DGA : anatomie d’un ordre du jour

Le 24 octobre 2024, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu a prononcé un discours très offensif sur le fonctionnement de la Délégation Générale de l’Armement. Il encourage notamment la DGA à « contourner » les normes civiles quand elles empêchent la poursuite d’un programme.

Le ministre des Armées avait choisi l’établissement de Vert-le-Petit, centre de référence national dans le domaine de la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique, pour lire un ordre du jour intitulé « point sur la transformation de la direction générale de l’armement ». Sa lecture est une plongée intéressante dans le fonctionnement de la DGA qui assure la maîtrise d’ouvrage des systèmes d’armes destinés aux armées françaises depuis 1961.

Sébastien Lecornu a rappelé en premier lieu quelques-unes des réussites enregistrées ces derniers mois : tirs d’essais réussis des missiles nucléaires M51 et ASMPA rénové, du missile anti-aérien Aster, réussite de la sécurisation des jeux Olympiques de Paris, bons résultats obtenus par la réforme « Impulsion » pour redynamiser la base industrielle et technologique de défense, etc.

Le ministre énumère ces félicitations collectives devant un très large aréopage, allant du préfet aux parlementaires, en passant par les chefs d’état-major des armées et toute la pyramide des grades de la DGA. Mais après la distribution des bons points vient le temps de la fessée :

« Il faut accélérer plus vite encore » demande le ministre pour « reconquérir cet ADN de la DGA, l’esprit pionnier (…). Renouons avec la force conceptuelle initiale de la DGA, telle qu’elle a été voulue dans les années 1960 : revenons à la quête d’audace, de transgression, de prise de risque qui ont engendré quelques échecs mais qui ont été la condition de tous les grands succès ». Le ministre explique ensuite qu’il va donner les grandes lignes « du plan que le délégué général de l’armement m’a proposé et qu’il va mettre en oeuvre avec vous pour poursuivre et, en quelque sorte, parachever la transformation de la DGA ».

Dès lors, même si c’est toujours lui qui tient le micro, il donne virtuellement la parole au délégué général, le grand patron de la DGA. Voici quelques morceaux choisis d’un discours que l’on entend rarement dans les cercles gouvernementaux :

« Cela implique de vous intéresser à nouveau, plus encore que ces deux dernières années, aux enjeux de production, de délais et de coûts, avec l’obsession désormais d’être meilleurs que les autres (…)  J’attends que vous assumiez vos convictions, défendiez vos intuitions, en particulier dans le dialogue avec les états-majors ou les industriels, sans se cacher derrière des procédures contractuelles, réglementaires, techniques ou financières, que l’on applique jusqu’au jour où l’on ne sait plus trouver de sens à sa mission ». Plus étonnante encore, cette phrase : « Par ailleurs, lorsqu’une norme civile vous empêche de poursuivre votre programme, si vous jugez son application absurde, vous avez désormais le pouvoir et même le devoir de proposer de la contourner ».

Vient ensuite un long développement sur l’évolution des corps de l’armement, l’exigence de mettre en place de nouvelles formes de recrutement pour trouver les talents et « acquérir des compétences à l’extérieur des circuits habituels ». Un discours disponible ici, qui mérite cent fois de lui consacrer les quinze minutes nécessaires à sa lecture !