Boeing doit désormais se tourner vers ses banquiers pour se financer… avec tout ce que cette nouvelle situation peut avoir de conséquences… © Boeing
C’est du jamais vu au moins depuis 10 ans. Alors que Boeing se présentait encore ces derniers mois comme la « star » de la cote New-yorkaise, avec 10,5 milliards de dollars de bénéfices pour 101 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018, l’entreprise affiche pour 2019 une perte historique de 636 millions de dollars, qui ne va pas réconforter les pères de famille, à qui un certain nombre d’analystes financiers recommandaient encore ces jours derniers l’achat de l’action. Plus trivialement...
13 commentaires
Crise du 737 MAX.
La mémoire humaine est fragile… Personne ne se souvient du DC10???
Après 2 Crash en 1974 et 1979 Turkish et American Airline, une interdiction de vol de plusieurs mois, il est re-certifié.
Mais ce concurrent du 747 ne récupèrera jamais son potentiel commercial, les ventes sont anémiques et les prix sur le marché de l’occasion deviennent dérisoires.
L’intérêt est un peu relancé par les commandes de l’USAF pour l’utiliser comme ravitailleur et la transformation des avions inutilisés comme cargos (TNT entre autres), mais la nouvelle catastrophe (United 1989) mets définitivement à mal sa réputation auprès des passagers. Surnommé « Le cercueil volant » par certains journaux, sa réputation est définitivement altérée. A tel point que Mc Donnell décide de le renommer MD 10…
Après une très longue agonie, la société Mc Donnell-Douglas finira rachetés par Boeing pour une bouchée de pain en 1997.
La leçon à tirer de du DC10:
1- Un avion de mauvais réputation ne remonte JAMAIS la pente (Cf DH Comet).
2- Le renomage ne sert à rien, si ce n’est de reconnaitre que la réputation de l’avion est définitivement détruite.
3- L’entêtement à produire un avion à ‘image très négative est suicidaire, Boeing sera racheté dans les 10 ans par un concurrent.
Maintenant que la messe est dite, la seule solution pour Boeing est de gagner du temps en transformant ses commandes en commandes en Embraer 190, pour celles qui peuvent être compatibles , d’étendre en vitesse la gamme Embraer vers le haut, de lancer rapidement l’étude d’un nouvel avion (757??), et de transformer la gamme 737 MAX en cargo.
Le coût total d’une telle politique est faramineux, mais permettra peut-être de sauver l’entreprise, mais certainement pas son indépendance.
Je serais ravi d’avoir des retours sur ma vision des choses.
Vous mentionnez l’approche des élections pour écarter temporairement tout renflouage public, mais une autre raison plus « permanente » ne serait-elle pas la guerre que se livrent les 2 géants au sein de l’OMC avec leurs accusation respectives de subvention abusives ?
Renflouer Boeing avec de l’argent public ne reviendrait-il pas à fournir des preuves à l’adversaire (Airbus), que ce soit avant ou après les élections ?
Bravo pour cette analyse financière qui tient bien la route (je suis DAF et prof de finances)
Une petite rectification:
les actuels actionnaires ne seraient sûrement pas très contents, car ils se retrouveraient « dissous »
Non, ils seront dilués.
En Belgique un escroc avait promis un rendement de 25% à des investisseurs qui lui confieraient leur argent, ceux-ci ont été floués et ont porté plainte . Je trouve très juste la remarque du juge qui a condamné cet homme il lui a déclaré : vous existez et d’autres vie dront après vous car il y aura toujours des personnes tellement avides de gains faciles qu’elles en perdent toute raison et prennent des risques insensés. M Madoff avait lui aussi compris cela depuis fort longtemps.
On pourrait aussi parler de coût humain, M Muilenbourg avait pour mission principale d’enrichir les actionnaires de Boeing, ce qu’il a fait de belle façon. Pour cela il a du céder à des pressions sur les coûts d’études et de production des aéronefs. Il a pris des risques avec la sécurité et avec les autorités de certification provoquant la catastrophe du 737 Max. Il a du démissionner probablement la mort dans l’âme en se disant qu’il n’est pas le seul coupable et que les actionnaires avides ne seront jamais inquiétés même si leur responsabilité morale est évidente. Ceux-ci vont attendre que le temps passe et redonneront le pouvoir à un homme asservi au pouvoir de l’argent pour satisfaire leur cupidité lamentable.
Le principal problème dans l’histoire du cours de l’action, c’est que les dirigeants de l’entreprise eux-mêmes sont les premiers intéressés car il sont bénéficiaires d’importants programme de stocks options et autres bonus indexés sur le cours de l’action. Donc les premiers à s’enrichir dans cette histoire, ce sont les dirigeants de l’entreprise : on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Merci beaucoup pour cet article, il est très interessant d’aborder cette crise de Boeing et du 737 max du point de vue financier et de remonter dans le temps pour en dégager les racines.
Arrêtez moi si je me trompe, mais il me semble que ces logiques de rachat d’action et d’engraissage des actionnaires suivent les différentes politiques de QE mises en place par la Fed depuis 2010, qui ont permis des emprunts important et donc l’explosion des valeurs des actions.
Finalement Boeing a pu profiter de sa solidité financière et de sa crédibilité pour effectuer d’énormes emprunts reversés ensuite aux actionnaires. Avec l’injections de liquidités monumentales par la Fed depuis septembre 2019 sur le marché des repos, cette logique doit être encore accentuée ce qui pourrait expliquer que Boeing ait réussi à emprunter 12 milliards de dollars alors qu’ils en cherchaient seulement 10. Et aussi qu’ils se permettent de reverser 7 milliards de dollars aux actionnaires alors que la situation de l’entreprise ne le justifie pas. Finalement elle est devenu un cadre légal permettant de pomper l’argent sur les marchés pour se le redistribuer entre privilégiés. Avec la situation économique actuelle, n’assiste t on pas à un dernière tonte du mouton avant de l’abattre ?
Il est évident que ces considérations sont loin de toute problématique industrielle…
Tout à fait. Le Quantitative Easing (QE) revient à mettre des disponibilités sur le marché qui peuvent se retrouver dans le circuit concerné, et alimenter des bulles spéculatives. Spéculatif Boeing ? Voici une citation de Paul Krugman, professeur à l’université de Princeton, chroniqueur du New York Times et prix nobel d’économie, tirée de son ouvrage « Lutter contre les zombies – ces idées qui détruisent l’Amérique » Flammarion 2020 p.76 : « Alors en quoi Wall Street et Madoff sont-ils si différents ? …/… Madoff avait conscience d’être un escroc, tandis qu’à Wall Street, on a tendance à se laisser porter par son imagination. Pourtant le résultat a été le même : les gestionnaires de fonds se sont enrichis, quand les investisseurs ont perdu beaucoup d’argent. »
Pour mémoire, Bernard Madoff a été condamné à 150 ans de prison pour avoir escroqué à ses très sélects clients au moins 10 milliard de dollars (Sce Wikipédia)
Oui c est bien vu.
La logique de maintenir le niveau action par rachat puis emprunt est possible parce boeing représentée l image dominante US.
Ils ne peut donc rien leur arriver et attendent une aide fédérale après élections si pb, mais entre-temps les actionnaires auront été servis
Merci, c’est clair et simple à comprendre même pour un « non-financier ».
Cette folie de toujours plus « choyer » les actionnaires au dépend de la pérennité financière de la société elle même est devenu le standard pour les entreprises cotés en bourse et me semble totalement illogique d’un point de vue industriel.
Quand aux rachats d’actions et versements de dividendes hallucinants directement financé par l’emprunt on touche les sommets de l’absurdité de cette logique financière devenue parasitaire pour le système économique réel.
Félicitations également c’est d’une clarté et je pense d’une pertinence brillantes. Merci.
Bravo à Louis Kulicka pour la robustesse et la clarté de son analyse! J’ai enfin compris la politique et vrais problèmes financiers de Boeing dans cette crise où 364 personnes ont perdu la vie. Quant aux ennuis judiciaires ils ne font que commencer.
Concernant la certification des 737 MAX, et en tant qu’expert ferroviaire dans ce type de processus, j’ai été horrifié de voir que c’est pratiquement Boeing qui « validait » ses avions et leurs systèmes sous l’œil bienveillant de la FAA.
Je trouve ça ahurissant et invraisemblable, moi qui côtoie régulièrement les ISA (Independant Safety Assessor) dans ma spécialité et la rigueur que nous mettons tous dans !a mise en œuvre de nos processus de certification pour les locomotives, les trains et systèmes de sécurité référents.
La « méthode » de Boeing et le laisser-faire de la FAA ne pouvait que donner une catastrophe…
Pratiquant aussi les ISA (sauf quelques truants bien connus sur la place), la méthode boeing n’aurait jamais passé, pour peu que le contrat liant l’ISA ne limite pas son périmêtre à sa portion congrue.
Car il faut bien se mettre dans la tête qu’un ISA est une société commerciale qui a besoin d’avoir des clients -et donc ne pas être trop « pénible », tout du moins ne pas être plus exigeante que ce que demande l’état de l’art du marché- et qui ne risque que sa réputation, et éventuellement un procès au pénal ( voir la fin des prothèses PiP ou en final TüV n’a pas été condamné, eu égard au fond de son contrat).
Un ISA ne fait que ce qui est stipulé dans son contrat et ne se substitue pas au constructeur.
C’est le rôle du client, a travers son processus de réception et par une autorité de tutelle par délégation du client, de s’assurer que les règles d’établissement de la conformité ont bien été suivies, que les processus qualités associés sont robustes, et que les différents éléments produits ont étés établis de bonne foi.
Quand le réceptionnaire n’est pas le client, ou payée par le client, la tentative est grandes pour toutes les parties, d’avoir une autorité de tutelle pas pénible, privilégiant la forme au fond : démontrer la conformité coûte cher, aussi bien chez le constructeur, par la mise en place de processus dédiés avec des impacts majeurs sur la conception, la validation et la fabrication du produit (globalement X3 à 5), que chez l’autorité de tutelle, qui doit payer les personnes chargées de poser des bonnes questions au constructeur, pour un risque qui est parfois difficile à évaluer, non pas en conséquences -l’avion s’écrase- mais en probabilité d’occurrence. Et ce risque n’est bien souvent connu -quantifiable- qu’après que l’argent ait été dépensé à faire les analyses nécessaires.
En cas de défaillance, il est facile pour le client et le constructeur de blâmer la tutelle…. et beaucoup de tutelles souffrent -dans ces temps de disettes budgétaires- de ce biais, car la tentation est grande.
Et bien entendus, au fur et à mesure que la tutelle évolue, les ISA s’adaptent pour avoir des clients, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. C’est pour cela qu’un ISA US est adapté à un client US et une tutelle US, mais pas à un client de l’UE et inversement.