Pour Valentin Brossard, co-fondateur et CEO de Hionos, le report de deux ans de l’entrée en vigueur de la réglementation européenne relative au drone, risque d’affaiblir la filière européenne. Pour éviter de se faire distancer par la Chine notamment, il encourage constructeurs et équipementiers qui veulent demeurer compétitifs à adopter dès à présent les standards industriels esquissés par la nouvelle réglementation européenne.
Depuis juillet 2018, la réglementation des drones est passée de la responsabilité des États à celle de l’Union européenne, qui l’assure via l’EASA (European Union Aviation Safety Agency). Ce transfert permettra à terme une harmonisation de la réglementation des drones et de leurs usages au niveau européen. Cette évolution est extrêmement positive pour l’industrie car elle permet de faciliter l’accès au marché européen dans son ensemble, un même drone étant soumis aux mêmes réglementations dans tous les États membres.
L’EASA a depuis publié plusieurs documents établissant les règles à suivre afin d’utiliser un drone (aussi bien professionnel que de loisir). L’aspect majeur de la réglementation repose dans la mise en place de trois catégories correspondant à des niveaux de risques différents et par conséquent demandant des niveaux de sûreté différents :
La catégorie « Open », pour les opérations de loisir et à faible risque;
La catégorie « Specific », pour les opérations commerciales plus risquées, qui nécessite de dérouler une analyse de risque SORA (Specific Operation Risk Analysis) afin d’imposer des contraintes techniques adaptées aux risques associés à l’usage envisagé;
La catégorie « Certified », pour les opérations les plus risquées, qui exige de suivre les mêmes règles que celles de l’aviation civile.
Pour faciliter la mise en place des opérations de la catégorie « Specific », l’EASA propose un certain nombre de scénarios standards (STS) décrivant, pour des opérations précises, les contraintes techniques et opérationnelles pesant sur le drone et son utilisation. Cela permet d’éviter aux constructeurs et aux opérateurs de réaliser eux-mêmes l’analyse SORA complète et d’avoir directement un cahier des charges technique précis et fixe les opérations concernées.
Il était prévu que ces scénarios standards entrent en vigueur à la fin de l’année 2021, avec une période de deux ans permettant encore des opérations dans le cadre des réglementations nationales. Cela laissait un temps de transition pour passer à la réglementation européenne. Malheureusement, en l’absence des standards industriels nécessaires, cette entrée en vigueur a été reportée au 3 décembre 2023, ce qui prolonge l’utilisation des réglementations nationales jusqu’au 2 décembre 2025.
Ce report de 2 ans est un signal négatif pour les constructeurs et leurs partenaires technologiques. Elle repousse l’harmonisation européenne, nécessaire à une consolidation de l’industrie au niveau communautaire. Par la même occasion, cela freine l’émergence de leaders mondiaux en Europe, dans un secteur concurrentiel où chaque mois compte. Cela peut aussi décourager les investisseurs, à la recherche de visibilité et de prédictibilité sur les aspects réglementaires.
Il est toutefois possible pour les constructeurs et équipementiers de faire face au flou sur les standards industriels en prenant dès aujourd’hui le parti de travailler avec des standards qui répondront avec certitude aux exigences de la future réglementation européenne (comme la DO-178C pour les aspects logiciels). Il existe des solutions permettant de réduire de manière significative – jusqu’à 80% dans certains cas – les délais et les coûts de développement de systèmes conformes aux standards, autrefois réputés complexes et coûteux. Cela permet de travailler dès maintenant sans risque de non-conformité future, donnant ainsi l’opportunité aux nouveaux entrants d’accéder plus rapidement au marché, et aux acteurs existants d’aller plus rapidement vers l’export.
Face à la concurrence chinoise, active sur ces problématiques, il est primordial que la France et l’Europe s’engagent rapidement sur le sujet. Cela passe par la décision industrielle d’agir en amont de la réglementation, mais également par le soutien financier des Etats et de l’Union européenne sur des projets d’envergure. C’est une condition sine qua none pour créer des leaders mondiaux en Europe et donc pour garder une souveraineté continentale sur le sujet !
Valentin Brossard
Co-fondateur et CEO de Hionos
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