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Défense

Airbus repart à l’assaut du Pentagone avec l’A330MRTT

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Frédéric Lert

Airbus annonce une alliance avec Lockheed Martin pour promouvoir l’A330 MRTT sur le marché américain. C’est la troisième tentative pour tenter de briser le monopole à venir de Boeing sur l’énorme marché des ravitailleurs en vol. Les difficultés du KC-46 et les besoins de l’Air Force ouvrent une fenêtre de tir intéressante…

Le F-16 de Lockheed Martin est en compétition à travers le monde contre l’Eurofighter d’Airbus. Mais il en va des grandes entreprises comme des nations : elles n’ont ni amis ni ennemis, elles n’ont que des intérêts. Et l’intérêt du moment, pour Airbus et Lockheed Martin, est de faire front commun contre Boeing, le géant à combattre. Dans leur communiqué commun, Airbus et Lockheed Martin expliquent vouloir « explorer conjointement les opportunités de répondre au besoin croissant des clients militaires américains en matière de ravitaillement en vol »

Fenêtre de tir

Derrière cette phrase minutieusement calibrée se cache une réalité simple : l’US Air Force (et dans une moindre mesure l’US Navy) dépend totalement des ravitailleurs en vol pour ses opérations. Le KC-46 connaît en outre une gestation difficile, l’Air Force ne cache pas son mécontentement et le futur du ravitaillement en vol américain reste largement à écrire. Autant de raisons pour Airbus de tenter de nouveau une percée outre-Atlantique.

L’alliance avec un industriel local est un passage obligé : les ravitailleurs sont bien plus aujourd’hui que de simples citernes volantes. Leur équipement en système de contre-mesures électroniques, de commandement et de communication fait qu’il serait illusoire pour un industriel européen de vouloir livrer clef en main un appareil à l’US Air Force. Si des Airbus devaient servir sous les couleurs de l’USAF, ils seraient assemblés et équipés des systèmes les plus sensibles par des mains américaines, sur le sol américain.

Les faiblesses du KC-46

L’Airbus A330 MRTT offre des performances, notamment en terme de carburant livrable, qui ont tout pour plaire dans un pays où le big est toujours aussi beautiful. Avec 111 tonnes de carburant emporté dans l’A330, Airbus revendique +25% de carburant livrable par rapport à ses concurrents, sans nommer directement le KC46. A cela s’ajoutent les capacités d’emport de fret et de passagers très supérieures de l’A330.

Avec le KC-46, l’US Air Force se contente de remplacer ses KC-10 et KC-135 les plus anciens, mais elle ne prend pas d’avance sur l’augmentation de ses besoins futurs. Le remplacement des KC-10 par les KC-46 va même faire perdre de la capacité de transport de fret. Le progrès apporté par le KC-46 par rapport au KC-135 n’est pas non plus ébouriffant : moins de 10% de carburant en plus d’une génération à l’autre de tanker.

Il faut dire que les rédacteurs du cahier des charges, nourris aux scénarios hollywoodiens, n’ont rien fait pour alléger et simplifier le KC-46. L’avion sera blindé au niveau du cockpit et des réservoirs et protégé contre les impulsions électromagnétiques. Il pourra donc voler entre deux explosions nucléaires tout en encaissant des tirs de missiles. Tom Cruise et Chuck Norris seront contents.

179 KC-46 Pegasus à livrer

Il y a dix ans, Airbus s’était allié à Northrop Grumman pour répondre à un premier appel d’offre du Pentagone dans le cadre du programme KC-X. A la surprise générale, il l’avait emporté mais une protestation de Boeing avait annulé le contrat et relancé la compétition. Trois ans plus tard, en 2011, Boeing décrochait finalement la timbale avec un contrat pour un premier lot de 179 KC-46 « Pegasus ».

Et depuis sept ans, l’avionneur américain accumule les retards et se bat pour surmonter les difficultés du programme. Les 18 premiers avions opérationnels étaient attendus pour août 2017, ils ne seront pas recettés avant la mi 2019. Principal point dur régulièrement cité, qui empêche leur prise en compte par l’Air Force, les difficultés liées au pilotage à distance de la perche rigide.

Une perche de ravitaillement récalcitrante

Depuis avril dernier, les essais se poursuivent sans relâche pour qualifier les différents appareils de l’Air Force sur le nouveau ravitailleur. Six KC-46 sont utilisés dans ces essais, ils ont accumulé 3.700 heures de vol et transféré plus de 2.000 tonnes de carburant pour in fine qualifier les F-15, A-10, B-52, C-17, F-16, F/A-18 et C-135.

Une nouvelle phase commencera en 2019 avec d’autres appareils. Les difficultés de pilotage de la perche font que les avions receveurs prennent des coups et que leur revêtement souffre. Une situation qui conduit l’Air Force a être prudente avec ses avions les plus coûteux, qui sont aussi ceux ayant aussi besoin d’un fini de surface impeccable pour profiter à fond de leur furtivité : ni le B-2, ni le F-22 ni le F-35 ne peuvent être pour l’instant ravitaillés par le KC-46.

59 KC-10 sont encore en service sous les couleurs de l’USAF, mais l’avion devrait être totalement remplacé par les KC-46 dans les dix ans à venir. © USAF

La solution de la location

Quand il seront en service, les 179 KC-46 commandés feront équipe avec environ 300 KC-135. Et au-delà, l’Air Force songe avec son programme KC-Z à une toute nouvelle génération de ravitailleurs furtifs, capables d’escorter les chasseurs au plus près de la zone des combats.

Mais quand le KC-Z entrera en service, s’il existe un jour, les KC-135 tutoieront les cent ans de service opérationnel. Irréaliste. Il faudra donc sans doute trouver des capacités intérimaires. C’est dans cette brèche que vont tenter de s’infiltrer Airbus et Lockheed Martin qui précisent dans leur communiqué commun que « la coopération des deux entreprises (…) doit permettre d’adresser (sic) un large éventail d’opportunités allant de besoins court terme en matière de ravitaillement en vol par exemple sous forme d’une offre de services payants, à la conceptualisation du ravitailleur du futur ».

En évoquant la possibilité d’un leasing, les deux avionneurs jouent sur une corde sensible. Pour l’Air Force, c’est l’achat d’heures de vol avec l’assurance d’un service rendu sans les inconvénients liés à l’achat d’une nouvelle flotte. A Toulouse, on se souvient sans doute que c’est en louant pendant six mois quatre A300B à Eastern Airlines, pour un dollar symbolique, qu’Airbus avait pris pieds sur le marché américain. C’était en 1977.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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