Un récent rapport du Sénat fait un constat sévère sur l’état des flottes d’hélicoptères militaires en France (467 unités). Avec un chiffre massue : le taux de disponibilité moyen des hélicoptères du ministère des Armées ne dépassait pas 36% en 2017. Une indisponibilité lourde de conséquences pour les forces. L’utilisation intensive et hétérogénéité du parc n’expliquent pas tout…
Les armées disposent à ce jour d’un parc total de 467 hélicoptères : 306 pour l’armée de Terre, 83 pour la marine et 78 pour l’armée de l’Air. En 2017, et selon les chiffres donnés par le rapport d’information rédigé par le sénateur Dominique de Legge, 161 de ces appareils étaient immobilisés chez les industriels chargés de leur entretien (Airbus Helicopters principalement), 135 l’étaient dans les forces et 171 restaient disponibles.
Attention tout d’abord sur le sens du mot « disponibilité ». Dans l’aviation commerciale, une disponibilité de 99% est un objectif couramment atteint parce qu’il ne prend pas en compte les avions en maintenance programmé. Un avion disponible est un avion effectuant un vol pour lequel il a été programmé.
Chez les militaires, et les chiffres du sénat reflète cette façon de compter, la disponibilité indique le nombre d’appareils immédiatement disponibles rapportés à la flotte totale. Si quatre hélicoptères sont en parc et que, par le jeu des entretiens programmés, l’un des quatre est toujours indisponible, la disponibilité ne pourra jamais dépasser 75%. C’est aussi simple que cela.
Or il est dans la nature des fores armées de disposer en temps de paix d’une certaine redondance pour savoir faire face, en temps de guerre, à des besoins immédiats plus forts et plus consommateurs en matériel. La France est-elle techniquement en guerre avec 4.500 soldats mobilisés depuis plus de cinq ans dans le Sahel et 10.000 autres qui patrouillent avec un fusil d’assaut dans nos villes ? La question déborde du cadre d’Aerobuzz et de cet article !
Le rapport du sénateur Dominique de Legge prend soin de lister les multiples causes de l’indisponibilité des appareils. Elles sont nombreuses et se combinent pour compliquer la vie de tous. D’abord, des engagements opérationnels forts qui usent les machines aussi bien que les hommes. Ensuite la très grande hétérogénéité des parcs et la multiplication de « micro flottes ».
Les armées disposent par exemple de 18 H225M « Caracal ». Qu’un appareil entre en entretien et la disponibilité chute de 5% immédiatement. A l’inverse, que l’industriel termine un long chantier de rénovation et la dispo remonte mécaniquement. C’est ce qu’on explique chez Airbus Helicopters où trois appareils qui avaient été lourdement endommagés en opération ont été rendus aux forces l’an dernier.
De même, un plan de retrofit des appareils existants se terminera en 2018 et l’augmentation des pas des visites périodiques est en cours de discussion. Donc les chiffres de disponibilité des Caracal devraient mécaniquement augmenter fortement en 2019.
Le schéma est identique pour la flotte Tigre qui cumule trois chantiers de modernisation ! Depuis 2010, les Tigre HAP continuent d’être portés au standard 1 (deux ans d’immobilisation par appareil…), les Tigre HAD sont portés au block 2 (14 mois d’immobilisation) et 36 HAP sont transformés en HAD (18 mois d’immobilisation et un chantier qui va se poursuivre jusqu’en 2024). Bilan des courses, une vingtaine de Tigre seraient disponibles seulement, sur la soixantaine déjà livrée.
Autre raison pointée par le sénateur de Legge, le vieillissement des flottes. Les trois armées se partagent équitablement le podium de l’obsolescence avec, sur la plus haute marche, l’Alouette III de la Marine (45 ans en moyenne), suivie des Puma de l’ALAT (43 ans) et des Puma de l’armée de l’Air (39 ans). A chacun ses pièces de musée, pas de jaloux… L’urgence de remplacer les appareils les plus anciens est forte et pourtant les premières livraisons du programme HIL, appareil léger interarmées destiné à remplacer six flottes actuelles, ne sont pas attendues avant 2028. Comprenne qui pourra…
Se pose également la question de la navigabilité. En adoptant des principes civils de navigabilité, qui détaille parfois jusqu’à l’absurde les exigences de maintenance, les armées ont mis le doigt dans un engrenage administratif qui tend à les submerger sous les tâches administratives. Ils s’en plaignent tout en déployant une ardeur très militaire dans le respect des consignes !
Toutes les causes citées plus haut se traduisent non seulement par des chiffres de disponibilité anémiques, mais également un coût du MCO (Maintien en Condition Opérationnelle) en forte augmentation, passé de 412 à 645 M€ entre 2009 et 2017. Soit une augmentation annuelle de 5,8%. Le charme désuet de l’Alouette III se paie par exemple au prix fort : 13.000 euros l’heure de vol en 2017 contre 5.000 sept ans plus tôt. Mais attention : il est des hélicoptères très récents qui ne volent pas plus et coûtent tout aussi cher, sinon plus…
Le rapport du sénat pointe alors la complexité du MCO, conséquence du grand nombre d’intervenants, de l’organisation des armées, de la conduite de certains programmes (Tigre et NH90) en coopération etc. Une réforme de structure est en cours, avec la création d’une « Direction de la Maintenance Aéronautique » (DMAé) en remplacement de l’actuelle SIMMAD pour assurer la maitrise d’ouvrage de tout le MCO aéronautique pour le ministère des armées.
Les industriels ont également leur mot à dire : Airbus Helicopters a par exemple regroupé en 2015 toutes les capacités industrielles au service des opérateurs étatiques français au sein d’une structure unique : le « Military Support Center – France ». En anglais dans le texte…
L’industriel pousse par exemple maintenant en faveur de contrats de soutien globaux, qui lui ferait prendre la responsabilité de la gestion des stocks et de la disponibilité des pièces détachées, avec des engagements contractuels forts, sur le modèle de ce qui se fait dans le monde civil. Où l’on voit que les difficultés actuelles peuvent être sources d’opportunités…
A son modeste niveau, Aerobuzz participe également à la réflexion avec deux idées : développer le transport par avion léger en lieu et place des hélicoptères et promouvoir des appareils moins sophistiqués, peut-être moins performants mais moins coûteux à l’achat et en entretien. Soyons lucide : en l’état actuel des choses, cette proposition va à l’encontre des intérêts de tous les acteurs du monde de l’hélicoptère, sauf peut-être les utilisateurs finaux.
Des utilisateurs qui ne sont pas oubliés par le sénateur de Legge. Car derrière les histoires de gros sous se cachent des conséquences néfastes pour les forces que résume ainsi le rapport : « des ruptures temporaires de capacité, empêchant la réalisation de certaines missions, notamment en métropole, fonctionnement à « flux tendu » conduisant à l’épuisement des personnels de maintenance (et) surtout insuffisance de l’activité se traduisant par un défaut d’entrainement , au détriment principalement des jeunes équipages ». Quand un équipement devient trop complexe, son coût prohibitif paralyse son utilisation. Et c’est ainsi que les armées se neutralisent toutes seules et sans combat sous le poids financiers excessifs de leurs équipements…
Frédéric Lert
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