Un roman atypique : « Constellation » d’Adrien Bosc

Le 27 octobre 1949, le Constellation F-BAZN d’Air France s’écrasait dans les Açores, alors qu’il se préparait à faire une escale technique. Ce drame qui coûta la vie au champion du monde de boxe Marcel Cerdan et à la violoniste Ginette Neveu, est le point départ d’une plongée dans l’immédiat après-guerre, à travers une enquête peu banale, menée par le jeune romancier Adrien Bosc.

Au cœur d’une rentrée littéraire forte de plus de 600 romans, Adrien Bosc fait figure d’ovni. Il vient de débouler sans prévenir dans les librairies de France et de Navarre, du haut de ses 28 ans, à peine sorti de son Avignon natal, sans que l’on sache que penser de son petit roman de 194 pages, tout à fait inclassable, « Constellation ». La couverture noire d’encre fait penser aux profondeurs de l’espace mais, en réalité, il s’agit de la nuit noire dans laquelle a disparu, il y a plus d’un demi-siècle, un quadrimoteur long-courrier de Lockheed, qui eut son heure de gloire à la fin des années quarante. Une belle machine, racée, de près de 49 tonnes qui croisait à 526 km/h.

Air France en avait passé commande très tôt, ce qui aide considérablement la compagnie nationale à reprendre pied sur le réseau international. Le 27 octobre 1949, le F-BAZN s’écrasa dans les Açores, alors qu’il se préparait à faire une escale technique. Cet accident fit grand bruit, en raison de la présence à bord de deux célébrités, Marcel Cerdan et Ginette Neveu. Le premier, champion du monde de boxe des poids moyens, se rendait aux Etats-Unis avec la ferme intention de reprendre son titre, que venait de s’arroger Jake LaMotta. La seconde, violoniste virtuose, allait donner une série de concerts outre-Atlantique. S’ils n’avaient pas embarqué à bord de ce vol Paris-New York, sans doute la disparition du Zoulou Novembre aurait-elle été rapidement oubliée, la sécurité aérienne étant à cette époque à un niveau médiocre par rapport à ce qu’elle devint par la suite.

L’équipage de onze personnes, placé sous la responsabilité d’un commandant de bord très expérimenté, Jean de La Noüe, a péri en même temps que tous les passagers, l’accident étant attribué à une mauvaise approche. Mais, en ces temps-là, les avions de ligne n’étaient pas équipés d’enregistreurs de vol et la commission d’enquête, dans ses conclusions rendues le 26 juillet 1950, se contenta d’attribuer la catastrophe à « une navigation inexacte » liée à une défaillance de l’équipage, à un excès de confiance et une confusion visuelle, dans la nuit noire. Un dossier qui, aujourd’hui, n’a plus qu’une valeur anecdotique.

Adrien Bosc s’en est saisi. D’où un texte de qualité dont il n’est pas certain qu’il mérite d’être qualifié de roman. Le récit est en effet factuel de bout en bout et agrémenté de portraits de la quasi-totalité des passagers. Et pas uniquement de Marcel Cerdan et Ginette Neveu, ce qui vaut au lecteur une plongée dans l’immédiat après-guerre, à travers une enquête peu banale. Elle fait aussi intervenir des informations relativement récentes, à travers les propos de descendants.

Cela valait-il un livre ? Et les critiques littéraires se devaient-ils de s’esbaudir ? A vrai dire, on s’interroge sans oser répondre à cette double question. Le fait est qu’Adrien Bosc, sorti de nulle part, cohabite vaillamment sur les tables de libraires avec les 630 pages bien tassées du « Royaume » d’Emmanuel Carrère, « Le Chardonneret » de Danna Tart et « Le Capital au XXIe siècle » de Thomas Piketty. Et quoi qu’en disent des plumes que l’ont dit autorisées, il n’est pas certain que ce soit un livre d’aviation. C’est tout simplement un bouquin plaisant.

Pierre Sparaco