« Le format de l’aviation de chasse reste taillé au plus juste et l’annonce récente par le Président de la République de la cession en 2025 de plusieurs avions Mirage 2000-5 aux forces armées ukrainiennes ne fera que creuser le déficit capacitaire » explique le rapport de la commission de la défense nationale et des forces armées. Voici pourquoi :
« En 2025, des décisions capacitaires importantes resteront à prendre sur le recomplètement du parc de chasseurs, la feuille de route de l’aviation de transport et le choix du successeur de l’E-3F Awacs » a expliqué le général Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) devant les députés. « Au sein du projet de loi de finances pour 2025, l’AAE a identifié trois enjeux capacitaires principaux. Le premier est la poursuite du passage progressif au tout Rafale, qui se concrétisera par la livraison de quatorze Rafale en 2025 et par la montée en puissance de l’escadron Rafale sur la base aérienne 115 d’Orange-Caritat ».
Le rapporteur Frank Giletti souligne toutefois « les risques induits par le format actuel de la flotte d’aviation de chasse sur la posture permanente de dissuasion. Ce format ne permet pas de sanctuariser les aéronefs des FAS, qui rassemblent environ 50 % des équipages de Rafale, pour les seules missions de dissuasion ». Il ajoute ensuite que « l’empilement des différents contrats opérationnels se traduit par un engagement des Rafale et ravitailleurs des FAS dans l’ensemble des missions conventionnelles de l’AAE ». Conclusion, le format limité des flottes conventionnelles et stratégiques implique un nécessaire arbitrage des priorités en cas d’alerte entre un raid conventionnel ou un raid stratégique, au risque de négliger les missions conventionnelles de l’AAE.
Cet état de fait n’est pas nouveau, mais il prend une acuité particulière avec l’étalement des commandes de Rafale que détaille le rapport :
« Les livraisons de la quatrième tranche de production Rafale (4T) initiées en 2022 s’étaleront jusqu’en 2026. Une première tranche dite « 4T2 » est composée de vingt-huit aéronefs. Une seconde dite « 4T+ » correspond au recomplètement des douze aéronefs cédés dans le cadre de l’export grec. La commande de la cinquième tranche de production Rafale (5T) a été passée en décembre 2023. Elle correspondra à une commande de trente aéronefs, augmentée de douze supplémentaires pour recompléter les parcs avions cédés dans le cadre de l’export à la Croatie. Cette livraison s’achèvera en 2032 soit plus de 10 ans après le prélèvement initial au sein de l’AAE. La sixième tranche de production Rafale (6T), composée d’avions au standard F5, devrait être commandée en 2029. Parmi les 45 aéronefs commandés, trente-trois devraient être destinés à l’armée de l’Air et de l’Espace et les douze autres au profit de la Marine nationale ».
Frank Giletti souligne ensuite qu’il était prévu que l’AAE réceptionne treize Rafale en 2024, dans le cadre de la fin des livraisons de la tranche dite « 4T2 ». Or seul neuf avions auraient été livrés début novembre. « En raison de difficultés industrielles, onze Rafale avaient été livrés en 2023, sur les 13 prévus. Il existe donc un risque que la cible Rafale pour 2024 (13 plus les 2 avions qui auraient dû être livrés en 2023) ne soit pas tenue ». Quatorze avions au standard F4, qui permettront de former le sixième escadron Rafale (sur la base d’Orange) doivent ensuite être livrés en 2025 à l’AAE, ainsi que deux simulateurs Rafale.
Le rapporteur s’intéresse ensuite au Mirage 2000D rénové dont treize devraient être livrés en 2024, pour finalement atteindre la cible de 48 avions l’année suivante. «Votre rapporteur appelle de ses voeux le rehaussement de la cible de rénovation de Mirage2000D a minima à 50 appareils, notamment dans le contexte de la cession prochaine aux forces armées ukrainiennes de plusieurs avions Mirage2000-5 » peut-on lire. « Votre rapporteur rappelle que la précédente LPM prévoyait une cible de de 55 Mirage 2000D rénovés d’ici à 2025, soit sept de plus que la LPM en cours ».
L’AAE cherche à maintenir un format à 185 avions de chasse afin de respecter ses contrats opérationnels. Mais cet objectif sera compliqué à atteindre et Frank Giletti a fait ses comptes : « Les livraisons des Rafale doivent être programmées dans cette optique en vue de remplacer les flottes Mirage 2000-5 (retrait initialement prévu en 2029) et Mirage 2000D Rénové (retrait en 2035). Or, la LPM 2024-2030 fixe à 137 le nombre de Rafale dont disposera l’armée de l’air et de l’espace à l’horizon 2030, soit 48 avions de moins que la cible de 185 Rafale fixée par la LPM 2019-2025. La perte récente de 2 Rafale B et les hypothèses de cessions de Mirage2000-5 aux FAU laissent présager à ce stade de la programmation un passage sous les 185 avions de chasse pendant 10 ans (2026-2036). Le « Tout Rafale » ne pourra intervenir dans ces conditions qu’à compter de 2035 ».
D’ici là, la réduction de la flotte aura également des conséquences sur les indicateurs d’activité opérationnelle des pilotes de chasse qui sont légèrement inférieurs aux cibles, mais surtout sur la disponibilité de matériels sur-sollicités : « Les cessions de Mirage 2000-5 occasionneront par ailleurs un report d’activité sur la flotte de Rafale et de Mirage 2000D rénovés au risque d’un accroissement inévitable des coûts de MCO et d’une dégradation de leur disponibilité. Elles accéléreront également sous toutes réserves le retrait du service opérationnel du Mirage 2000-5 » résume Franck Giletti.
Répondant à cette préoccupation, le général Bellanger, chef d’état major de l’AAE a expliqué aux députés que « pour compenser l’attrition des matériels et les cessions sans renoncer à la cible de 185 avions de chasse, nous augmenterons notre activité en adaptant le MCO, en lien avec la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) ce qui nécessitera la commande de pièces supplémentaires, et nous chercherons à accélérer les livraisons de Rafale de la cinquième tranche ».
Un dernier mot sur la question difficile des pods de désignation laser (PDL) et des munitions, toujours disponibles en nombre insuffisant : « Seul sept nouvelles livraisons de PDL de nouvelle génération (NDA : nacelles Talios de Thales) seront effectuées en 2025 » rappelle Frank Giletti. « Concernant l’effort réel consenti sur le rehaussement du stock des munitions, le niveau de ce dernier semble encore trop faible au regard de la consommation de munitions constatée lors des exercices de haute intensité de type Volfa ». Le rapport fait enfin état de la commande en 2024 d’un lot supplémentaire de missiles air-air longue portée METEOR ainsi qu’un lot supplémentaire de missiles air-air MICA NG. Un lot de missile d’interception air-air MICA remotorisés a par ailleurs été livré en 2024.
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Merci pour ce texte au sujet d'un intéressant travail parlementaire et ses constats évidemment inquiétants. La livraison de Mirage 2000-5 à la pauvre Ukraine n'est d'ailleurs pas un facteur déterminant de notre manque de moyens militaires, mais peut-être l'appartenance du rapporteur au RN explique-t-elle cette mention de l'Ukraine. Au-delà de ce "détail", comment faire plus, dans une France où personne ou presque ne consent à effectuer le moindre effort financier, les pénibles débats politiques actuels démontrant tragiquement ce renoncement quasi général?
Bonsoir François, l'Ukraine est mentionnée à plusieurs reprises dans ce rapport produit par la commission de la défense, dont M. Giletti est le rapporteur, et dans des termes assez unanimes il me semble. Je vous invite à lire ou relire mon premier article sur ce thème publié le 27 novembre dernier ainsi que le rapport lui-même. 148 pages passionnantes ! Cordialement
Cela rappelle exactement la situation entre 1936 et la débacle de 1940 , Les politiques n'ont donc rien compris ? je leur invite à lire le numero special du FANA de l'aviation sur les morane 406, Un excellent résumé de ce qui peut nous arriver.
Très bon hors-série du Fana en effet, merci de le citer !
Votre question vient logiquement à l'esprit. Certains politiques sont conscients de la situation. Hélas, comment développer une action politique en étant assailli de protestations venant de syndicats divers, organisations de tous secteurs et lobbies multiples? Personne ne veut payer... Les trois derniers mois ont largement illustré cette situation désolante.
Les politiques ne comprennent que leur réélection et ce qui peut la favoriser.