En 2021, 4 aéroports et 10 aérodromes d’aviation générale ont rejoint l’association Aéro Biodiversité. Au total, 37 aéroports et aérodromes sont engagés dans la protection et la valorisation de la richesse naturelle que sont les prairies aéroportuaires. Alors que le rapport annuel 2021 d’Aéro Biodiversité vient d’être publié, l’enseignante-chercheuse Agnès Ricroch aborde ici la place que peuvent prendre les aéroports et les aérodromes dans la préservation de la biodiversité.
Quel rôle jouent les plateformes aéroportuaires dans le maintien de la biodiversité ? A cette question scientifique l’association Aéro Biodiversité fondée par Lionel Guérin en 2015 répond en observant la biodiversité tant remarquable qu’ordinaire. La biodiversité est autant celle des habitats que celle des espèces vivantes. Aéro Biodiversité a décerné en 2021 les premiers labels ‘aérobio’ à l’aéroport Paris-Orly, l’aéroport Perpignan Sud de France et l’aéroport Tarbes-Lourdes Pyrénées (voir le site aerobiodiversite.org).
Certains aéroports ou aérodromes sont identifiés comme un élément important dans le fonctionnement des réseaux écologiques. Sur 37 plateformes Aéro Biodiversité a recensé au total 3.000 espèces végétales et animales dont des insectes pollinisateurs, 1.400 espèces de plantes dont 45 espèces d’orchidées (soit 1/3 des espèces en France métropolitaine), 260 espèces d’oiseaux (entre 44 et 95 par aéroport) soit la moitié des oiseaux réguliers en France, une trentaine d’espèces de chiroptères (chauves-souris écoutées par ultrasons entre 30 minutes avant le coucher et 30 min après le lever du soleil), une vingtaine d’espèces de reptiles (lézards et serpents) et une dizaine d’espèces d’amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres et tritons). Les relevé des données sont basés sur des observations visuelles diurnes ou nocturnes (deux tiers des invertébrés comme les insectes sont essentiellement nocturnes) ou sur des indices de présence (déjections, traces, plaques à reptiles), ou encore sur des écoutes nocturnes pour des oiseaux comme les rapaces (Grand-duc d’Europe, Chouette hulotte) ou des amphibiens à proximité des points d’eau (mâles chanteurs).Si à l’échelle de la région, elles ne semblent pas jouer un rôle majeur, en revanche, localement les plateformes aéroportuaires représentent des zones importantes dans les réseaux écologiques, avec une surface continue en espaces verts de grande taille. Par exemple, l’aéroport de Toulouse-Blagnac s’étend sur 495 ha dont 369 ha sont des espaces verts (soit 74%), l’aérodrome de Biscarosse-Parentis sur une zone de 367 ha contient 93% d’espaces verts.
Ce sont des milieux ouverts très diversifiés floristiquement et pouvant accueillir de nombreux arthropodes, petits oiseaux ou autre petite faune qui y trouvent un habitat favorable à leur développement et leur reproduction. Par exemple, l’origan, est une des plantes hôtes d’un papillon menacé, l’Azuré de serpolet. Cette diversité spécifique reflète également une grande diversité des habitats, qui finalement ne se limitent pas qu’aux prairies. Certaines plateformes se caractérisent par des végétations spécifiques à leur territoire : pelouses calcaires (sèches), végétations littorales ou de type méditerranéen (occupées par des buissons et des broussailles), boisement comme dans l’aérodrome de Blois-Le-Breuil ou l’aéroport de Saint-Tropez La Môle. La présence de haies en bordure des plateformes favorise un écosystème riche et diversifié.
Concernant les insectes, les hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis…) et les diptères (mouches, moustiques, syrphes…) sont majoritairement observés suivis par des coléoptères (scarabées, carabes, coccinelles…) et des lépidoptères (papillons).
Concernant les oiseaux, les plus abondants sont ceux qui occupent des habitats et des niches écologiques variées (oiseaux ubiquistes) et ceux des milieux ouverts, suivis de ceux des milieux bâtis (anthropophiles).
Des espèces d’oiseaux menacent la sécurité aérienne mais ne provoquent pas toutes les mêmes dégâts, ni même à la même fréquence. En raison de leur comportement de recherche de nourriture en vol pour les juvéniles, les rapaces étaient impliqués en 2019 dans 32% des collisions et les passereaux (martinets, hirondelles qui ont en plus un comportement de groupe de milliers d’individus de faible masse) dans 31%, suivis par les colombidés (pigeons surtout en Ile de France, tourterelles, 13%) et par les laridés (goélands, mouettes, 12%).
Dans la période avril-novembre le nombre de collisions est plus important qu’en hiver, car les populations d’oiseaux sont plus abondantes en lien avec l’envol des juvéniles et les passages d’oiseaux migrateurs et avec un trafic aérien important.
Une agglomération est un obstacle à une continuité d’importance régionale où la trame verte et bleue (réseau écologique local/régional constitué d’habitats naturels connectés) est fragmentée ou de petite taille. Un aéroport peut se situer en bordure d’une zone naturelle et protégée et vient alors s’y ajouter. A l’échelle régionale, ces plateformes aéroportuaires sont importantes en améliorant la perméabilité d’un corridor. Dans un contexte urbanisé, écologiquement pauvre, la présence d’un aéroport peut rendre une zone favorable aux migrations d’oiseaux. Situé dans une région riche en zones agricoles et de friches, un aéroport peut renforcer des continuités déjà existantes au niveau local.
Dans certains cas, la plateforme se situe à proximité d’une zone de forte valeur écologique notamment une diversité floristique importante. L’aéroport renforce alors cette continuité écologique. Son rôle est d’autant plus important que les espaces verts sur l’aéroport ne sont pas soumis aux pressions que subissent les milieux arides, menacés et peu protégés pour leur valeur écologique.
Les plateformes aéroportuaires peuvent s’intégrer dans la trame verte ou bleue ou servir de réservoir de biodiversité. Leur fonction écologique dans les réseaux écologiques reste encore à affiner, notamment à l’aide de relevés de données régionales permettant de ne pas seulement examiner la biodiversité remarquable, mais la biodiversité tout court.
Agnès Ricroch
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Que les aéroports protègent la biodiversité, très bien, et vous avez raison de communiqué dessus. Attention en revanche a ne pas tomber dans le green washing pour minimiser l'impact des émissions de CO2 des aéroports (indirectement émis par les avions).
Tant que l'utilisation des carburant carbonés n'aura pas été remplacée, les aéroports seront mécaniquement actifs dans l'émission du CO2, qu'il y ait de belles prairies autour ou non ....