« Le pilote n’aime pas les tire-bouchons, c’est bien connu. La trajectoire décrite par celui-ci, l’hélicoïde, lui rappelle deux manœuvres qu’il fuit depuis son plus jeune âge : la vrille et le virage engagé. ». Guillaume François, instructeur avion, apporte ici un éclairage sur des situations singulières dans lesquelles un pilote peut se retrouver à son insu, et il explique la manière de s’en sortir.
Souvent mal connues du pilote, ces sorcelleries du vol que sont la vrille et le virage engagé, pourtant totalement étrangères l’une de l’autre, possèdent deux caractéristiques communes qui expliquent que beaucoup les confondent : d’une part leurs trajectoires et d’autre part leurs manœuvres de sortie qui sont contre-intuitives.
Pédagogiquement, il peut donc être intéressant de les analyser côte à côte afin de bien distinguer ce qui les différencie et d’éviter tout amalgame. Ainsi apprises et mûries, les procédures de sortie pourront être réalisées sans ambiguïté le jour venu. Un petit rafraîchissement de début d’année ne fait jamais de mal…
La vrille, également dénommée autorotation, est la conséquence d’un décrochage dissymétrique. En des termes moins savants, l’avion part en vrille quand une seule des ailes (d’où la dissymétrie) décroche. Le cas le plus courant de départ en vrille involontaire est le dernier virage, lorsque le pilote a tendance à rattraper sa trajectoire basse vitesse au palonnier, engendrant ainsi du dérapage.
Il faut donc cumuler le décrochage et la dissymétrie pour déclencher une vrille. Sans ces deux facteurs, on ne risque pas le départ en vrille. Le corolaire direct est qu’on ne peut rentrer en vrille dès l’instant où notre vol est symétrique, c’est à dire dès l’instant où notre bille (ou fil de laine) est au milieu. Contrairement à l’idée reçue souvent défendue, un décrochage en virage (symétrique !) n’a donc pas plus de chance de finir en vrille qu’un décrochage en palier.
La base de la pédagogie, c’est de montrer pour prouver, la seule parole ne suffisant que peu à convaincre nos cerveaux humains « cortiqués » et curieux. Malheureusement, la vrille fait partie de ces quelques procédures difficilement enseignables dans une formation standard de pilote. Ces situations ne sont souvent qu’évoquées pour nombre d’entre nous et nous avons peu l’occasion de les expérimenter.
Le problème réside dans le fait que les deux actions intuitives pour sortir de vrille sont dangereuses. Et lorsque l’intuition rime avec danger, la théorie ne suffit plus. Il faut alors impérativement passer par l’apprentissage, et donc par l’expérience, pour que, le moment venu, cette intuition ne prenne pas le dessus.
Plus concrètement, lorsque ça tourne et que ça descend, qui plus est de façon rapide pour ces deux mouvements, le réflexe serait de mettre du manche arrière et du manche contraire à la rotation (exemple, dans vrille à gauche : le pilote va mettre du manche à cabrer et à droite). Or, ces actions sont exactement celles nécessaires, non pas pour sortir de vrille, mais pour l’aplatir.
Et, s’il est relativement aisé de sortir d’une vrille, l’opération est toute autre pour sortir d’une vrille à plat. Les actions intuitives sont donc, dans ce cas précis, à proscrire impérativement car totalement inadaptées. C’est bien là, la plus grande difficulté. Nous ne sommes que très peu formés à lutter contre notre intuition, la nature humaine n’aime pas du tout ce concept. Le pilote fait d’ailleurs souvent appel à son intuition dans sa chaîne de décision.
La procédure de sortie de vrille la plus courante (il peut exister des particularités liées à chaque avion, consultez vos manuels de vol) vise donc à garder le manche au neutre (en tangage et en roulis) et à mettre du pied contraire. Logique ! La vrille étant du vol dissymétrique, on remet l’avion en symétrie avec la gouverne de direction ! Une fois la rotation stoppée, on peut mettre du manche à cabrer pour retrouver une assiette confortable via une ressource souple.
Le virage engagé est un virage en descente dont on ne peut sortir par une action à cabrer sur le manche. Ni plus, ni moins. Le virage engagé, à la différence de la vrille, est piloté. L’avion n’est pas décroché et il est en symétrie de vol parfaite. Les cas classiques de mise en virage engagé sont le survol de la maison des copains (le pilote regarde le sol et non son assiette) ou la descente en dessous la couche de nuage à travers un petit trou de ciel clair.
Si on ne raisonne que d’un point de vue cinématique, sur un simulateur basique par exemple, on peut sortir de tout virage en descente par une action à cabrer sur le manche. Mais, raisonner de cette manière, c’est oublier les efforts engendrés par cette manœuvre.
Car ces efforts sont en réalité le nœud du problème dans le virage engagé. La structure de l’avion et la résistance physiologique du pilote sont limitées. Et c’est bien à cause de ces deux limites que le pilote ne pourra sortir du virage engagé par une action à cabrer sur le manche. Si il tire plus sur le manche, soit il perd connaissance, soit l’avion casse ! Cette action à cabrer insuffisante aura alors pour effet d’augmenter les efforts (le facteur de charge) et donc d’aggraver la situation.
Pourtant, comme pour la vrille, cette action néfaste est intuitive. Le pilote mal initié, en virage en descente et sous facteur de charge, risque de « s’accrocher » au manche et d’exercer ainsi une action à cabrer défavorable. La procédure de sortie du virage engagé et donc, dans l’ordre : réduction de puissance et annulation de l’inclinaison, puis manche à cabrer pour retrouver une assiette confortable via une ressource souple.
Il est primordial pour chaque pilote de savoir identifier et sortir de ces deux manœuvres. Pied contraire pour la vrille, réduction de puissance et annulation de l’inclinaison pour le virage engagé. Les procédures de sortie sont simples mais pas innées. Il faut donc absolument les avoir expérimentées en sécurité au préalable car, dans le feu de l’action, il y a fort à parier que vos réflexes intuitifs reviennent au galop, ce qui pourrait se solder par des conséquences dramatiques.
Et si, en ce début d’année, vous alliez faire quelques vols avec un instructeur sur un avion adapté pour expérimenter tout ça ?
Bons vols en tire-bouchon.
Guillaume François
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je pense qu'une heure de CAP 10 avant de présenter un PPLA n'est pas un luxe.
puis 1/2 heure de CAP 10 chaque année pour entretenir les bons réflexes est conseillé.
Midi Pyrénées Voltige organise des cessions dans les clubs de notre région.
éric
Très bonne initiative !
Le CAP-10, ça devrait être obligatoire et même remboursé par la sécu !
Jean-Mi, qui aime bien les vrilles et les déclenchés en CAP-10...
oui, faites des décrochages dynamiques , départ e n vrilles , vrilles , positions inusuelles avec des instructeurs et des avion agréés qui savent expliquer l'aérodynamique et la mécanique du vol de ces manœuvres .
La premiere fois que mon instructeur a mis le Cap 10 en vrille, j'ai voulu lui sauter dans les bras tellement j'ai eu peur :))).
C'est vrai que c'est domage que la plupart des avions soient interdits de vrille, car sans entrainement il est impossible de sortir de la en se fiant a son instinct comme le souligne justement l'article.
Le CAP 10 dans ce domaine vous pardonne "presque" tout, puisque la plupart du temps il suffit de lacher le manche et le palonnier pour retablir la situation, quelle merveilleuse machine ...
Il faut entendre que les avions dans les clubs sont interdits de vrille VOLONTAIRE mais si par malheur on fait une fausse manœuvre qui entraîne un départ en vrille, il n'est pas interdit de savoir quelle est la bonne procédure pour en sortir. J'ai eu un instructeur retraité de l'armée qui m'avait parlé d'un avion militaire avec lequel on devait compter le nombre de tours faits après avoir mis "tout au centre" (palonnier et manche) afin de prendre la décision de sauter en parachute si au dixième tour la vrille ne s'était pas arrêtée.
Burt Rutan (dont il a été question ailleurs sur aerobuzz) durant sa carrière militaire assurait la réception des avions de l'US Air Force, justement au niveau des vrilles. C'est ainsi qu'il eu comme objectif avec le VARIVIGEN et surtout le VARIEZE de concevoir des avions sains au niveau départ en vrille puisqu'il est quasi impossible de mettre le Varieze en vrille bien que finalement des gens aient réussi avec un varieze avant modification - demandée par Rutan - de l'aérodynamisme de l'aile principale, à lui faire faire une "pirouette" pas très sympathique.
Le pilote de planeur, qui passe une bonne partie de son vol à faire des ronds parfois bien serrés pour monter connait bien le virage engagé : Il se sert de la gouverne de direction pour ajuster "son moteur" qu'est la pente de descente, conjuguée avec la profondeur en proportion adéquate bien sûr.
Moralité, le planeur c'est la base !
Toto 45 a tout dit. Rien à ajouter...
L effet Kiss-cool :la Symétrie avec la gouverne de direction puis la rotation stoppée, le retour a une assiette confortable , en somme les fondamentaux .
bonjour d'autres formules existent...pour mémoire la formule d'Henri Mignet d'ailes a fente empêche la vrille.... mais bon "non....les braves gens n'aiment pas que l'ont suive d'autres routes qu'eux" G.Brassens
Oh, que voilà une excellente initiative de rafraîchir la mémoire de TOUS les pilotes. On peut même se demander si certains pilotes ne vont pas découvrir avec cet article une nouveauté pour eux. Pour moi, depuis toujours, j'avais compris que cela représentait le danger mortel numéro 1 car un très ancien livre d'initiation au pilotage que j'ai eu dès le début de mon intérêt pour le pilotage; insistait sur le danger du virage engagé. Il en était question en corollaire de la mise en garde faite à propos de la tentative de retour sur la piste en faisant demi-tour suite à une panne moteur au décollage. Malheureusement la vrille volontaire est interdite avec la plupart des avions d'initiation au pilotage que l'on rencontre dans les clubs.
Un bon p'tit galop d'entraînement, avec un instructeur voltige, en fin de journée, permettra ensuite d'apprécier, une fois l'avion remisé dans le hangar, le tire-bouchon avec les copains!.