Le concept de « rotodome » abritant un radar tournant a fait son temps… Le remplacement d’une partie de la flotte des Boeing 707 AWACS de l’USAF se fera avec le Boeing 737 « Wedgetail ». Une décision logique, en attendant peut-être de futures solutions plus innovantes en matière de surveillance de l’espace aérien ?
L’US Air Force a donc officiellement tranché : elle va très rapidement remplacer une partie de sa flotte actuelle d’E-3 Sentry par des E-7 Wedgetail. Extérieurement, cela revient à remplacer les quadrimoteurs 707-320 par des 737-700 NG bimoteurs, le second ayant volé très exactement 40 ans après le premier…. En l’absence d’alternative crédible, la solution du Boeing 737 militaire ne faisait, en fait, guère de doute. Boeing a cessé depuis 2019 de produire son 737-700 pour les compagnies aériennes, mais elle continue sa fabrication pour les applications militaires telles que le Wedgetail ou le P-8 Poseidon de patrouille maritime.
Les AWACS, alias E-3 Sentry, étaient entrés en service dans les années 1970. L’USAF dispose encore à ce jour de 31 appareils âgés donc de près d’un demi siècle. Les avions sont vieux, leur disponibilité se dégrade tandis que leur coût de mise en oeuvre grimpe en flèche. Classique.
L’armée de l’air américaine aurait pu faire le choix de les moderniser, en leur offrant notamment une nouvelle motorisation. Elle a préféré tourner la page et investir dans des appareils modernes, moins coûteux à l’emploi.
Le Boeing 737 Wedgetail, initialement développé pour répondre au besoin australien, se distingue par son radar à balayage électronique installé dans un carénage fixe installé sur le dos du fuselage. Le concept de « rotodome » abritant un radar tournant a fait son temps…
Le Wedgetail a déjà été commandé à 17 exemplaires par quatre pays : l’Australie (6), la Corée du Sud (4), la Turquie (4) et la Grande-Bretagne (3). L’US Air Force devrait commander 15 à 18 appareils dès 2023 (pour un coût estimé à une dizaine de milliards de dollars) et remplacer d’un seul coup la moitié de se flotte de Sentry, avec une mise en service à l’horizon 2027. D’ici là il lui faut sans doute qualifier l’intégration d’équipements spécifiques à ses besoins et faire voler un ou deux prototypes
Le sort de l’autre moitié de la flotte de Sentry n’est pas encore figé. Car pour l’US Air Force, la mise en oeuvre d’Awacs pour les missions de contrôle et de commandement n’est pas la panacée. Ces avions sont certes indispensables à la conduite de la bataille aérienne, mais ils font aussi des cibles de grande valeur.
En 1986, Tom Clancy décrivait dans son roman « Tempête rouge » une bataille aérienne homérique dans les premières heures d’une guerre en Europe. Des chasseurs furtifs équipés de missiles Sidewinder à courte portée (les F-117 n’avaient pas encore été montrés en public, mais on connaissait alors l’existence de tels avions) se lançaient à l’assaut des AWACS soviétiques. Malgré leur escorte puissante, les avions radar à l’étoile rouge étaient détruits et l’Otan gagnait un avantage décisif sur la ligne de front.
La menace provient toujours aujourd’hui de chasseurs furtifs capables de s’approcher des Awacs, mais l’échelle de distance à bien changé : les missiles à courte portée et guidage infrarouge ont été remplacés par des engins tutoyant les 200 kilomètres de portée. On pense là au chasseur chinois J-20 et à ses missiles PL-15.
La protection des avions radar devient alors très complexe, sauf à les éloigner largement de la ligne de front ce qui revient à diminuer leur efficacité. Cette vulnérabilité vaut également pour un autre avion de surveillance américain, le JSTARS, optimisé pour la surveillance du champ de bataille terrestre et également basé sur une cellule de Boeing 707. C’est la raison pour laquelle 12 des 16 JSTARS de l’US Air Force devraient également être retirés du service d’ici 2024.
Pour remplacer JSTARS et AWACS, l’US Air Force joue donc dans un premier temps la carte du Wedgetail. A plus long terme, les Américains ont plusieurs possibilités : des Wedgetail supplémentaires, de nouveaux avions (plus petits, pour diluer le risque), des drones ou même des satellites. Ou plus certainement d’une combinaison de toutes ces solutions.
La question intéresse aussi la France qui exploite également quatre Awacs (E-3F) depuis 1991. Ces appareils accumulent environ 1.500 heures de vol par an au sein de la 36ème Escadre de Commandement et de Conduite Aéroportés (EC2A) installée à Avord. Il est admirable de voir que depuis 31 ans l’Armée de l’air maintient un rythme soutenu sans hiatus, jonglant sans cesse avec un volant très réduit entre opérations, entrainement, maintenance programmée et chantiers de modernisation.
A partir de 1999, à la suite des premières opérations sur la Yougoslavie, les avions français ont reçu de nouvelles capacités d’écoute électronique avec l’installation d’antennes sur les flancs et sur les pointes avant et arrière du fuselage. En 2013 est arrivée la rénovation à mi-vie des avions, les quatre Boeing passant au block 40-45 avec à la clef une modernisation profonde de leur système de mission. A partir de 2019, les avions ont ensuite reçu une liaison JRE (Joint Range Extension) faisant appel à un lien satellitaire. Les E-3F de l’Armée de l’air sont maintenant capables de transmettre directement via la L16 une situation tactique très enrichie et mieux sécurisée vers un centre de commandement en France, quelle que soit leur zone d’opération dans le monde.
Dernière évolution en date, la rénovation du poste de pilotage qui débute cette année et s’étendra jusqu’à 2026. La France a donc beaucoup investi dans la mise à niveau de ses avions, tout en bénéficiant d’un écosystème puissant d’utilisateurs au sein de l’Otan. Mais cet écosystème va se réduire drastiquement avec le retrait de service des appareils britanniques et ceux de l’US Air Force. Il ne fait guère de doute que d’ici vingt ans, quand ses E-3F en seront eux aussi à un demi-siècle d’utilisation opérationnelle, l’hypothèse du Boeing 737 Wedgetail ou de son successeur se posera également pour la France…
Frédéric Lert
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