Un tour d’horizon des compétitions européennes en cours portant sur les avions de combat, avec des enjeux géostratégiques qui dépassent largement la seule vente de quelques dizaines d’appareils…
En 1975, le salon du Bourget vibrait au son de ce que l’on appelait « le marché du siècle » et qui avait vu la consécration du F-16. Un demi siècle plus tard, il est finalement étrange de constater que le F-16 est toujours là pour croiser le fer contre les productions européennes, Rafale, Gripen et autres Typhoon. Au-delà du seul F-16, ce sont d’ailleurs tous les avionneurs américains qui poussent fort pour renforcer leur hégémonie sur le vieux continent, particulièrement auprès des pays d’Europe Centrale ayant rejoint, quelle heureuse coïncidence, l’OTAN.
On arrive en 2019 à la fin d’un cycle avec le remplacement des premières générations de F-16 et de F/A-18 et des derniers appareils hérités de l’ancienne Union Soviétique. Aux côtés des F-16 block 70/72 (alias F-16V) et des F/A-18 E/F Super Hornet, les Etats-Unis proposent également le F-35 à leurs meilleurs amis.
En octobre 2018, la Belgique s’est prononcée en faveur du F-35 pour remplacer ses F-16A. Le choix était somme toute logique, avec la volonté affichée de rejoindre la Hollande pour la mise en œuvre d’un même appareil. La Belgique a donc été le sixième pays européen à choisir le chasseur bombardier furtif et la Pologne sera le septième, avec l’expression d’un besoin pour une trentaine d’appareil.
Avec ce choix rendu public le mois dernier, le F-35 passe la barre symbolique des 500 avions placés en Europe. Et le tableau de chasse pourrait bien s’allonger avec différentes compétitions à venir, à commencer par la Suisse.
La confédération souhaite remplacer ses derniers F-5 et F/A-18 vieillissants, une trentaine d’avions de chaque type. En 2014, le Saab Gripen était sorti vainqueur d’une première compétition par la suite annulée à l’issue d’un référendum d’initiative populaire. La nouvelle compétition qui va se terminer courant juillet met aux prises le Typhoon, le F-35 le Super Hornet et le Rafale. La mise en service de l’avion est attendue pour 2030.
Le Rafale, qui vise toujours sa première vente sur le continent européen, est attendu au tournant. On n’est jamais prophète en son pays mais tout de même : France mise à part, le Mirage III et le Mirage F1 avaient chacun été vendus à deux pays européens (respectivement Suisse et Espagne puis Grèce et Espagne) et le Mirage 2000 à un seul, la Grèce. Prolonger la maigre courbe revient à espérer que le Rafale soit vendu à un seul pays.
La Suisse peut-être, à moins qu’il s’agisse de la Finlande ? Helsinki cherche en effet à remplacer ses F/A-18 Hornet de première génération. Une décision est attendue dans un ou deux ans, avec à la clef un besoin pour une soixantaine d’avions. Le Rafale y sera en compétition avec le Super Hornet et le Gripen E, le suédois Saab cherchant de toute évidence à créer une certaine complicité avec son voisin nordique.
Saab joue gros dans les compétitions européennes à venir. Le Gripen E de nouvelle génération a été commandé à soixante exemplaires par la Suède et les premiers exemplaires seront livrés cette année. A cette commande s’ajoutent les 36 appareils achetés par le Brésil, le tout nourrissant un plan de fabrication qui ne porte pas au-delà 2026. Saab doit donc trouver rapidement d’autres pays clients.
La première version du Gripen avait percé en Hongrie et en république tchèque au début des années 2000, mais depuis c’est le calme plat sur le front commercial. Avec son monoréacteur pour lequel il revendique les coûts d’opération les plus bas du marché, l’avionneur suédois vise les petits pays européens, comme par exemple l’Autriche.
Cette dernière affiche un besoin pour 18 avions en remplacement de ses Typhoon « tranche 1 » et ses Saab 105. Le besoin porte sur un appareil de défense aérienne et de police du ciel. Le Gripen cadre bien avec cet emploi, mais il va se heurter au F-16 d’occasion. Un avion disponible en grand nombre, relativement bon marché, qui a la possibilité d’assécher le marché à moindre coût en préparant le terrain pour la vente d’appareils neufs quelques années plus tard…
Saab pensait avoir gagné en Slovaquie mais c’est finalement le choix en faveur du F-16 block 70 qui a été annoncé en décembre dernier. Même scénario en Bulgarie, qui affichait un besoin pour 16 appareils pour remplacer ses derniers MiG 29. Sofia est à présent entré en discussion exclusive avec les Etats-Unis pour l’achat d’un premier lot de 8 F-16.
Comme avec chaque vente de F-16, c’est un écosystème américain qui se met en place dans le pays acheteur avec la formation des pilotes et des mécaniciens, la mise en place d’une chaine logistique et une sujétion sur le long terme à l’industrie d’Outre Atlantique.
A l’instar de l’Autriche, d’autres pays pourraient se contenter de F-16 d’occasion. La Roumanie a déjà acheté 12 appareils auprès du Portugal. Elle pourrait compléter son parc de la même manière. La Croatie pensait également pouvoir remplacer ses derniers MiG21 avec douze F-16 block 30 d’occasion achetés en Israel. Faute d’obtenir du gouvernement américain l’autorisation de réexportation, l’état hébreu n’a pas pu aller au terme de l’opération.
La compétition est donc relancée, avec une forte probabilité pour que les Croates maintiennent leur choix en faveur du F-16, mais en provenance cette fois des Etats-Unis.
L’addition des dizaines et des vingtaines confirme le proverbe selon lequel les petits ruisseaux font les grands fleuves. De l’Autriche à la Slovaquie, ce ne sont pas moins d’une centaine de F-16 de différentes versions qui pourraient prendre pied en Europe, ajoutant au passage quelques nouveaux noms à la liste déjà très longue des pays utilisateurs. Le tout sans faire d’ombre au F-35, qui continue sa chevauchée commerciale dans le haut du panier. Un scénario idéal pour Lockheed Martin.
Frédéric Lert
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Décidément, après les discutables accords commerciaux, la veille Europe est totalement inféodée à l'impérialisme américain.