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Défense

Des ULM Aeroprakt au combat en Ukraine

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Frédéric Lert

Des images prises à la volée le 2 avril 2024 montrent l’utilisation d’au moins un ULM Aeroprakt « dronisé »  de fabrication ukrainienne pour attaquer une usine au coeur de la Russie. Un développement spectaculaire et pourtant prévisible de la guerre en Ukraine.

Bien que manquant de netteté, les images ne laissent guère de doute sur la nature de l’attaquant : voilure haute haubanée, train tricycle fixe, empennage classique, tout pointe en direction d’un Aeroprakt A22 Foxbat ou A32 Vixxen. Pas de pilote à bord, mais sans doute des réservoirs supplémentaires, une charge explosive et bien entendu un dispositif de contrôle à distance.

La cible visée est l’usine d’assemblage des drones Shahed-136 installée dans la ville de Alabuga, au Tatarstan, à 800 km dans l’est de Moscou. Les vidéos montrent l’appareil arrivant bas et piquant à la dernière seconde pour percuter un bâtiment dans une spectaculaire explosion. Les autorités de Kiev n’ont pas reconnu officiellement l’attaque tandis que du côté russe, on dénonce l’emploi d’équipements en provenance de pays de l’Otan.

Le caractère exceptionnel de cette attaque tient dans la distance parcourue : au bas mot 1.200 km depuis la frontière ukrainienne jusqu’à Alabuga, ce qui constitue peut-être un nouveau record dans la guerre qui oppose Kiev à Moscou. Les attaques à longue distance lancées contre St Petersbourg en 2023 étaient également de cet ordre-là.

Produits en masse et à bas coût, les drones Shahed sont une épine dans le pied des autorités ukrainiennes, contraintes de déployer de nombreuses batteries de missiles sol-air pour protéger la population et les sites industriels contre cette menace. Il était donc logique que l’Ukraine cherche par tous les moyens à en attaquer les centres de production. Pour contrer cette menace, la Russie avait donc installé la ligne d’assemblage très loin de la ligne de front mais le raid du 2 avril a montré que la distance n’a pas été une protection suffisante.

L’ULM A22 est motorisé par un Rotax 912 de 100 cv et emporte normalement un réservoir de 90 litres (114 litres avec un équipement optionnel). Il consomme environ 15 litres heures en croisant à un peu plus de 160 km/h. A cette vitesse, 1.200 km sont parcourus en 7,5 heures de vol, soit environ 115 litres de carburant consommés. Le bilan carburant est encore plus favorable pour le A32 qui dispose du même moteur mais affiche une aérodynamique un peu plus soignée.

Dans un cas comme dans l’autre, l’ajout de quelques dizaines de litres de carburant dans un réservoir supplémentaire donnerait à l’ULM la marge nécessaire pour réussir tranquillement ce vol marathon.

Reste une question centrale qui a du être très rapidement posée au Kremlin : comment un avion de plus de 9m d’envergure et 6m de long, croisant à moins de 200 km/h a t il pu voler pendant 9 ou 10 heures au coeur d’un pays en guerre sans être intercepté ? Une situation qui n’est pas sans rappeler l’aventure de Matthias Rust, qui avait posé son Cessna 172 sur la Place Rouge en mai 1987. Le jeune pilote allemand de 18 ans, avec une expérience aéronautique très limitée, avait tranquillement percé les défenses du Pacte de Varsovie pour venir se poser au centre de Moscou ! Un exploit qui avait été vécu à l’époque comme un signe avant-coureur de la déliquescence du pouvoir soviétique.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Un moteur, un rapport puissance/ consommation, une quantité de carburant suffisante ... OK !
    Reste : le pilote automatique, la navigation ?

    Ou alors l'ULM transporté en pièce détachées, remontées dans un champ proche de la cible ...
    Ou alors un fana kamikaze aux commandes. Encore plus simple et plus économique !

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