Fin janvier 2017, les images des ATR d’Air Tahiti, le ventre baignant dans l’eau boueuse, ont impressionné le public et les professionnels du transport aérien, rappelant, au passage, le risque permanent auquel sont confrontés certains aéroports côtiers. Eric Dumas, directeur général d’Aéroport de Tahiti détaille les causes de cet événement et tire les leçons d’un sinistre récurrent.
Avec 130 litres d’eau par mètre carré en 3 heures, 190mm en 6 heures, le taux de retour des pluies du 22 janvier 2017 sur Tahiti a été estimé par Météo-France à plus de 20 ans. Cela explique les dégâts considérables qui ont été recensés sur l’ensemble de l’ile.
Victime de l’urbanisation
L’aéroport de Tahiti-Faa’a souffre d’un positionnement géographique où les mécanismes liés aux phénomènes torrentiels sont amplifiés par plusieurs facteurs, naturels et humains. La piste a été construite au début des années 60 par le remblaiement artificiel d’un platier, haut fond corallien du lagon.
Un bras de mer avait été laissé à l’époque entre la bande de piste et la montagne, suffisamment large pour absorber la descente des eaux du bassin versant. Au fil des années, la pression foncière et l’urbanisation ont peu à peu réduit la largeur de ce bassin naturel jusqu’à le limiter à un étroit canal rectiligne d’une dizaine de mètres de large.
Les terres ainsi gagnées ont été colonisées par la population, jusqu’à atteindre une densité quasi urbaine. La section réduite du canal ne permet plus d’assurer l’évacuation des eaux de ruissèlement vers le lagon et engendre de nombreux débordements lors d’épisode de pluies intenses. Les populations qui se sont installées sur ces points bas en sont les premières sinistrées.
Nécessité d’un curage permanent du canal
Les conséquences pour l’aéroport sont considérables. Des travaux permanents de curage du canal permettent de maintenir à minima sa fonction d’évacuation des eaux du versant. Il en coûte à l’exploitant plus de 100K€ par an. Malgré cela, on a comptabilisé pas moins de 14 jours d’inondations sur les aires de trafic en 2016, heureusement sans impact majeur sur la continuité d’exploitation. Car dans un territoire aussi vaste que l’Europe, composé de 118 iles dont 49 sont équipées d’aérodromes, la continuité d’exploitation de l’aéroport de Tahiti-Faa’a est vitale, en particulier pour permettre le fonctionnement normal des secours médicaux et des recherches en mer.
Les solutions pérennes sont coûteuses et non garanties. La première mesure élémentaire constituerait à créer des bassins d’orage sur les nombreux ruisseaux côtiers qui descendent de la montagne. Le coût serait considérable, difficilement finançable par le territoire et il n’est pas du ressort de l’exploitant d’aéroport d’assumer l’aménagement du réseau hydrographique du bassin versant.
Côté aéroport, une étude menée par EGIS Eau en 2011 préconise de recréer le bras de lagon aujourd’hui disparu en élargissant le canal à quarante mètres sur toute sa longueur. Coût estimé : 17M€ dont la question du financement se posera également. Une telle mesure imposerait en outre l’emploi quasi permanent d’une drague pour maintenir une profondeur suffisante et éviter que le bassin ainsi créé ne soit comblé en quelques années par les alluvions.
En attendant, les équipes d’ADT sont passées maîtres en matière de gestion de ce type de crise par la répétition incessante de ce scénario.Malgré l’ampleur du sinistre de la nuit du 21 au 22 janvier 2017 et grâce à cette organisation bien rodée, la piste, fermée à 5h30 le dimanche, a pu être rendue exploitable pour les vols sanitaires dès 16h le même jour. La réouverture au trafic commercial a toutefois été retardée au lundi matin 8h00 par précaution vis-à-vis des mauvaises prévisions météorologiques et pour ne pas inciter la population à se déplacer sur un réseau routier non sécurisé. 35 vols ont dû être annulés et 1 vol Air France en provenance de CDG a dû se dérouter sur Rarotonga (iles Cook) avant de revenir sur Tahiti le lundi en fin de journée.Un système de mobilisation de volontaires a été mis en œuvre et le parc à matériels a été adapté en conséquence. Une cellule de coordination permet d’affecter les personnels aux différentes missions : gestion des passagers, nettoyage des aires de mouvements et du balisage, interventions auprès des occupants, soutien logistique.
Eric Dumas
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Intéressant... le 2 février la priorité du patron de l’aéroport est d’écrire des articles pour raconter qu'il fait tout bien et que c'est pas sa faute... 2 semaines plus tard, rebelote, l’aéroport est sous l'eau, les vols internationaux dégagent ou ils peuvent, comme d'hab zéro anticipation. On parle pas d'un cyclone ou d'un tsunami hein, juste d'un épisode pluvieux un peu intense en pleine saison des pluies. Ca pour emmerder les usagers, y'a du niveau et des budgets, mais pour gérer les risques existants, y'a plus personne... faut-il en rire ou en pleurer ?