Avec Air Force One, le nouveau président américain s’est fait les dents sur un petit programme à 4 milliards de dollars. Avec le F-35, il s’attaque maintenant à une cible encore plus juteuse, tout en annonçant sa volonté de remettre en cause certaines pratiques fâcheuses du Pentagone. Décoiffant…
Donald Trump, c’est un tweet par jour pour secouer le cocotier. Le rythme est soutenu mais les noix de coco sont suffisamment nombreuses pour donner du travail au futur président sur toute la durée de son mandat. En octobre dernier, il n’était alors qu’un candidat tourné en dérision, il avait déjà tiré un coup de semonce envers le programme F-35 au cours d’une interview. Avertissement sans frais pour Lockheed Martin. Maintenant qu’il est président, les messages de moins de 140 caractères ont une toute autre portée…
Lockheed Martin dans la ligne de mire de Trump
Coûts astronomiques, performances sujettes à caution, ce ne sont pas les angles d’attaque qui manquent contre le chasseur-bombardier de Lockheed Martin. Une certitude toutefois : le programme F-35 continuera quoi qu’il arrive. Les enjeux économiques, industriels et politiques sont trop importants pour que quiconque puisse aujourd’hui ordonner un arrêt d’urgence du train qui est lancé à pleine vitesse.
La quasi-totalité des états américains sont aujourd’hui impliqués dans le programme, cela s’appelle en bon anglais du « political engineering » : l’art d’organiser un programme industriel de manière à s’assurer un soutien politique. Au bout du compte, tout le monde trouve que l’avion est cher mais personne ne veut lâcher sa petite part du gâteau. Et donc rien ne bouge.
Face au coup de gueule de Donald Trump, Lockheed Martin fera comme Boeing avec Air Force One : elle évitera la confrontation directe, restera courtoise et fera le gros dos en attendant des jours meilleurs, quitte à lâcher ici ou là quelques centaines de millions de dollars comme un aéronaute lâcherait du lest. Aux Etats-Unis, un président est élu pour quatre ans, huit tout au plus, puis il disparaît de la circulation. Les géants industriels américains sont quant à eux immortels (ou presque) et souvent en position de monopole ou de duopole. Sur le long terme, ils jouent sur du velours.
L’homme du Président
Donald Trump dispose toutefois de quelques leviers d’actions qui lui permettraient de rééquilibrer les rapports de force. Le premier est la nomination d’un directeur du bureau Operational Test & Evaluation (DOT&E) inflexible et incorruptible, à l’image de l’actuel DOT&E, Michael Gilmore. L’homme, qui n’a jamais cessé de croiser le fer avec Lockheed Martin à propos du F-35 devra quitter son poste avec le changement d’administration. Du choix de son successeur dépendra l’existence ou non d’un suivi indépendant du programme F-35 à la complexité redoutable.
S’y retrouver dans le labyrinthe entourant cet avion, dénouer les fils des myriades de contrats, des lignes budgétaires et autres standards et sous standards est l’œuvre d’une vie, ou tout au moins un travail à temps plein. Gilmore et son équipe maîtrisaient le sujet. Bill Sweetman, grand nom du journalisme américain, était aussi l’un des rares à ne pas se faire avoir dans ce jeu de bonneteau géant.
Gilmore va donc quitter son poste l’an prochain et Bill Sweetman, après 42 ans de journalisme, a quitté l’hebdomadaire américain Aviation Week pour rejoindre… Northrop Grumman ! Nul doute que ses analyses sur le futur B-21 n’auront pas la même saveur…
Mettre fin au pantouflage
Evoqué à la volée dans différentes interviews, l’autre levier d’action à la disposition de Donald Trump est une véritable bombe atomique : il s’agirait tout simplement d’interdire aux officiers généraux et autres hauts fonctionnaires civils quittant le Pentagone de se recaser chez les industriels de la défense. « Les types qui donnent ces énormes contrats militaires à l’industrie ne devraient jamais, je ne dis pas pendant un délai de cinq ou dix ans, je dis jamais, être autorisés à travailler pour les sociétés auxquelles ils ont donné ces contrats » explique en substance Donald Trump.
Cette déclaration vient quelques jours à peine après que Northrop Grumman eut annoncé avoir nommé à son conseil d’administration le général Mark Welsh, qui était chef d’état-major de l’US Air Force jusqu’en juin 2016. L’année même où Northrop Grumman avait été sélectionné pour la fourniture du futur bombardier furtif B-21. L’interdiction évoquée par Donald Trump serait un première étape essentielle dans la réforme annoncée du processus d’acquisition du Pentagone qui reste, selon le nouveau président, « totalement hors de contrôle ».
On ne pourra pas dire que le docteur Trump n’a pas le bon diagnostic. Reste maintenant à connaitre la taille du suppositoire qu’il compte prescrire à l’establishment militaro-industriel…
Frédéric Lert
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Ben voui, tout a une fin.. La poule aux oeufs d or yankee aurait elle mal aux fesses?
Apparemment la bas meme les hauts/bas fonctionnaires sont de plus en plus gourmands..
Un peu comme partout quoi.
eh eh
Quelle conclusion ! ;-)
En tant que contribuable, je salue les mesures d'economies a venir mais avec Lockheed Martin ce ne sera pas aussi facile que cela peut paraitre.
L'article fustige le programme F35, mais en realite c'est le mode de fonctionnement de Loockheed Martin qui est a revoir.
Personnel plethorique, syndicats omnipresents meme pour des validations techniques !
Je frequente les chaines d'assemblage Lockheed de Dallas Fort Worth et celle d'Airbus a Saint Nazaire, la difference est ahurissante (je mets de cote la taille).
Onpeut comparer Saint Nazaire a une ruche avec des employes qui manifestement travaillent et Dallas a une cathedrale silencieuse ou les gens semblent etre en "slow motion".
Pas etonnant que le programme soit un gouffre financier ...
Beaucoup d'employés de Lockheed Martin seront remerciés dès la fin du programme F-35, ils ont tout intérêt à lambiner pour conserver leur emploi le plus longtemps possible .
Par contre les employés en CDI à Saint Nazaire ont plus intérêt à ce que leur entreprise soit pérenne pour éviter le licenciement.
C'est la loyauté de l'entreprise en échange de la motivation des salariés.