« S’il est une position stratégique pour suivre le déroulement d’une approche, c’est bien le fameux jump seat. »

Par Jean-François Georges

Je ne me rappelle plus l’immatriculation de ce Mercure, l’un des 11 qu’avait exploités Air Inter. Il avait été choisi pour aller jouir d’une retraite bien méritée au Conservatoire d’Aquitaine et donc le vol Orly-Mérignac devait être, le jour venu, son dernier trajet après environ 40.000 heures de bons et loyaux services.

Pour ce qui allait être le dernier vol de ce bel avion, c’est Mme Brigitte Revellin-Falcoz qui avait été choisie comme commandant de bord. Connaissant la part que j’avais prise dans le programme Mercure et ce que cet avion représentait pour moi, elle avait eu la délicate idée de m’inviter à participer à ce vol un peu particulier… sur le jump seat.

Le jour fatidique, en pénétrant dans le cockpit où les trois membres d’équipage étaient déjà installés, j’ai eu l’impression d’entrer un peu chez moi. Il faut dire que j’avais passé pas mal de temps à peaufiner dans les moindres détails, l’organisation de ce poste d’équipage.

« Le pilote a toujours raison » avait coutume de dire Marcel Dassault… Et donc en particulier les pilotes d’essais de la société ! Leurs exigences et celles de la certification en équipage à deux m’avaient poussé dans mes derniers retranchements et je crois savoir qu’il en était résulté un environnement que les équipages d’Air Inter ont réellement apprécié et qu’ils évoqueront toujours avec nostalgie.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit, la plupart du temps en mode manuel, les trois PNT profitaient pleinement des qualités de vol de cet avion qu’ils connaissaient si bien.

Des instants trop brefs, hélas ! Car après une descente où l’on put jouer avec les aérofreins, « un vrai plaisir ! », vint le moment de l’approche.

Il faisait grand beau mais pourquoi ne pas s’offrir une dernière procédure ATT ? Procédure complète avec HUD bien sûr.  

Le Mercure avait été le premier avion de ligne équipé d’un Head Up Display, élément important du système d’atterrissage tous temps puisqu’il permettait au pilote en place gauche d’être réellement dans la boucle et, le cas échéant, d’effectuer une remise des gaz.

Sujets qui m’avaient eux aussi beaucoup occupé des années auparavant…Le développement et la certification du système d’ATT (atterrissage tout temps) et en particulier la conception de ce fameux HUD, dont je voyais vivre les réticules par-dessus l’épaule du commandant de bord. Car s’il est une position stratégique pour suivre le déroulement d’une approche c’est bien le fameux jump seat.

Approche comme dans les livres, atterrissage, roulage jusqu’au point de stationnement, puis… frein de parking et arrêt des deux réacteurs. Je me souviens de ce moment un peu étrange et de l’émotion que nous avons partagée dans le cockpit désormais silencieux. Personne n’a cru utile de dire quoi que ce soit et pendant quelques instants j’ai eu la sensation que chacun d’entre nous disait à sa façon adieu à un vieil ami.

Jean-François Georges