Claudie HAIGNERE

Elle pilote aujourd’hui Universcience, une grande ambition née du rapprochement du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie. Médiatiquement moins exposée qu’à l’époque de ses vols spatiaux, Claudie Haigneré s’investit dans cette mission avec la même rigueur, la même passion et la même force de travail. Avec la même volonté de partager et de transmettre le savoir.

Aerobuzz.fr – Vous souvenez-vous de votre baptême de l’air ?
Claudie Haignere – Mon lâcher : c’est cela que je considère comme mon baptême de l’air. C’était sur l’aérodrome de Meaux Esbly, dans un TB 10, avant mon premier vol spatial le 17 août 1996. J’ai voulu prendre des leçons de pilotage. J’avais eu la chance de faire des vols avec différentes patrouilles, des moments absolument extraordinaires, mais pour mon premier lâcher à bord d’un TB 10, j’étais toute seule aux commandes de l’avion, un moment fort, intense, magique,…

Quel est pour vous la plus belle machine volante ?
C’est « ma » capsule Soyouz bien sûr… Ce n’est pas une « machine volante » à proprement parler, puisqu’elle est propulsée jusqu’à une vitesse de satellisation. Mais pour moi, la plus belle machine volante, c’est « ma » capsule Soyouz séparée de la fusée Soyouz pour s’amarrer à la station spatiale, qui est d’une certaine façon aussi un objet volant !

Si vous étiez un aéronef, lequel seriez-vous ?
L’Éole de Clément Ader, un projet d’un ingénieur un peu « fou » mais qui a tout de même réussi le premier vol !

Quel est votre livre aéronautique de référence ?
J’ai adoré Vol de nuit de Saint Exupéry.

Quelle est votre dernière lecture que vous recommanderiez ?
Le dernier livre que j’ai lu, est la biographie de Darwin, « Darwin’s Origin of species : a biography » d’Edwin Joël Brown. Je l’ai suivi dans son voyage. J’ai adoré le livre de Sylvain Tesson, « Dans les forêts de Sibérie ». Je suis partie avec lui, j’étais dans la cabane… Il est parti six mois en emmenant des livres, de la Vodka et de quoi pêcher dans le lac Baïkal. Il était seul avec lui-même et la Nature. La solitude et la fraternité russe…

Quel est votre film aéronautique préféré ?
J’ai adoré « 2001 l’Odyssée de l’espace ».

Quelle chanson ou quelle musique évoque le mieux l’aviation selon vous ?
Je sèche ! Pourtant, j’adore les concerts donnés annuellement par l’ensemble de la musique de l’Air

Quels sont pour vous le plus grand aviateur et la plus grande aviatrice ?
Amelia Earhart et Blériot

Quel exploit aéronautique auriez-vous aimé réaliser ?
Peut-être le premier vol en montgolfière… La première fois où on s’est élevé. J’aurais bien aimé être dans la nacelle, être au-dessus de l’horizon, voir d’en haut, changer de regard… C’est aussi cela, le spatial et l’avion…

Ce ne sont plus les aviateurs que les foules accueillent à leur arrivée sur les aéroports, mais les footballeurs. Qu’est ce que cela évoque pour vous ?
La conquête spatiale, les exploits des ingénieurs, et de nombreuses innovations majeures ne déplacent plus en effet les foules…
Il n’y a presque plus personne pour accueillir les équipages spatiaux qui rentrent d’orbite basse. Mais quand le premier équipage martien sera de retour, il y aura du monde pour les accueillir.
Aujourd’hui, il n’y a pas assez de projets pour de grandes aventures humaines, ce que je déplore, mais la source n’est pas tarie, elle peut rejaillir à tout moment !

Qu’auriez-vous conseillé à Icare ?
En tout cas, je ne lui aurais pas conseillé de se réfugier derrière le principe de précaution. Je ne suis pas sûre que j’aurais été de bon conseil pour Icare. Je crois que je ne l’aurais pas empêché de monter plus haut. L’exploration est une façon de gagner des degrés de Liberté.

Quel est le plus grand événement ou exploit aéronautique de ces dernières années ?
Pour moi, c’est à venir. Le premier vol suborbital qui sera mis à disposition de passagers qui voudront voir la courbure de la Terre et le noir du cosmos.

Vous est-il arrivé de regretter d’avoir pris l’avion ?
Non jamais… Et je dirais même que dès fois, parce que l’avion est en retard, qu’il y a des attentes, que c’est long de rejoindre un aéroport, je me dis que pour faire un Paris-Cologne, j’aurais mieux fait de prendre le train. Mais si tôt que je suis dans l’avion, je prends mon siège près du hublot, toujours, mon esprit et mon regard profitent pleinement du voyage. Du bonheur !

Qu’évoque pour vous un aéroport ?
Un aéroport commercial, c’est une porte ouverte, le début d’un voyage… la joie d’être dans un avion de regarder d’en haut…
Sur les petits aérodromes, j’ai l’impression de faire partie d’une communauté à part, celle des gens de l’air.

Qui ou quoi vous a amené à l’aéronautique ?
Ma curiosité. Le premier pas de l’homme sur la lune a certes été un catalyseur mais je n’aurais pas franchi le pas si je n’avais pas eu, en moi, profondément ancrée, une irrésistible envie d’explorer. Et j’ai plutôt le regard tourné au-dessus de l’horizon.

De quoi êtes vous la plus fière dans votre carrière ?
Je suis fière d’avoir réalisé deux missions spatiales. J’ai endossé une lourde responsabilité, après une longue phase de préparation avec des ingénieurs et des techniciens, qui vous forment, vous accompagnent dans les simu… Puis arrive le moment où vous y allez toute seule, ou à trois en équipage. Et là, comme vous avez la chance extraordinaire d’avoir été l’heureuse élue, que le monde vous regarde d’une façon différente, vous avez l’impératif de réussir la mission qu’on vous a confiée. Quand je dis que je suis fière d’avoir réussi ces deux missions, j’étends cette réussite de leur partage et transmission avec le plus grand nombre de personnes que cette aventure humaine fascine et inspire.

Quelle autre activité auriez-vous pu faire, ou aimé faire ?
J’en ai déjà fait pas mal… J’écrirai sans doute, pour continuer à partager, à transmettre. Mais ce que j’aimerais, c’est faire du théâtre ! Le théâtre, il faut aller le chercher… Il faut une rencontre.