Quelques semaines seulement après le crash du F/A 18C « Blue Six », solo des Blue Angels, ayant entraîné la perte de son pilote, la commission d’enquête diligentée par la Navy ne retient pas la survenue d’un problème mécanique. L’origine de l’accident serait la conséquence d’une erreur humaine.
Le début du mois de juin fut une période difficile pour quatre des plus grandes patrouilles acrobatiques mondiales, une série noire d’accidents ayant conduit pour deux d’entre-elles au décès des pilotes. Quelques heures seulement après le premier crash d’un F16 de la formation de l’US Air Force « The Thunderbirds», c’est la patrouille de la Navy qui fut touchée par le sort, peu après son décollage de l’aéroport de Smyrna (Tennessee) pour un entrainement préparatoire au « Great Tennessee Airshow ». Alors qu’il effectuait une des toutes première figure du programme, appelée « Split S », le Capt. Jeffery « Jeff » Kuss, plongea soudain vers le sol à grande vitesse et ne put éviter l’impact.
Le 25 Août, soit moins de 3 mois plus tard, la commission d’enquête de la Navy dirigée par Dell Bull, chef de la « Naval Air Training », met en cause le pilote. Mike Shoemaker, commandant des Forces Aériennes de la Marine, quant à lui, note dans ses propres conclusions que cette même enquête « n’a pas permis de découvrir des preuves que l’accident ait été causé par un problème mécanique, lié à l’entretien de l’appareil ou d’autres raisons liées à une défaillance de l’aéronef ». Bien que l’appareil dans son ensemble ait été jugé en bon état, le rapport relève quand même un problème potentiel avec l’affichage des altimètres (écart entre l’altitude inscrite par le radar et celle des altimètres barométriques).
Pour étayer la thèse de l’erreur humaine, le rapport note que le Capt. Kuss a débuté sa boucle à grande vitesse et à faible altitude, se trouvant alors trop bas à la fin de celle-ci pour éviter l’impact. La vitesse de l’appareil aurait été enregistrée à 184 Kt, alors que la vitesse optimale et habituelle du déroulement de la figure aurait du être de 125 à 135 Kt. Par ailleurs, le pilote n’aurait pas tenté de manœuvre d’évitement du sol. Il aurait tenté de s’éjecter de l’appareil, mais trop tardivement pour survivre à l’accident. Plus loin, le rapport précise : « sur la base de sa formation et de son expérience, le pilote aurait dû s’apercevoir de sa vitesse de descente beaucoup trop rapide et noter que la trajectoire de l’avion ne pouvait que mener à l’accident. »
Shoemaker précise dans sa note que le Capt. Kuss était « pleinement qualifié pour piloter l’avion F / A-18C et qu’il était « universellement reconnu comme l’un des pilotes des Blue Angels les plus méticuleux et professionnel par ses coéquipiers. » Pilote dans la Navy depuis 2009, il avait accumulé plus de 1680 de vol sans incidents au moment de l’accident.
Si dans les grandes lignes les conclusions des experts se rejoignent sur les points essentiels , les deux versions du rapport divergent toutefois sur le rôle de la météo dans l’accident : la version de Dell Bull note que la météo ne fut « pas un facteur causal », contrairement à la version de Shoemaker qui suggère, quant à elle, que la base des nuages pourrait avoir conduit le Capt. Kuss à débuter le « Split S » à une altitude trop faible. Le mémo de Shoemaker met également en évidence le rôle de la fatigue du pilote, en déclarant que le Capt. Kuss avait montré des signes d’épuisement ce jour là.
Dans ses conclusions, l’enquête recommande plusieurs actions liées à l’examen des procédures normalisées d’exploitation des F / A-18C des Blue Angels. Elle appelle également à des changements dans la figure «Split S » elle-même pour rendre l’évolution plus sûre. Elle recommande enfin l’acquisition de nouveaux outils informatiques pouvant calculer et afficher, en temps réel un rayon de virage nécessaire à l’accomplissement des figures en toute sécurité, et d’autres paramètres visant à faciliter la tâche des pilotes. Le texte dévoile enfin qu’un accident similaire a eu lieu en 2004, le pilote ayant pu s’éjecter, mais l’avion avait été totalement détruit.
Philippe Chetail
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
Il était le candidat malheureux de Sikorsky et Boeing face au V-280 Valor de Bell… Read More
L'avionneur slovène Gogetair adopte à son tour la turbine TP-R90 de Turbotech. Après un premier… Read More
View Comments
"Il faut un « facteur déclenchant » fort, un ordre clair, la proximité du sol, etc., pour que le pilote quitte mentalement, et physiquement si nécessaire, le cocon de sa cabine. Le risque me parait toujours bien réel quel que soit le type d’avion, surtout quand le pilote est, ou se sent, à l’origine du problème."
Phrase écrite dans un article pour le BSV de L'Armée de l'air, après m'être éjecté trois fois. C'est ce que je pense encore valable aujourd'hui.
RIP Capt Kuss.
Sans vouloir cracher sur ce rapport, cela me rappel l'affaire du capitaine Ted Harduvel en 82.
De même qu'il a fallu tirer quelques vers du nez et également faire sauter quelques tetes au sein de la Navy pour qu'elle admette qu'un entretient défaillant avait également sa part de responsabilité dans le crash du Hornet des Sharpshooters il y a bientôt dix ans dans les environs de San Diego. Avant cela seul le pilote avait été tenu coupable.
Pourquoi ne s'est il pas éjecté ?
Il aurait tenté de s’éjecter de l’appareil, mais trop tardivement pour survivre à l’accident.
Bonsoir, dans ces cas limites il faut choisir entre piloter et s'éjecter. On ne peut pas faire les deux, d'autant que les actions de récupérations sur les commandes sont importantes en amplitude et en effort (Newton). La décision doit être prise très tôt, en l’occurrence à un instant où l'issue fatale n'a pas paru comme telle au pilote.