Epreuves de force pour le Rafale

Un Rafale marine est utilisé par DGA Techniques Aéronautiques pour évaluer l’appareil en fatigue. Objectif : mieux comprendre le vieillissement de l’appareil pour prolonger la vie de l’avion.

L’appareil, baptisé Cellule d’Essais de Fatigue (CEF) par la Direction Générale de l’Armement (DGA), fait de la peine à voir… La cellule prélevée sur la chaine de Mérignac en 2018 suivait immédiatement celle du M46, le 46^ème Rafale M de série. Mais attention, on insiste à la DGA : il ne s’agit pas du M47, puisque ce dernier sera officiellement livré après 2020.

La Rafale à rude épreuve

Le CEF est d’ailleurs arrivé en pièces détachées en janvier 2019 au sein des installations de DGA Techniques Aéronautiques (anciennement Centre d’Essais Aéronautiques de Toulouse). Fuselage d’un côté, demi voilures de l’autre, dérive, verrière… : le remontage du puzzle s’est fait  directement à Toulouse. Le CEF est donc un avion né entre le M46 et le M47, sans passé ni avenir, et sans moteur ni avionique ou train d’atterrissage.

Après plusieurs mois consacrés au montage de l’installation d’essais, l’appareil, est à présent enserré dans une forêt d’échafaudages, de câbles et de poulies. Pas moins de 102 vérins, 1.100 jauges de contraintes et 80 capteurs de déplacement ont été installés autour de lui. En tirant, en poussant, en appuyant sur l’avion, l’objectif est de reproduire en accéléré les contraintes d’une vie opérationnelle sur un appareil qui ne connaitra finalement jamais le pont du Charles de Gaulle, ni la mer jolie ou le ciel céruléen.

Des essais de fatigue optimisés

« L’objectif de ces essais est de rendre possible une prolongation de la vie de l’avion en tenant compte des mesures de vieillissement et des coefficients de sécurité » explique un ingénieur de la DGA. « A la fin des années 1990, une première batterie d’essais avaient démontré une première durée de vie en fatigue, en se basant sur des hypothèses d’utilisation. C’est ce qui a permis à l’avion de voler depuis sa mise en service ».

Dès cette époque, il était toutefois prévu qu’une deuxième cellule soit utilisée ultérieurement pour optimiser la vie de l’avion en tirant partie des années de service déjà écoulées. Les données recueillies en opération ont permis de définir des charges mécaniques et des contraintes plus réalistes pour optimiser les essais.

Indispensables essais dynamiques

Le travail sur la CEF a débuté en septembre 2019 avec les premiers essais statiques. Une quarantaine de séances de torture ont permis de tester et calibrer l’instrumentation en prévision des cycles dynamiques qui devraient débuter incessamment. « Nous avons déterminé des séquences de vol, manœuvres de combat mais aussi appontages et catapultages qui sollicitent toutes la structure de l’appareil » explique l’ingénieur de la DGA. « L’enchainement de plusieurs séquences forme un bloc qui sera répété un grand nombre de fois, jour et nuit, y compris les week-end, avec des interruptions régulières pour vérifier l’état de la cellule ». L’emport de charges externes est également simulé par des vérins et la simulation des différentes configurations exige d’enchainer des centaines de séquences.

A l’heure actuelle, rien ne peut se substituer aux essais de fatigue dynamiques. Certes, les avionneurs civils travaillent aujourd’hui au remplacement des essais statiques par la simulation. Il leur faut pour cela convaincre les autorités de certification que la modélisation permet d’anticiper correctement la tenue des pièces.

Quatre années au banc d’essais

Mais les essais dynamiques sont une toute autre affaire et les exemples de casses imprévues ne sont pas rares dans l’histoire (y compris récente) de l’aviation. Si bien que personne ne songerait aujourd’hui à se passer des essais de vieillissement, à fortiori dans le cas des aéronefs militaires faisant face à des situations hors normes.

Les essais engagés par DGA Techniques Aéronautiques vont se poursuivre à minima pendant quatre ans. Et peut-être même plus, puisqu’il est rare que de tels essais restent sans surprise. « A la fin de la séquence prévue, si tous les objectifs sont remplis, l’installation sera démontée » explique notre interlocuteur de la DGA. « Mais il est également possible que nous poursuivions les essais pour gratter un peu plus de potentiel pour le Rafale. Nous pourrions également récupérer la cellule pour faire des essais de tolérance aux dommages structurels ou bien tenter des essais statiques extrêmes allant jusqu’à la rupture des pièces ».

Le Rafale M anonyme n’a pas fini de souffrir, « pour le succès des armes de la France » comme le dit la formule consacrée.

Frédéric Lert