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Défense

Des missiles SCALP-EG français pour l’Ukraine

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Frédéric Lert

Le sommet de l’OTAN à de Vilnius (Lituanie) a été le théâtre de deux annonces spectaculaires au profit de l’Ukraine : la mise en place d’une coalition pour enfin fournir des F-16 au pays et la cession de missiles de croisières SCALP-EG par la France. Ces deux choses pourraient-elles d’ailleurs être liées ? 

Emmanuel Macron n’est pas arrivé les mains vides au sommet de Vilnius : lors de sa conférence de presse dans la capitale lituanienne, le président français a annoncé la livraison de missiles de croisière à l’Ukraine. Cette hypothèse était évoquée depuis plusieurs semaines déjà, elle est donc maintenant confirmée. 

Le SCALP-EG occupe aujourd’hui une place à part dans l’arsenal français et il a été plusieurs fois utilisé en Libye et en Syrie. C’est un missile cher, environ un million d’Euros pièce, parfois qualifié de « préstratégique » et son emploi peut être tout autant guidé par des considérations purement militaires que diplomatiques. Après un premier emploi en Libye en 2011, le SCALP-EG et été utilisés à plusieurs reprises pendant l’opération Chammal en Syrie.

Lors de l’opération Hamilton en avril 2018, qui s’était soldé par le tir de dix missiles (dont un qui avait été victime d’un dysfonctionnement), l’Armée de l’air avait monté un raid complexe engageant cinq Rafale, quatre Mirage 2000-5, deux Awacs et huit ravitailleurs. Sans oublier toute la chaine du renseignement en amont ayant permis de définir les cibles et de programmer les missiles. Les choses se font de manière bien plus rustiques et discrètes en Ukraine, même si on peut imaginer que le ciblage se fait avec l’aide attentive de pays de l’Otan. 

Le missile SCALP-EG est un missile de 5 m de long et 1500 kg, dont 450 kg de charge militaire, ce qui est considérable. Il est propulsé par un micro réacteur « consommable », conçu pour fonctionner le temps d’un vol et rien de plus. Sa furtivité tient tout autant à son profil de vol en très basse altitude qu’à l’emploi de matériaux spéciaux et des vidéos récentes laissent à penser, qu’effectivement, les conduites de tir des systèmes russes de défense anti-aérienne ont des difficultés à « l’accrocher ». Son guidage est à la fois inertiel, GPS avec recalage altimétrique et par reconnaissance de forme grâce à un imageur infrarouge en phase terminale. A condition toutefois que la cible ait pu être correctement modélisée en 3D. On en revient à la question du ciblage évoquée plus haut. 

Sa portée réelle est un secret jalousement gardé. Elle serait supérieure à 500 km mais ce chiffre dépend également de l’altitude de largage et du profil de vol choisi. 

Les missiles de croisière sont un héritage de la Guerre Froide. Le conflit en Ukraine montre aujourd’hui que la précision obtenue par des roquettes sol-sol guidées du type Himars ou ATACMS est suffisante dans bien des cas. Idem pour les bombes guidées et propulsées. En bref, le missile de croisière a de la concurrence. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Entre les opérations en Libye, en Syrie, les entrainements et les tests, la France aurait tiré une centaine de missiles, sur une dotation totale de 400. Une partie de ces missiles ont été rénovés récemment pour prolonger leur potentiel d’utilisation. Le don à l’Ukraine porterait sur quelques dizaines de missiles, certains sources donnant le chiffre de cinquante. Vu le rythme élevé d’emploi des Ukrainiens, un chiffre inférieur n’aurait eu guère de sens. 

Les Storm Shadow livrés par les Britanniques sont emportés et tirés par des Sukhoi 24. Le SCALP-EG étant identique, il ne fait guère de doute que ces missiles embarqueront également sur le bimoteur russe. Mais peut-on imaginer qu’ils migrent un jour sur les F-16 promis à l’Ukraine ? Ou bien les Américains fourniront-ils leurs propres missiles de croisière AGM-158 JASSM déjà intégrés aux F-16 ? 

L’occasion ici de rappeler l’existence d’un autre missile de croisière européen, le Taurus, qui pourrait lui aussi finir dans les mains ukrainiennes. Fruit d’une coopération germano-suédoise, le Taurus est un engin très similaire au SCALP EG dans ses dimensions comme dans ses choix techniques et son cahier des charges. Le missile a été déclaré opérationnel en 2006 et 600 ont été commandés par l’Allemagne pour équiper les  Tornado et Eurofighter de la Luftwaffe. Plus intéressant, le Taurus fut également vendu à l’Espagne et à la Corée du sud et monté respectivement sur les F/A-18 Hornet et F-15E Strike Egale. Comme quoi l’intégration d’un missile de croisière européen sur des avions américains est possible…

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Un missile qui va partir en fumée à 1 million d'euros ça fait combien de camions de pompiers, combien de lits à l'hôpital, etc ?...
    Qui va payer ces folies ?... le contribuable par l'impôt, le consommateur par la TVA ...
    Tout ça pour permettre aux US d'avancer leurs missiles au plus près de la Russie.
    Tout ça va mal finir, étape par étape on pousse Poutine à balancer une petite bombe nucléaire tactique sur l'Ukraine (où la Pologne).
    On peut s'ébaudir des performances du SCALP, on peut s'inquiéter des conséquences de son emploi dans un conflit US/UE/OTAN / Russie dont on nous fait oublier la génèse (accords de Minsk, guerre russophile du Dombass depuis 2014) et dont on ose pas imaginer la fin.

    • Et ceci sans aucune intervention devant l'Assemblée Nationale et le Sénat.
      Ce gouvernement et notre président (si mal élu) vont nous mettre DIRECTEMENT en situation de guerre avec la Russie.
      Et ceci dans un suivisme ÉTATS UNIENS D'ABORD, ensuite OTANESQUE.

      • Bonjour Luc Gramsch, j'approuve votre propos.
        J'y rajouterais que derrière les questions géopolitiques, il y a pour les US la main-mise sur le marché de l'armement.,
        Autre chose, c'est un paradoxe que la France membre de l'OTAN, vende des Rafale à l'Inde, membre des BRICS dont un des membres - Russie - est en guerre contre un des protégés de l'OTAN.
        Les pilotes et tous les autres personnels indiens vont acquérir des connaissances que leur gouvernement peut faire passer à leur homologue russe du club BRICS, lequel peut les utiliser contre l'OTAN.
        Je pense ici au SCALP, objet de ce topic.
        Business quand tu les tiens ...

    • Oui certes, mais un missile de tiré, ce sont des frais de stockage et d'entretien économisés ! Quelque part, l'Ukraine participe à la réduction du déficit budgétaire non ?

          • D'autant plus riche qu'ils remplacent les F16 donnés par des F35 ...
            Et quand ils ne sont plus vraiment riches, on fait comme "si", "quoiqu'il en coûte".
            Question : est-ce que le Scalp est invulnérable au S-400 russe ?

      • Second degré approprié pour une réponse à cette nature de remarque sur le sujet ukrainien sur un site d’info aéronautique. Merci Frédéric !

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