Il semble bien que la livraison d’avions de combat à l’Ukraine par ses alliés occidentaux soit désormais acquise. Reste à savoir où et comment seront formés non seulement les pilotes, mais aussi le personnel technique, plusieurs centaines de spécialistes au total. Passer d’un Sukhoi à un Mirage ou à un F-16, ce n’est pas seulement changer d’avion, c’est aussi changer de monde.
Jusqu’à présent, l’aviation n’a joué qu’un rôle mineur dans la guerre russo-ukrainienne, parfois comparée aux batailles de la Première Guerre mondiale, les drones en plus. Son écrasant avantage en nombre d’appareils (avec un rapport de dix contre un) n’a pourtant pas permis à Moscou d’obtenir la suprématie aérienne, faute d’avoir détruit les défenses antiaériennes et les avions de son adversaire durant les premières heures du conflit.
Les Ukrainiens ont donc su préserver un certain pouvoir de nuisance qui empêche de facto les Russes de circuler impunément au-delà de la ligne de front. Mais pourraient-ils renverser la vapeur et obtenir eux-mêmes cette supériorité aérienne ? Cela semble difficilement envisageable d’abord en raison du nombre d’appareils disponibles chez leur adversaire, ensuite parce que la Russie aura toujours la possibilité de menacer le ciel ukrainien en utilisant, depuis son territoire relativement sanctuarisé, des missiles sol-air et air-air à longue portée.
Le mieux qui puisse être espéré par l’Ukraine est le renforcement progressif de sa flotte avec la mise en service d’appareils et d’armements occidentaux plus sophistiqués et plus performants. Avec comme objectif de faire peser des menaces sur les bases aériennes russes et les centres logistiques (qui ont été éloignés du front pour échapper aux roquette à longue portée et aux drones), sur les avions de mission (écoute électronique, Awacs…) et sur la Mer Noire.
Le colonel Yuri Ignat, porte-parole de la force aérienne ukrainienne, a expliqué par le passé que deux escadrons de 12 appareils, plus quelques autres avions en réserve, seraient suffisants dans un premier temps pour inverser le cours des choses face aux Russes. C’est optimiste, mais pourquoi pas.
Deux escadrons, ce serait aussi un minimum pour rentabiliser l’investissement que représente la formation du personnel technique, la mise en place de stocks de pièces, d’armements et d’une filière logistique, la création d’ateliers de réparation etc.
Parce qu’il s’agit là du véritable point dur. Ce que le président Macron a résumé de la manière suivante face à la presse : « En aucun cas, des avions de chasse ne peuvent être livrés dans les semaines qui viennent parce qu’il y a des délais de formation, de livraison (…) incompressibles pour des avions qui ne sont pas connus des pilotes ukrainiens.»
Le cursus pour devenir pilote de chasse au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace dure plus de trois ans, depuis la formation initiale à Salon de Provence jusqu’à la phase de transformation opérationnelle. Si l’on considère des pilotes de combat déjà expérimentés auxquels il sera seulement demandé de se familiariser avec un nouvel avion, cette formation peut bien entendu être considérablement réduite.
Un exemple historique : au début des années 1980, les Argentins achètent quatorze Super Etendard à la France. Un nombre très limité mais, l’histoire le montrera, bien adapté au besoin. Dix pilotes sont envoyés en France pour être formés sur l’avion. Tous sont déjà qualifiés sur Douglas A-4N Skyhawk.
Le contrat est clair : la France doit 50 heures de vol par pilote, pas une minute de plus. Ce volume d’heures comprend la formation à la conduite de l’avion et à l’utilisation basique du SNA (Système de Navigation et d’Attaque), de la centrale inertielle et du viseur. Rien en revanche sur les armes, sur la tactique d’emploi ou sur la formation à l’appontage (celle-ci viendra après la guerre des Malouines). Cours au sol sur l’avion, séances de simulateur et vols : en trois mois l’affaire est pliée.
Si l’on considère maintenant un pays ami en guerre, avec un besoin urgent, alors là tous les verrous peuvent sauter, et il est permis de parler en semaines. Mais n’allons pas trop vite, parce que dans le cas ukrainien, les futurs utilisateurs et maintenanciers font face à une double barrière : celle de la langue bien entendu et celle de la culture. Passer d’un Sukhoi à un Mirage ou un F-16, ce n’est pas seulement changer d’avion, c’est aussi changer de monde. Et c’est un travail qui ne peut s’inscrire que dans le long terme.
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Encore faut-il que les avions soient en état de vol, et que des personnels qualifiés soient disponibles pour rejoindre en urgence un terrain adéquat.
Cela suppose aussi des approvisionnements en équipements de toutes sortes sur plusieurs terrains.
Question : est-ce que le concept de "MEL" ou de "Tolérance Technique" existe pour les avions de combat, ou bien le libre choix du décollage est laissé à l'appréciation d'un responsable ?
On a parfois l'impression que l'OTAN envoie en Ukraine du matériel en fin de vie, limite bon pour la casse.
On le voit notamment avec les chars ; l'Europe se débarrasse de ses vieux léopards, qui ne seront qu'avec peu de doutes remplacés par du matériel américain.
Est-il envisageable que l'OTAN envoie des avions "jetables" en Ukraine ?
Ce serait alors une version moderne et européenne des Kamikazes du Pacifique.
"l'utilisation basique du SNA" SNA ?
Système de Navigation et d'Attaque. Bonne question, merci de l'avoir posée. L'article est mis à jour.
Une partie de la maintenance de l'armement terrestre employé en Ukraine se fait dans les pays limitrophes.
Par exemple, KNDS (coentreprise Nexter et KMW) met en place en Slovaquie, une usine de réparation des obusiers Caesar et PZH 2000, des lance-roquettes multiples, des blindés anti-aériens Guépard et des transports de troupe Dingo. L'usine devait ouvrir en décembre 2022 (je ne sais pas si c'est fait) avec du personnel issu de KMW et Nexter.
Aussi ne peut-on pas envisager que la maintenance lourde des avions de chasse, se fasse à l'extérieur de l'Ukraine, par du personnel en provenance des pays d'origine des appareils ?
D'autant que le convoyage d'un avion sur une base de maintenance est plus rapide que le transport d'un blindé.