Dorine BOURNETON

Entre émotion et séduction, elle ne laisse personne indifférent. Avec son sourire irrésistible, Dorine Bourneton a fait progresser la cause des pilotes privés paraplégiques, en obtenant notamment en 2003, que le statut de pilote professionnel soit ouvert aux personnes handicapées. L’aviation qui l’a privée de ses jambes lui a paradoxalement donné une nouvelle raison de vivre.

Aerobuzz.fr – Vous souvenez-vous de votre baptême de l’air ?
Dorine Bourneton – Oui, c’est un des souvenirs d’enfance que j’ai toujours en mémoire, j’avais 8 ans… C’était à l’aérodrome d’Aulnat sur un rallye ; j’étais émerveillée par cet univers que je découvrais pour la première fois… les vestes en cuir des pilotes m’impressionnaient…mon père était aux commandes et moi à l’arrière comme sac de sable…c’était un vrai baptême, avec toute l’étrangeté qui l’accompagne, la multitude impressionnante de boutons et d’instruments à bord de l’avion, les paroles mystérieuses échangées avec la tour de contrôle…et puis cette impression merveilleuse de s’envoler…
Aujourd’hui encore à chaque vol, je peux ressentir cette plénitude et cette joie immense qui m’avait saisie lors de ce baptême de l’air…à dire vrai, je crois bien que chaque vol reste pour moi un vrai baptême, tant les émotions sont extraordinaires à chaque fois…

Quel est pour vous la plus belle machine volante ?
J’avoue fondre littéralement quand je vois un Lockheed Electra… C’est non seulement une belle machine volante mais c’est en
plus un avion qui porte en lui toute la beauté de l’épopée de
l’aviation de cette époque…

Si vous étiez un aéronef, lequel seriez-vous ?
Mais je suis déjà un aéronef !
Et si j’étais un autre avion, je serais… un Rafale ! Pour sa musique, pour sa puissance (je suis émerveillée à chaque fois que je vois la présentation de Tao, le pilote du Rafale Solo Display), et parce que même en ayant bien lu le manuel, il faut encore des heures et des heures et des heures de pratique pour maitriser cette machine époustouflante !

Quel est votre livre aéronautique de référence ?
Les aviatrices de Bernard Marck, c’est un livre à la fois sur
l’histoire de l’aviation, passionnant et riche, mais c’est surtout un
livre sur le choix d’un destin. Ces femmes aviatrices ont choisi
d’arrimer leur destin à celui de l’aéronautique, parfois au péril de
leur vie… c’est un livre où l’on sent le courage et la détermination à
chaque page…et où la vie acquiert une autre dimension, celle d’une
aventure universelle… C’est donc un livre qui m’a beaucoup inspiré.

Quelle est votre dernière lecture que vous recommanderiez ?
Ma dernière lecture est le manuel de vol du Cap 10, avion avec lequel
je vais m’entraîner à la voltige aérienne cet été, au sein de l’Amicale de voltige aérienne, grâce à Régis Alajouanine et son toute équipe de l’AVA qui forme les pilotes jusqu’au plus haut niveau de compétition internationale. Mais le manuel de vol du Cap 10 n’est peut être pas le 
livre que je recommanderais, il n’y a pas assez de personnages et trop 
peu d’action… En revanche le livre qui m’accompagne est Le Petit
 Prince, et celui là je le recommande à chacun, petits ou grands…c’est
une lecture qui vous fait sentir grand quand on est enfant et qui vous
faite redécouvrir l’enfance quand on est trop adulte…

Quel est votre film aéronautique préféré ?
Je les aime tous !, qu’ils soient bons ou mauvais…dès qu’un film met
en scène un avion, mes yeux s’émerveillent…mais bon, je ne vais pas
vous citer tous les mauvais films que j’ai vus… les deux ou trois bons
films que je revois régulièrement avec plaisir et émotion sont
 L’Empire du Soleil et Always de Steven Spielberg… Je revois aussi
 Aviator, de Martin Scorsese…et puis, sinon beaucoup de films de mes vacances, il y a souvent des avions en arrière plan…

Quelle chanson ou quelle musique évoque le mieux l’aviation selon vous ?
L’aviation c’est à la fois une aventure collective mais aussi une émotion souvent très intime et personnelle… et je trouve que la musique traduit bien cette émotion particulière… par exemple, j’apprécie beaucoup la délicatesse et la sensibilité de la musique d’Ibrahim Maalouf, notamment « True Sorry » un pur chef d’œuvre, qui évoque parfaitement ce que je ressens quand je pilote…un sentiment à la fois de plénitude et de bien-être mais aussi une immensité qui s’ouvre à moi…

Quels sont pour vous le plus grand aviateur et la plus grande aviatrice ?
Qu’est ce que « grand » ?… ils sont tous grands, dès l’instant où vous avez un rêve qui transcende votre vie, vous devenez « grand »… « bigger than life » comme disent les anglo-saxons…mais au royaume des grands pilotes certains sont peut-être plus grands que d’autres…difficile à dire…mais si demain on devait utiliser le clonage pour créer de grands aviateurs, je pense qu’on pourrait naturellement aller piocher dans l’ADN de Jean et Adrienne… Mermoz et Bolland !

Quel exploit aéronautique auriez-vous aimé réaliser ?
Tous ! Absolument tous ! A commencer par la traversée de
l’Atlantique dans le sens Paris-New York que j’ai du réaliser au moins 50 fois… en rêve dans ma jeunesse !

Ce ne sont plus les aviateurs que les foules accueillent à leur arrivée sur les aéroports, mais les footballeurs. Qu’est ce que cela évoque pour vous ?
Mermoz et Guillaumet jouaient aussi très bien au football…les temps ne changent peut être pas autant qu’on le pense..

Qu’auriez-vous conseillé à Icare ?
D’utiliser des ailes renforcées en carbone ! et de recommencer…il faut toujours recommencer et encore recommencer, surtout en aviation, ​c’est la clef de la réussite…

Quel est le plus grand événement ou exploit aéronautique de ces dernières années ?
Difficile de répondre à deux questions en même temps… je vais vous faire une confidence : que des femmes aient pu devenir ces dernières années des pilotes de chasse, et pour certaines d’entre-elles parmi les meilleures, est incontestablement un événement dans le milieu aéronautique connu pour sa mythologie plutôt masculine mais je vous dis ça à voix basse, ne le répétez pas trop… Quant à l’exploit…Je pense que la qualité première d’un exploit est de permettre de dépasser une frontière, de déplacer une limite… et là je pense que les ingénieurs d’Airbus ont réalisé un véritable exploit avec l’A380…

Vous est-il arrivé de regretter d’avoir pris l’avion ?
Le 12 mai 1991, lorsque l’avion dans lequel je me trouvais s’est crashé sur le flanc d’une montagne…mais depuis j’ai pris bien d’autres avions avec une joie intacte…c’est peut être ça la passion.

Qu’évoque pour vous un aéroport ?
des footballeurs qu’on applaudit …

Qui ou quoi vous a amené à l’aéronautique ?
Mille hasards et une passion… Mille hasards qui auraient conduit n’importe qui à détester l’avion, à ne plus jamais monter dans un avion tant la tragédie que j’ai vécue m’a meurtrie et fait souffrir… Mais j’ai toujours eu cette passion en moi qui m’a permis de revenir vers la vie, de remonter dans un avion et de devenir pilote… Toutes ces femmes pilotes, Hélène Boucher, Maryse Bastié que j’avais tant admirées dans mon enfance ont eu des vies faites d’exploits suivis de tragédies… La mienne a commencé par une tragédie (comme Jacqueline Auriol et son terrible crash aux Mureaux ). Il me reste les exploits à réaliser… J’ai entamé une « carrière de femme-pilote » un peu à l’envers… Mais bon ! j’ai souvent fait les choses un peu à l’envers… D’ailleurs c’est peut être pour cette raison que j’ai entamé aujourd’hui une formation de voltige aérienne… On y apprend à voler à l’envers !

De quoi êtes vous la plus fière dans votre carrière ?
…J’ai plus le sentiment de vivre une passion que véritablement réaliser une carrière… Une passion se développe rarement seule, et c’est avant tout les rencontres que j’ai faites qui m’ont portée…Grâce à un travail d’équipe sans relâche aux côtés de Guillaume Feral, Brigitte Revellin-Falcoz, et Luc Adrien (pour les missions de surveillance de feux de forêts qu’il a pu mettre en place avec les pompiers du Lot et Garonne), la signature de l’arrêté ministériel par Dominique Bussereau en novembre 2003 ouvrant l’accès à la licence de pilote professionnel aux pilotes handicapés des membres inférieurs… j’ai pu réellement accéder à mon rêve…et c’est la seule fierté que j’aie véritablement, avoir pu faire de mon rêve impossible une réalité…c’est ce que j’aimerais un jour transmettre à ma fille.

Quelle autre activité auriez-vous pu faire, ou aimé faire ?
Chanteuse de rock ! C’est paraît-il aussi une bonne façon de se faire applaudir dans un aéroport quand on n’est pas joueur de football…