A l’occasion de l’exercice Serpentex qui se déroule actuellement à Solenzara, chaque jour ou presque un drone MQ-9 Reaper de l’Armée de l’air décolle de Cognac à destination de la Corse. L’emploi du drone MALE de General Atomics est toutefois contraint par l’obligation de circuler dans des couloirs aériens prédéterminés et par sa vulnérabilité face à la météo. Des problèmes opérationnels auxquels l’Armée de l’air s’emploie à trouver des solutions.
La France dispose aujourd’hui de six MQ-9 Reaper. Cinq sont engagés en opération depuis Niamey (Niger) et le sixième est basé à Cognac, port d’attache de l’escadron de drones 1/33 Belfort. Ce sixième appareil a réalisé son premier vol dans l’espace aérien français le 6 juillet 2017 avec aux commandes un équipage (pilote à distance, opérateur capteurs, coordinateur tactique et opérateur image) français.
Il a ensuite participé à la surveillance du défilé du 14 juillet et réalisé de nombreux vols d’entrainement au profit des équipages du Belfort. L’exercice Serpentex, qui se déroule à Solenzara (Corse), est sa première sortie dans le cadre d’un exercice international.
Serpentex est né en 2008, à l’époque de l’engagement français en Afghanistan. Il s’agit alors d’entraîner les équipages et les JTAC (contrôleurs aériens avancés) à l’appui aérien avant leur départ en opération. L’exercice est aussi l’occasion de tester matériels et procédures nouvelles. Dix ans plus tard, la guerre s’est déplacée vers des zones un peu plus plates et sablonneuses mais l’exercice a gardé toute son actualité. Une dizaine de nations étrangères, principalement de l’Otan, y participent cette année.
Chaque jour ou presque, le Reaper de Cognac décolle et prend la direction de la Corse pour y jouer sa partition : mission de surveillance, de renseignement et « buddy lasing » au profit des chasseurs. C’est ce que font également les appareils dans le Sahel : les missions de surveillance peuvent d’ailleurs y durer plusieurs jours d’affilée avec deux ou trois drones se relayant dans le ciel.
La monotonie de la surveillance est interrompue de temps à autre par l’intervention d’un chasseur venant larguer une bombe. Les Reaper de l’armée de l’Air ont ainsi guidé des bombes de 250 kg GBU-12 et -49 ainsi que des missiles Hellfire tirés par des Tigre HAD de l’Alat.
Pendant Serpentex, l’illumination n’a été faite sur le champ de tir de Diane qu’au profit de LGTR, des munitions d’exercice simplement dotées d’un kit de guidage et de gouvernes, mais sans corps de bombe ni explosif. Toutes les missions ont été conduites depuis Cognac où sont installés deux types de cockpits : le premier accueille l’équipe de pilotage, pilote à distance et opérateur capteur. Le second, consacré à l’exploitation du renseignement, abrite un coordinateur tactique et un opérateur image, ce dernier pouvant livrer un premier niveau d’exploitation des images recueillies.
La transmission des ordres de pilotage et des informations se fait via une antenne massive visant un satellite commercial géostationnaire, placé quelque part au-dessus de l’Océan Atlantique.
Le drone est assurément un bel outil qui allie endurance, discrétion et solide capacité de surveillance grâce à une optique puissante et un radar doté de modes air-sol évolués. Sa persistance et son équipement en font également un relai radio ponctuel bon marché. En 2019, les appareils qui arriveront en France pourront être armés et la boucle sera bouclée, depuis la découverte d’un objectif, jusqu’à son identification et sa destruction.
L’outil est séduisant mais il est également porteur de limitations que l’on a tendance à oublier un peu vite. Il est en particulier dépourvu de dégivrage ou d’anti givrage et il reste mal à l’aise face aux phénomènes météo les plus violents… C’est gênant même à Niamey, puisque les brusques tempêtes de sable obligent parfois à de longs hippodromes d’attente bien à l’écart.
Cette vulnérabilité face à la météo se vérifie pendant Serpentex, particulièrement pendant les transits entre Cognac et la Corse qui se font en empruntant des couloirs de circulation aérienne militaire ségrégués et activés lors du passage de l’appareil.
Bien tranquille dans son couloir, le drone est sur son rail à 200 kt environ, entre les niveaux de vol 180 et 250. Il peut parfois changer de niveau pour éviter un cunimbe, mais pas toujours. Toutes les cinq à dix minutes, l’équipage programme une route de secours qui éviterait à l’appareil de se faire piéger par la météo.
Mais ce n’est pas toujours suffisant et en cas d’horizon totalement bouché, ce qui arrive parfois au niveau du Massif Central, la seule solution reste le demi-tour. Cognac est à ce jour le seul terrain en France équipé pour recevoir l’appareil, c’est à dire doté de l’antenne LOS (line of sight) permettant de reprendre le contrôle de l’appareil à quelques nautiques du terrain.
Si pour une raison ou une autre l’appareil ne peut revenir se poser, c’est cap à l’ouest, direction l’océan…
Cette incertitude dans les transits pourrait être facilement contournée en utilisant une version allégée du cockpit de pilotage, dotée d’une antenne LOS réduite. Facilement aérotransportable, cet équipement pourrait être positionné sur n’importe quel terrain pour y baser le drone le temps d’un exercice.
Peut-être verra-t-on donc le Reaper basé à Solenzara pour Serpentex 2018… On indique au « Belfort » travailler à l’expression du besoin. C’est un projet parmi d’autres poussé par l’escadron qui est en pleine phase de montée en puissance. Livraison des futurs systèmes, formation des équipages et aussi bientôt des mécaniciens aux Etats-Unis, entretien des qualifications, développement de la structure drone en France… l’actualité est riche et Aerobuzz reviendra dessus très vite !
Frédéric Lert
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