L’EOS 5D Mk 3 de Xavier Méal capture tous les reflets du soleil naissant sur la peau du vieux bombardier. Contrairement à son habitude, il a opté pour une vitesse d’obturation relativement rapide, le 125ème de seconde, au risque de figer les hélices : « il s’agissait d’assurer le coup parce que je n’avais droit qu’à un essai » explique-t-il. © Xavier Méal
En se mettant en chasse du dernier Privateer PB4Y-2S en état de vol dans le monde, Xavier Méal pense rapporter une belle proie au Fana de l’Aviation. La chasse sera fructueuse et la photo sera au rendez-vous, en double page, comme d’habitude. Mais l’aventure aura un épilogue tragique…
Rassemblement d’Oshkosh, 25 juillet 2015. Le PB4Y Privateer de GossHawk Unlimited est l’un des avions le plus spectaculaire du meeting, à défaut d’être le plus beau. Il doit quitter Oshkosh le lendemain. L’équipage est d’accord pour se laisser intercepter en vol et se faire tirer le portrait. Mais pour cela il faut un avion. Xavier fait chauffer son téléphone. Comme d’habitude, les bons amis et les relations solides sont essentiels dans ce genre de situation…
« Mon vieux pote Olivier Langeard, expatrié aux Etats-Unis pour le compte de Dassault, m’indique que son ami Ira Salingman, un jeune retraité de l’US Navy, est encore là avec son Yak-52 et ne repart que demain matin… Pas une seconde à perdre : un coup de fil plus tard, j’ai l’accord d’Ira pour aller accompagner le Privateer sur un 360°. C’est tout ce que peut m’accorder l’équipage du bombardier, il faudra faire avec… Le lendemain matin aux aurores, briefing rapide devant le Privateer. Je passerai en numéro 2 derrière un autre avion photo dans lequel embarquera mon copain Greg Moreghead. »
« Le briefing est simple : le Privateer décolle et se met en orbite sur le lac Winnebago. Aux avions camera de faire le travail, car le pilote ne sait pas voler en formation. Je discute avec mon pilote de la meilleure tactique à adopter : sur un 360°, il n’y a vraiment que 180 degrés d’exploitables du point de vue lumière, les 180 autres l’avion étant à contre-jour. Sur ces 180 exploitables, seulement 90 offrent une belle lumière…
Tout le monde décolle, et nous trouvons sans peine le Privateer en train d’orbiter. Ira se colle sans coup férir et de façon magistrale dans les 6 heures du T-6 de Greg, en coupant les trajectoires… Nous observons et écoutons la radio. Notre moment approche, Ira se colle encore un peu plus dans la queue du T-6 sans que je lui dise quoi que ce soit. La lumière du matin est magnifique… »
« Le Privateer continue sur sa trajectoire, il entre dans la partie du cercle durant laquelle il est à contre-jour, nous avons quelques secondes pour nous mettre en place. Ira demande tout ce que le Vedeneyev M14P de son Yak-52 peut donner… La marge de manœuvre est faible.
Mais le Yak-52 est sur la bonne trajectoire, et quelques secondes plus tard nous sommes quasiment en place. »
« Clic-clac, c’est dans la boite. Moins de 30 secondes plus tard, nous dégageons et le majestueux Privateer prend le cap vers l’Arizona. J’exulte, Ira aussi ! “Mission accomplished ! » – et avec style s’il vous plait. Juste le temps de compléter les pleins et Ira s’en est retourné chez lui dans la foulée ».
25 juillet 2016, un an jour pour jour après ce vol photo peu commun. Xavier Méal est de nouveau à Oshkosh et avec Olivier Langeard. Ils attendent Ira qui doit arriver de la côte Est aux commandes d’un Yak-11 modifié avec un moteur Pratt & Whitney de 1.350 ch. « Nous nous remémorons la manip’ Privateer de l’été dernier, et nous projetons un diner que j’ai promis pour remercier Ira. Le téléphone d’Olivier sonne, quelques secondes plus tard je le vois blêmir…
En se posant à West Mifflin en Pennsylvanie, pour refaire les pleins, l’avion d’Ira a pris feu au roulage, et s’est embrasé rapidement. Une conduite d’essence qui s’est rompue. Ira a pu sortir de l’avion après l’avoir freiné et « jeté » dans l’herbe. Mais il est très gravement brûlé. Évacué en hélicoptère vers le service des grands brûlés de l’hôpital de Pittsburg, il y décède quelques jours plus tard. »
Frédéric Lert
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Bravo pour LA photo ! Merci de nous faire partager ces beaux moments, pleins de magnifiques émotions..... Mais aussi de tragédies épouvantables ! La passion a un prix, et quand il s'agit de vieux avions, la facture est souvent définitive.... 😭