un livre comme les autres : c’est un album photos de famille qui doit être regardé avec respect car il représente tout ce que le transport aérien avait de plus majestueux avec Air France. Le jeune voyageur de la génération « Y » aura, certes, du mal à croire que les premiers Lockheed L-1049C (Super Constellation) ne transportaient « que » 48 passagers dans certaines versions. Mais le luxe était à bord, et le luxe pèse lourd et prend de la place : salons, fumoirs, bars, stewards-serveurs en smoking… (Voir les très nombreux « écorchés » des avions de la compagnie pages 26, 27 et bien d’autres.)

Rien n’était trop grand ni trop prestigieux pour le passager encore client-roi à l’époque. Je me souviens parfaitement que les trousses de toilettes, aujourd’hui remplacées par de tristes pochettes souvent en plastique, étaient glissées dans de véritables valisettes en toile, de la taille d’un attaché-case, avec de quoi « tenir » plusieurs jours en produits de toilettes haute de gamme, parfums de renommée, pyjamas, couvertures et autres ustensiles de premières nécessité. Rendez-vous pages 56 et 57 de l’album pour vérifier mes dires : le voyage à bord d’Air France, c’était Noël à chaque fois !

Bruno Rivière