En 1960, Morane-Saulnier a imaginé une vraie machine de guerre pour inonder le marché avec son Rallye. La mise en oeuvre du plan de bataille connaîtra des ratées. 3.400 exemplaires seront tout de même vendus en une trentaine d’années. Dans un livre qui vient de paraître, Roger Gaborieau raconte l’histoire du « dernier des Morane »…
A la fin des années cinquante, en France, les avions écoles (Stampe, Piper Cub, Jodel D-112, etc) sont tous biplaces. En 1958, l’administration française lance un concours pour encourager les constructeurs d’avions légers à proposer une alternative à l’offre américaine envahissante. Il sera remporté par le Legrand-Simon LS-60 qui ne verra jamais le jour. A cette époque, Morane-Saulnier ne prend pas part à la compétition, bien qu’il ait déjà dans ses cartons le MS-880, un bi-triplace avant-gardiste : construction en aluminium riveté et soudé, becs de bord d’attaque mobiles et volets à fentes pour les qualités de vol à basse vitesse, solide train tricycle à roues tirées, verrière coulissante pour un accès facile à la cabine… Facilité d’accès aux organes vitaux de l’avion pour en faciliter la maintenance. Le constructeur ne veut pas se laisser engluer dans un programme étatique, il mise sur atouts.
Morane-Saulnier croit dans son projet et surtout, il a imaginé un plan de bataille révolutionnaire qui va entrer dans l’histoire de l’aviation légère sous l’appellation « Opération Rallye ». « Le terme rassemble conception, production, prospection et commercialisation », explique Roger Gaborieau, dans la monographie qu’il vient de consacrer au Rallye. « Le phénomène Rallye dépasse la création technique d’un avion. En effet, Morane-Saulnier met en place les méthodes de management des ventes les plus modernes mais peu pratiquées dans le domaine de l’aviation légère, qui relève plutôt jusqu’à présent de l’artisanat ».
Ce n’est pas un avion, mais une gamme que le constructeur imagine. Avant même la certification du MS880, une version plus puissante à train rentrant est envisagée, ainsi qu’un bimoteur. « Simultanément, sont menées une campagne de presse très efficace et une promotion publique avec vols de contact à bord du prototype, nationalement et à l’étranger ». Un tour de France et d’Europe est organisé pour faire essayer l’avion aux prospects. Morane-Saulnier engrange les commandes : 150 en France et 45 à l’étranger. Le MS880 n’est toujours pas certifié et sa mise au point piétine. Il sera finalement certifié le 26 octobre 1961 avec un moteur Continental de 100 ch. Dans la foulée, le constructeur lance le MS-880B équipé d’un moteur de 145 ch.
La difficile mise au point du Rallye, endeuillée par la mort de Jean Person pilote d’essais Morane-Saulnier lors d’un essai de vrille, n’enraye pas pour autant le déploiement de l’opération Rallye. Lettres d’information, prospectus, publicité, relations presse… la promotion bat son plein. En parallèle, le constructeur met en place dans son usine de Tarbes un outil de production inspiré de la construction automobile. « Une machine est créée permettant de retourner l’avion afin de procéder au montage des éléments internes par plusieurs ouvriers travaillant en même temps sur l’équipement de la cabine alors que simultanément le train d’atterrissage est posé sur son emplacement à l’intrados de la voilure », écrit Roger Gaborieau.
La chaîne de production en série du Rallye se met en place, mais sa mise au point va, elle aussi, être longue et complexe. La qualité va gravement s’en ressentir. Au 200ème avion produit, des « négligences graves » sont toujours à déplorer. 30 avions sortent chaque mois de l’usine de Tarbes avec parfois des défauts incroyables que détaille Roger Gaborieau. Il faudra attendre la reprise de Morane-Saulnier par Potez, début 1963. Cela n’empêche pas les commerciaux de vendre et le bureau d’études de lancer sans cesse de nouvelles versions au point de s’y perdre. Roger Gaborieau en a identifié pas moins de 44 pour un total de 3.396 avions produits jusqu’en 1984.
Il reste de cette aventure industrielle, des traces un peu partout dans le monde : dans les aéro-clubs et écoles de pilotage, dans les sociétés de travail aérien, dans certaines armées étrangères, entre les mains de pilotes paraplégiques, mais aussi dans les archives de la télévision. Le Rallye est encore bien vivant même si cette monographie amoureuse a forcément un parfum de nostalgie. Elle renvoie à une époque où les constructeurs français d’avions légers faisaient le poids face aux américains.
Gil Roy
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Pour Charles Destrée:
Maurice Serrée et non pas Serré.
Son fils est pilote de ligne.
À Gil Roy qui a fondé Aerobuzz.fr
j'aimerais raconter diverses aventures que j'ai expérimenté pendant les 732 heures de de vol que j'ai accomplis entre 1963 et 1973.
Parmi lesquelles le fait que sous ma responsabilité un groupe de 15 avions Piper Cherokee 235 ont atterri sur l'aérodrome de Kennedy Airport à New York sans le moindre hic.
Bien à vous,
Charles Destrée
(1926) kaak@wanadoo.fr - historien..
Retour sur l’étonnante « Opération Rallye »
Bonjour Monsieur,
En espérant répondre à vos recherches.
Cordialement.
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Ayant acheté en 1963 un Morane Saulnier super Rallye par l'intermédiaire de Maurice Serré,
j'aimerais trouver 2 photos.
1 - de la jauge d'essence d'un Rallye
2 - De Maurice Serré en pilotant un Rallye debout, les bras en l'air
Merci de votre attention.
Bien amicalement,
Charles Destrée
(1926) historien, 700 heures de vol.
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Suite et fin.
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Breveté en 1969 , et laché solo sur ms 880 sur la piste de l'aeroclub de Passy Mont Blanc ou du Fayet,(qui n'existe plus) au choix; Une piste definie ''utilisation restreinte'' delimitée d'un coté par les rives de l'Arve et de l'autre par la route menant à Marlioz. Que de souvenir et de plaisir de se retrouver au commande et en finale et devoir engager le deuxieme cran pour ''sauter la ligne electrique bordant la route. Fidel et robuste , fiable, sur herbe en eté et neige en hiver, il m'a permis de passer mon 2eme degre et de faire toutes mes navs avec serenité . Le club à l'époque en possédait 2 ainsi qu'un MS 883, un MS 893 et un 894, Il était tellement rassurant cet avion quand il fallait se poser limite alors que les memes conditions en 112 ou en pa 19 demandaient un peu plus d'adrenaline. Pour un jeune pilote c'était un compagnon fiable pour aller se perdre dans le massif du Mont Blanc.
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"Delta Hotel" le dernier des Rallye de LFFC que j'ai encore vu tracter des planeurs au début des années 2000 à Chérence justement. Que de très bons pilotes nous ont épatés à leurs commandes: larguer le cable, cabrer en virant sur une aile et venir se reposer quelques secondes plus tard pour venir prendre en remorque le planeur suivant. Voilà peut-être pourquoi je ne supporte pas la longue vent arrière des pilotes avions débutants qui ne savent pas qu'on peut très bien se poser vite et court!
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Pour avoir connu le rallye en club, il fallait 3 heures de maintenance là ou le DR400 n'en nécéssitait qu'une (ex la cinématique des volets : une charniére piano sur DR400, un mécanisme complexe de glissière, galet et cable sur le Rallye). pas bon pour le prix de revient ! On pouvait aussi négliger la maintenance, il était assez solide pour cela, jusqu'au jour ou... Et quid des rallyes produit sous licence en Pologne, torpillés par la Socata pour vendre des TB10 ?
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C'est Maurice SEREE qui pilotait debout avec le manche glissé dans une jambe de son pantalon.
Dans les années 80 nous avons vus des Rallyes "Guerrier" faire du tir roquette sur Calamar (champ de tir du CEV à Cazaux), ça marchait assez bien, tout du moins le départ, quant à la précision ???
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Oui, effectivement c'est bien Maurice Seree, ma mémoire défaillante (mon grand âge sûrement!) m'avait fait penser à Noetinger à tort.
Pour démontrer les possibilités du Rallye à des acheteurs potentiels, Seree allait jusqu'à faire décoller la version 220CV du Rallye manche attaché plein cabré et..... ça marchait: décollage, petite montée, toute petite abattée, re-petite montée, re-toute petite abattée, etc....
C'était une autre époque! Et un autre type de conception d'une machine volante!
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Apres avoir été lâché sur Piper Cub, J' ai fait toutes mes navs sur Rallye et ai passe mon brevet sur cette appareil (1983). Je me suis pose sur tout les terrains de l' ouest et du centre (ou presque). ..... souvenirs, souvenirs .....
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Bonjour à tous,
Il y a des avions qui ont marqué leur époque et le « Rallye » est un de ceux-là. Il est vrai qu’il n’était pas très rapide, pas très beau, il se secouait comme un chien mouillé quand on coupait les contacts mais il ramenait tout le monde sur le terrain malgré les petites erreurs des pilotes débutants ou pas très assidus.
Et puis, quel plaisir de voler la verrière entr’ouverte sans se poser de questions. J’ai possédé deux avions à train classique avec lesquels j’ai pas mal volé. Ils avaient des qualités que ne possédaient pas les Rallyes, mais c’était un plaisir toujours renouvelé de retrouver cette bête paisible.
Allez donc demander aux anciens de la SOTRAVIA ce qu’ils ont réalisé avec leurs machines (N’est-ce pas Cahu?).
Il y a aujourd’hui des machines au moins aussi intéressantes mais ne cédons au snobisme qui consistait, en son temps, à dénigrer les Rallyes. C’était souvent les pilotes les moins « fin » qui s’adonnaient à ce genre de critiques.
J’ai oublié de vous dire : J’ai volé sur des machines beaucoup moins agréables.
Bons vols
Bébéjodel, petit pilote de petits avions