Aerobuzz.fr – Vous souvenez-vous de votre baptême de l’air ?
Jean-Marie Klinka – Je m’en souviens très bien, sauf de l’année, mais je devais avoir 14/15 ans. L’aéro-club des Ailes du Maine organisait un meeting, en campagne, dans un champ de blé fraîchement coupé, à Beaumont sur Dême, dans la Sarthe. Je me souviens de cette interminable montée, pour y aller, avec la bicyclette de mon père, sans dérailleur, le souffle, mes mollets… Avec pas grand-chose d’argent de poche, j’avais pu m’offrir l’entrée au meeting et un baptême en Stampe (ou en Tiger ?). Le pilote, Maurice Gautelier, que je retrouverai plus tard comme pilote remorqueur quand j’irai faire du vol à voile, m’installa à l’avant et me laissa les portes rabattues pour que je puisse voir le paysage. A la mise de gaz, elles se relevèrent violemment, je n’osais pas les rabattre. J’ai donc rien vu, sauf en dernier virage. Mais quel bonheur !
Quelle est pour vous la plus belle machine volante ?
Votre question tombe à pic, je suis entrain de m’organiser un vieux rêve, visiter le Spruce Goose, dans l’Oregon, un A380 en bois ! Sinon, je suis plein d’admiration devant le P38, un avion parfait que je n’aurais pas osé concevoir, la palme revenant finalement au Caudron Simoun, que j’aurais osé concevoir si j’avais pu rencontrer Riffard, un autre rêve.
Si vous étiez un aéronef, lequel seriez-vous ?
Sans hésiter : un Fou de Bassan. J’ai pu les observer sur une île, il y a longtemps. Ce vol m’est resté en mémoire. Mais comment font-ils sans CDVE ?
Quel est votre livre aéronautique de référence ?
Je n’ai jamais été très sensible au Petit Prince, d’une poésie ardue malgré un vocabulaire accessible. Par contre « Pilote de Guerre » a été pour moi une révélation, pour la prise de conscience de ce que pouvait être la guerre, le don de soit. J’avais même lu un bout de Flight to Arras, à la demande de ma prof d’anglais.
Je pense qu’en 2014, tous les hommes politiques, tous bords confondus, devraient s’en inspirer. « Moi Président, j’offrirai Pilote de Guerre à chaque ministre, chaque député, chaque sénateur » (6€ en Folio !), pour entrer en guerre contre la consommation d’énergie, entre autres…
Mes références en matière aéronautique sont plus classiques : j’ai lu et relu « Trait d’union avec le ciel » « Horizons sans fin » « Un pilote quelconque » « Les carnets de René Mouchotte », la liste est longue… Mais j’ai toujours le Vallat dans le coin de mon bureau, une référence incontournable.
Quelle est votre dernière lecture que vous recommanderiez ?
Je regrette de ne pas m’être intéressé à l’Histoire, étant jeune, et je découvre aujourd’hui le talent de nombre de journalistes, d’historiens, de philosophes. Je suis parti à lire un pavé, les mémoires de Max Gallo « l’oubli est la ruse du diable », j’aime beaucoup sa conclusion, c’est ce qui m’a conduit à le choisir, et quelle écriture. Sera pas fini à la fin des vacances ! Juste avant, plus raisonnable, « Continuer l’Histoire » d’Hubert Védrine, je rattrape le temps perdu.
Quel est votre film aéronautique préféré ?
Je vais passer pour un vieux schnock, mais je ne me lasse pas de regarder la vie d’Hélène Boucher. Un camarade, vieux schnock comme moi, m’a passé une copie d’Horizons sans Fin. Bon, c’est sûr, c’est pas du Tom Cruise, mais presque : on y aperçoit furtivement Auguste Mudry dans un rôle de commissaire sportif, « intermittent » bien sûr, quand il était chef-pilote à Moisselles.
Un de mes films préférés, qui n’est pas vraiment aéronautique, reste « Le Patient anglais », même si, après plusieurs visionnages, il n’y a plus le « mystère » du vieux biplan survolant le désert, ça reste un modèle de mise en scène et d’interprétation. A ceux qui aiment ce film, je conseille la visite de l’Abbaye Santa Anna, en Toscane, havre de paix.
Quelle chanson ou quelle musique évoque le mieux l’aviation selon vous ?
Je suis plutôt style « Three Bee »: Brassens-Barbara-Brel. Là vous me posez une colle : à brûle pourpoint, la seule qui me vienne à l’esprit : « Lindberg » de Charlebois, elle est très « cool » et résonne comme un aéroport désert. J’aime bien les aéroports déserts, il n’y a plus de bruits. Je me suis retrouvé un jour, vers minuit, dans l’aéroport de Santa Fé, quasiment seul, c’était assez surréaliste.
Quels sont pour vous le plus grand aviateur et la plus grande aviatrice ?
La liste est incommensurable, c’est quoi un aviateur, une aviatrice ? Comme disait Bruno Guimbal, celui qui dessine un avion, celui qui pilote (et là on peut distinguer le pilote d’essai, le pilote lambda etc …), tous sont des aviateurs et des aviatrices, les petits sont aussi des grands. Je donne ma langue au chat.
A titre perso, il y a tous « mes chers disparus », dont Montaine Mallet et Daniel Héligoin, mes meilleurs amis.
Quel exploit aéronautique auriez-vous aimé réaliser ?
J’avais suivi en direct le premier vol du Concorde, un Dimanche après-midi, sur la télé N/B de ma mère qui ne comprenait pas pourquoi je restais « scotché » devant l’écran. Intense émotion que j’ai retrouvée plus tard à Toulouse lorsque Pierre Baud a décollé l’A320, malgré la panade, quel panache ! Et Louis Peña dans le Cap20L ! Et Claude Lelaie dans son A380 ! Il m’aurait suffi d’être sac de sable.
Ce ne sont plus les aviateurs que les foules accueillent à leur arrivée sur les aéroports, mais les footballeurs. Qu’est ce que cela évoque pour vous ?
On ne peut pas lutter contre l’évolution d’une société, sauf à titre individuel.
Donc « joker », si vous permettez, ça m’évitera de me faire des ennemis !
Qu’auriez-vous conseillé à Icare ?
Je lui aurais bien volontiers dessiné un renfort carbone.
Quel est le plus grand événement ou exploit aéronautique de ces dernières années ?
Il n’a pas encore complètement réussi, mais si le Solar Impulse arrive à faire le tour du monde, ce sera l’Exploit avec un « E », qui vaut bien la traversée de Lindberg, non seulement parce que c’est un exploit technologique, mais l’aventure humaine est là, au sens large. Car la techno ne peut avancer que s’il y a derrière (ou devant) des hommes et des femmes motivés.
Vous est-il arrivé de regretter d’avoir pris l’avion ?
Une seule fois je me suis demandé ce que je faisais dans un avion : assis sur le rebord de la porte du Pil., avec mon parachute et la SOA bien accrochée au plafond. Quand j’ai franchi la porte, mes lunettes (je suis myope) se sont envolées, je n’ai rien vu de la descente et me suis retrouvé quelques secondes plus tard au milieu de la cible, à l’insu de mon plein gré. Chapeau le largueur. J’admire ceux qui sautent si naturellement, comme on fait de la bicyclette.
Qu’évoque pour vous un aéroport ?
J’ai eu la chance, à la DGAC, de visiter « l’arrière boutique » de Roissy (les bagages, la tour, l’embarquement..) Impressionnant ce mélange d’automatismes et de gigantisme qui laisse une certitude : sans l’homme, ça ne marche pas. Quelque part, ça rassure.
Qui ou quoi vous a amené à l’aéronautique ?
Dans mon village solognot (300/400 âmes), où mon père était menuisier, deux proches étaient mécanos nav au CEV de Bretigny et ma sœur me ramenait « Aviation Magazine » de la ville, tous les 15 j (ah ! les dessins de Jean Pérard). Du point de vue statistique, je ne pouvais y échapper !
De quoi êtes-vous le plus fier dans votre carrière ?
Chez Mudry, j’ai eu la chance de rencontrer le savoir faire à l’état pur, d’y faire de multiples rencontres toutes plus enrichissantes les unes que les autres. Chez René Fournier pareil. Ce qui m’a conduit à finir ma carrière de concepteur par le Cap 232 (moitié bois moitié carbone), une bonne dizaine de fois champion du monde de voltige. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas fini.
Mais je n’oublie pas qu’à l’origine, il y eu Claude Piel, Louis De Goncourt, Nénad Hrisafovic, Michel Bardot, Michel Van Essen, Michel Dozières, et beaucoup d’autres, qui ont amené leur pierre à l’édifice. On avait prévu, avec Auguste, de finir en beauté par le Cap 240, tout carbone, 330 ch, train rentrant, mais l’histoire en a voulu autrement.
Il y a eu aussi ma Médaille de l’Aéronautique : j’y tiens beaucoup, attribuée par Patrick Gandil, remise par Jean Salis, en présence d’une centaine de camarades venus des quatre coins de la France. Très émouvant départ en retraite !
Quelle autre activité auriez-vous pu faire, ou aimé faire ?
Je n’imagine pas un seul instant avoir fait un autre métier. Ce choix, je l’ai fait en 1971, à la sortie de l’Ecole. Bon, je vous le raconte, c’est pour le dessert : lors d’un concours de vol à voile, à Romorantin, je me retrouve avec mon camarade Gadzarts Philippe Moniot à refaire le monde de l’aviation légère, jusqu’à une heure très avancée de la nuit, au bord de la piste en herbe. Nous étions 2 fanas pour 2 postes à pourvoir, l’un chez Wassmer, l’autre chez Mudry : on s’est partagé le marché ! Je suis sûr que Philippe n’a aucun regret, moi non plus. Excusez-moi d’être si bavard.
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Je n'ose pas dire adieu mais au revoir Jean Marie, au détour d'un nuage, de préférence un beau cumulus bien joufflu comme tu savais les apprécier en tant que fin vélivole. Tu vas manquer à notre 'petite aviation' comme concepteur de belles machines et de technologies de pointe...
Passe le bonjour de ma part à nos bons camarades de la "French Connection" quand tu les verras....