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Défense

Dans les coulisses du premier Airbus MRTT « Phénix » de l’armée de l’Air

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Frédéric Lert

 

Sur son site de Getafe (Espagne), Airbus modifie ses A330-200 en avions ravitailleurs polyvalents. Le niveau de performances offert par le bimoteur va enfin permettre à l’armée de l’Air française de changer d’ère en matière de ravitaillement en vol… Reportage là où les A330 neufs en provenance de Toulouse sont démontés et réaménagés.

Au sud de Madrid, la vaste usine Airbus de Getafe abrite le centre de conversion des A330 MRTT de ravitaillement en vol. Les appareils fabriqués à Toulouse arrivent sur place en vol pour y subir un chantier de transformation de plusieurs mois. Lors de la visite d’Aerobuzz, une dizaine d’avions étaient présents sur le site à différents stades de finition.

Le ravitailleur extrapolé de l’A330-200 a bien failli rapporter à Airbus le contrat du siècle avec l’US Air Force. L’avion avait remporté la compétition du programme KC-X, avant que le Pentagone fasse volte-face et attribue finalement le pactole à Boeing.

Pour le reste du monde, Airbus revendique toutefois 97% de part de marché avec la vente de 57 avions dans douze pays. On est encore loin des centaines d’appareils du seul marché américain, mais le chiffre n’est pas non plus négligeable. Seul échec au cours des dix dernières années, et qui empêche l’avionneur européen de revendiquer 100% de réussite, le choix du Japon en faveur du KC-46. A ce jour 30 MRTT ont été livrés et ils ont accumulé plus de 165.000 heures de vol.

Une chaîne en quatre stations

La capacité du centre de conversion de Getafe est d’un peu plus de cinq avions par an, la chaine avançante des MRTT étant organisé autour de quatre stations. Le cycle moyen de chaque station, le « takt time », est aujourd’hui d’une quarantaine de jours. Il était encore de 60 jours fin 2017, avant qu’une série de plans d’amélioration et la réorganisation de certaines tâches industrielle permette cette réduction spectaculaire.

Les MRTT livrés en 2018 sont tous du modèle « enhanced » qui intègrent les évolutions de l’A330 civil. Les avions français seront équipés dès leur mise en service de la liaison de données L16 et d’une radio satellite. © Airbus Defence & Space

La première étape consiste à mettre à nu l’avion et à démonter les équipements inutiles ou devant être modifiés pour la version militaire. Airbus a fait le choix de perturber le moins possible la fabrication à Toulouse en livrant des appareils hautement standardisés, quitte à devoir démonter en Espagne ce qui a été monté quelques jours auparavant en France.

Les appareils subissent ensuite les modifications de structure nécessaires à l’installation de la perche, des nacelles de ravitaillement, des équipements d’auto-protection et de communication. Vient ensuite l’installation des systèmes propres à la version MRTT et en dernier lieu le remontage de la cabine et la fin des tests qui se sont succédés tout au long du parcours industriel.

Livraisons urgentes pour la France

Sur le parking de Getafe, sous la bonne garde de vigiles armés de revolvers 6 coups tout droit sortis des films de Sergio Leone (l’Andalousie, où ont été tournés quantité de western spaghettis, n’est pas si loin…), les avions destinés à Singapour et à la Corée du Sud côtoient les deux premiers « Phénix » français. Le premier est connu de tous, il s’agit de l’appareil ayant défilé le 14 juillet dernier. Sa livraison officielle se fera à Istres le 19 octobre prochain. Le second, qui n’est pas encore peint, arrivera en 2019.

La France a commandé à ce jour neuf avions. Trois autres le seront bientôt et les plans actuels prévoient à terme l’achat de trois avions supplémentaires, portant à quinze le nombre total d’appareils destinés à l’armée de l’Air.

La ministre des armées ayant récemment fait part de sa volonté d’accélérer les livraisons, les douze premiers avions devraient être en ligne en 2023. C’est deux ans plus tôt que ce que prévoyaient les plans initiaux. A cette date, les C-135FR les plus anciens seront sexagénaires. Quand l’armée de l’Air a reçu son premier avion, son ministre de la Défense, Pierre Messmer, roulait en DS.

Changement d’époque pour les aviateurs français

« Nous vendons bien plus que des avions au client français insiste-t-on à Getafe : nous qualifions et nous livrons un système de mission, avec un outil de préparation de mission, un simulateur, une formation, un soutien technique… » A cela s’ajoute les travaux d’infrastructure consentis sur la base aérienne d’Istres, avec la création de nouveaux parkings et hangars : l’armée de l’Air a cassé sa tirelire pour tourner une page importante de son histoire.

En passant du KC-135 au Phénix, elle troque un bus de la RATP des années 1950 pour un autocar de grand tourisme d’aujourd’hui. Quand on monte dans un KC-135, on est accueilli par des palettes, des parachutes, une glacière, un WC de chantier sanglé sur le plancher et des sièges en tubes et toile qui ont connu René Coty. Au fond de la cabine, les deux blocs abritant les APU et la « baignoire » où officie l’opérateur de ravitaillement en vol (ORV). Le tout sans hublot ou presque, avec un éclairage blafard et une climatisation dotée de sa propre personnalité.

Efficacité et austérité…

L’Airbus est quant à lui un avion commercial adapté à sa mission militaire. On retrouve donc en montant à bord le décor habituel de panneaux plastique, propres et fonctionnels, des avions modernes. La transformation majeure porte sur le poste de pilotage qui reçoit, installées dos à la marche, deux consoles de travail pour les ORV (un seul ORV officie, l’autre console étant utilisée pour la formation). La cloison du cockpit est donc reculée d’un bon mètre par rapport à un A330 standard.

Six couchettes sont placées dans un caisson en soute. Un élément de confort essentiel pour l’équipage sur les vols longs. © Airbus Defence & Space

Viennent ensuite un galley puis un ilot cloisonné abritant deux couchettes que l’on imagine réservées à l’équipage de conduite. Plus loin au milieu de la cabine, un escalier discret permet de descendre dans un caisson installé en soute et abritant six couchettes supplémentaires. L’espace y est plus confiné et ressemble fortement à un poste d’équipage dans un sous-marin moderne. Ce n’est pas grand mais cela reste confortable.

Remontons au rez-de-chaussée : entre deux tronçons de cabine, un large espace est laissé disponible pour l’installation possible d’une palette d’oxygène de secours. De quoi faire face à une panne de pressurisation au-dessus des régions montagneuses qui empêcheraient une descente rapide vers des altitudes plus respirables…

Confort Classe Eco

Les Phénix de l’armée de l’Air seront équipés de 273 sièges en classe unique et configuration 2+4+2 (la capacité maximale du MRTT est de 300 sièges). Aucun système de divertissement à bord n’est prévu. Le militaire n’est pas là pour s’amuser et s’il s’ennuie, il aura toujours la possibilité de réviser les règles d’engagement du théâtre d’opération sur lequel on l’envoie sauver la France.

Aménagement sobre et fonctionnel pour le Phénix… Les 273 sièges passagers sont dépourvus d’écrans intégrés. A droite de l’image, l’espace laissé libre pour l’installation optionnelle d’une palette d’oxygène. © Airbus Defence & Space

Comme sur tous les avions actuels, la cabine est modulaire et Airbus propose un kit VIP à ses clients potentiels, mais celui-ci n’a pas été commandé par l’armée de l’Air. Du militaire du rang aux officiers généraux, et jusqu’à nouvel ordre, tout le monde devra jouir du confort de la classe éco. Pour les membres du gouvernement, il est toujours possible de louer de très bons avions au confort plus flagrant.

Une polyvalence remarquable

En revanche, le kit « Morphée » d’évacuation sanitaire déjà en service sur les Boeing pourra être installé à bord des Airbus. Le nouvel avion pourra recevoir simultanément dix patients en unité de soins intensifs, vingt autres patients non suivis ainsi que 88 places assises. Le deuxième Phénix destiné à l’armée de l’Air sera plus particulièrement chargé des essais en vol de cette configuration.

Carburant livrable, fret et passagers, Airbus a toute latitude pour insister sur la polyvalence de l’avion en évoquant un grand nombre de scénarios.

L’A330 MRTT emporte 111 tonnes de carburant, ce qui lui donne la possibilité de livrer 70 tonnes à 1.250 nautiques avec une heure de playtime sur zone. Ou bien 55 tonnes à 1.000 nautiques avec 4h30 de playtime. Mais Airbus insiste également sur la capacité de transport stratégique : la totalité du carburant étant emporté dans sa voilure (y compris le caisson central) et l’empennage horizontal, la soute reste disponible pour l’emport de 27 conteneurs LD3 ou de huit palettes militaires et deux conteneurs.

Dans le cadre d’une mission de déploiement stratégique, l’avion aura la capacité de « tirer » quatre chasseurs sur 2800 nautiques tout en gardant 25 tonnes de charge offerte (passagers et fret). Avec cet avion, l’armée de l’Air change totalement de dimension !

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • Pourquoi vendre des rafales a l'inde, ces individus sans scrupules qui passent leur temps à piller la propriété intellectuelle de nos sociétés avec la protection de leur gouvernement. Ca représente moins de un pour mille du pib et on pourrait compenser par des taxes comme le fait l'UE a 83% pour concurrence déloyale sur leurs prestations informatiques. ca protègerait aussi la filière informatique francaise. Je sais, les américians et saab sont derrière mais c'est pas une raison, d'autant qu'ils vont pas se géner pour faire du reverse engineering et vendre des copies dans quelques années.

    • parce qu'en face il y a la chine, c'est la raison de notre partenariat stratégique initié dans les années 1980

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