Jean-François CLERVOY

Il a failli être le premier homme à franchir le mur du son en chute libre, 25 ans avant Baumgartner. Jean-François Clervoy a eu une autre trajectoire. Après trois missions dans l’espace, le spationaute français ne manque jamais une opportunité de partager sa passion avec les publics les plus variés.

Aerobuzz.fr – Vous souvenez-vous de votre baptême de l’air ?
Jean-François Clervoy – C’était en Jodel. Un aéro-club avec une piste en herbe près du Prytanée militaire de la Flèche où j’étais en Math Sup. C’est un élève de Math Spé qui avait vu que j’étais un fana d’aviation qui m’a proposé de faire un vol. C’était un tout petit avion biplace qui me donnait l’impression d’être dans une 2CV de l’air.

Quel est pour vous la plus belle machine volante ?
Le Mirage IV, parce que c’est le premier avion auquel je me sois intéressé. Mon père était le commandant de l’escadron de bombardement 1/91 Gascogne sur Mirage IV. Nous habitions alors Mont-de-Marsan et j’avais huit ans. La façon dont il parlait du pilotage et des évolutions véritablement aéronautiques qu’il maitrisait avec cet avion comme les glissades à l’atterrissage, ou les ravitaillements en vol au milieu des aurores polaires au-dessus du Groenland, ainsi que les photos me fascinaient… .

Si vous étiez un aéronef, lequel seriez-vous ?
Spontanément, je répondrais : un goéland ! Le goéland est un oiseau capable de voler très longtemps sans battre des ailes. Je préfèrerais être un oiseau plutôt qu’un aéronef. Mais si j’étais un avion, ce serait celui qui va le plus haut et le plus vite : un SR71.

Quel est votre livre aéronautique de référence ?
J’ai envie de citer « Pilote d’essai » du Colonel Rozanoff, dans la Bibliothèque Verte. Je ne sais pas si c’est un livre de référence, mais c’est celui qui m’a fait entrer, le premier, dans l’esprit du pilote et de l’ingénieur en aéronautique.

Quelle est votre dernière lecture que vous recommanderiez ?
J’ai lu récemment le livre de Gene Cernan, « J’ai été le dernier homme sur la Lune ». Très sympa…

Quel est votre film aéronautique préféré ?
Il y en a trois que je regarde avec plaisir. « 2001, l’odyssée de l’espace » a été longtemps mon film préféré. Il y a aussi « Apollo 13 » qui avait été projeté en avant-première à Houston pour les astronautes. Je reconnaissais les clichés bien réels de notre propre entrainement. J’aime beaucoup aussi « Gravity ». C’est le film que j’ai le plus vu en si peu de temps. Huit fois à ce jour. Depuis sa sortie, je suis souvent invité à des projections dans le cadre de festivals ou de soirées cine-club. Je n’en suis pas encore lassé. « Top Gun » reste en fait mon film préféré en aéronautique… avec « Apollo 13 ».

Quelle chanson ou quelle musique évoque le mieux l’aviation selon vous ?
J’ai écouté longtemps Michel Jonasz et en particulier son album très inspiré de l’espace « Unis vers l’uni », mais ma chanson préférée aujourd’hui est « Over the Rainbow » arrangée par Israel Kamakawiwo’Ole. Son interprétation élève l’esprit. Elle évoque l’aéronautique et a d’ailleurs été choisie pour le film Hubble 3D.

Quels sont pour vous le plus grand aviateur et la plus grande aviatrice ?
Pour moi, c’est probablement mon père, mon premier héros pilote et Eileen Collins. Eileen est la première femme-pilote de navette spatiale. Elle a été la pilote lors de mon deuxième vol spatial. Elle a réussi son entrée dans un monde resté très longtemps macho.

Quel exploit aéronautique auriez-vous aimé réaliser ?
Marcher sur la Lune, ou alors, moins technique mais plus humain, voir le premier lever de Terre au-dessus d’un autre horizon, ce qu’ont fait les astronautes de l’équipage d’Apollo 8.

Ce ne sont plus les aviateurs que les foules accueillent à leur arrivée sur les aéroports, mais les footballeurs. Qu’est ce que cela évoque pour vous ?
Le regard des foules a oublié là où il peut se porter, à l’infini. Les gens oublient de lever les yeux. Ils rêvent de moins en moins les choses folles. On vit de plus en plus au jour le jour.

Qu’auriez-vous conseillé à Icare ?
De réfléchir et faire quelques calculs ! Ce qui a permis à l’homme de réaliser des rêves, est la maîtrise des lois de la nature . Rêver seul ne suffit pas.

Quel est le plus grand événement ou exploit aéronautique de ces dernières années ?
Le vol de 27 heures d’André Borschberg à bord de Solar Impulse. A la fois un exploit humain et technique. Le saut en chute libre de Felix Baumgartner est aussi un grand moment, mais il ne représente pas la même combinaison de rêves et de calculs. 26 ans avant Baumgartner, j’ai failli réaliser le même saut

Vous est-il arrivé de regretter d’avoir pris l’avion ?
Jamais

Qu’évoque pour vous un aéroport ?
C’est une passerelle vers une occasion de voir la terre, les nuages, les océans, la nuit de haut, d’échapper à la gravité qui nous colle à la terre.

Qui ou quoi vous a amené à l’aéronautique ?
C’est le désir spontané, irréfléchi, de toujours voir de plus haut, et plus loin. La sensation de Liberté aussi que procure le fait de s’élever.

De quoi êtes vous le plus fier dans votre carrière ?
D’avoir réparé le télescope Hubble. J’étais alors à la jonction entre un accès à l’univers le plus lointain et l’avion spatial qui était notre lien avec la Terre.

Quelle autre activité auriez-vous pu faire, ou aimé faire ?
Explorateur d’autres milieux hostiles ou extrêmes comme les fonds marins ou les volcans, pour challenger l’être humain dans ses capacités à maitriser les risques. J’aurais bien aimé aussi être architecte pour créer ou médecin pour réparer des gens.