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Défense

Une erreur de pilotage à l’origine du crash des Blue Angels

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Philippe Chetail

Quelques semaines seulement après le crash du F/A 18C  « Blue Six », solo des Blue Angels, ayant entraîné la perte de son pilote, la commission d’enquête diligentée par la Navy ne retient pas la survenue d’un  problème mécanique. L’origine de l’accident serait la conséquence d’une erreur humaine.  

Le début du mois de juin fut une période difficile pour quatre des plus grandes patrouilles acrobatiques mondiales, une série noire d’accidents ayant conduit pour deux d’entre-elles au décès des pilotes. Quelques heures seulement après le premier crash d’un F16 de la formation de l’US Air Force « The Thunderbirds», c’est la patrouille de la Navy qui fut touchée par le sort, peu après son décollage de l’aéroport de Smyrna (Tennessee)  pour un entrainement préparatoire au « Great Tennessee Airshow ».  Alors qu’il effectuait une des toutes première figure du programme, appelée « Split S »,  le Capt. Jeffery « Jeff » Kuss, plongea soudain vers le sol à grande vitesse et ne put éviter l’impact.

Le 25 Août, soit moins de 3 mois plus tard, la commission d’enquête de la Navy dirigée par Dell Bull, chef de la « Naval Air Training », met en cause le pilote. Mike Shoemaker, commandant des Forces Aériennes de la Marine, quant à lui, note dans ses propres conclusions que cette même enquête « n’a pas permis de découvrir des preuves que l’accident ait été causé par un problème mécanique, lié à l’entretien de l’appareil ou d’autres raisons liées à une défaillance de l’aéronef ». Bien que l’appareil dans son ensemble ait été jugé en bon état, le rapport relève quand même un problème potentiel avec l’affichage des altimètres (écart entre l’altitude inscrite par le radar et celle des altimètres barométriques).

Le F/A 18 Hornet, avion de combat multirôle américain est utilisé par la patrouille acrobatique des Blue Angels de l’US Navy depuis 1987 dans sa  première version (1987 – 2009) et en version C et D depuis 2010. Un processus de remplacement par le plus récent Boeing F/A-18E Super Hornet a été mis en oeuvre récemment. © Blue Angels.

Pour étayer la thèse de l’erreur humaine, le rapport note que le Capt. Kuss a débuté sa boucle à grande vitesse et à faible altitude, se trouvant alors trop bas à la fin de celle-ci pour éviter l’impact. La vitesse de l’appareil aurait été enregistrée à 184 Kt, alors que la vitesse optimale et habituelle du déroulement de la figure aurait du être de 125 à 135 Kt. Par ailleurs, le pilote n’aurait pas tenté de manœuvre d’évitement du sol. Il aurait tenté de s’éjecter de l’appareil, mais trop tardivement pour survivre à l’accident. Plus loin, le rapport précise : « sur la base de sa formation et de son expérience, le pilote aurait dû s’apercevoir de sa vitesse de descente beaucoup trop rapide et noter que la trajectoire de l’avion ne pouvait que mener à l’accident. » 

J. Kuss, avec 1680 heures de vol à son actif, était reconnu de ses pairs comme l’un des pilotes les plus qualifiés dans la formation. © Blue Angels

Shoemaker précise dans sa note que le Capt. Kuss était « pleinement qualifié pour piloter l’avion F / A-18C et qu’il était « universellement reconnu comme l’un des pilotes des Blue Angels les plus méticuleux et professionnel par ses coéquipiers. » Pilote dans la Navy depuis 2009, il  avait accumulé plus de 1680 de vol sans incidents au moment de l’accident.

Les solos, numéros 5 et 6 de la formation assurent la « synchro » de la série faite passages et de croisements spectaculaires. © Blue Angels

Si dans les grandes lignes les conclusions des experts se rejoignent sur les points essentiels , les deux versions du rapport divergent toutefois sur le rôle de la météo dans l’accident : la version de Dell Bull note que la  météo ne fut « pas un facteur causal », contrairement à la version de Shoemaker qui suggère, quant à elle, que la base des nuages pourrait avoir conduit le Capt. Kuss à débuter le « Split S » à une altitude trop faible. Le mémo de Shoemaker met également en évidence le rôle de la fatigue du pilote, en déclarant que le Capt. Kuss avait montré des signes d’épuisement ce jour là.

Les Blue Angels, patrouille acrobatique de la Marine américaine (Navy Flight Demonstration Squadron) a été créée en 1946. Une des particularités de cette patrouille est, qu’aujourd’hui encore, ses pilotes volent sans combinaisons anti-G. © Blue Angels

Dans ses conclusions, l’enquête recommande plusieurs actions liées à l’examen des procédures normalisées d’exploitation des F / A-18C des Blue Angels. Elle appelle également à des changements dans la figure  «Split S » elle-même pour rendre l’évolution plus sûre. Elle recommande enfin l’acquisition de nouveaux outils informatiques pouvant calculer et afficher, en temps réel un rayon de virage nécessaire à l’accomplissement des figures en toute sécurité, et d’autres paramètres visant à faciliter la tâche des pilotes. Le texte dévoile enfin qu’un accident similaire a eu lieu en 2004, le pilote ayant pu s’éjecter, mais l’avion avait été totalement détruit.

Philippe Chetail

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Philippe Chetail

Président d’Airshow, spécialiste de l’organisation de manifestations aériennes, Philippe Chetail a organisé plus de 230 meetings aériens depuis 1973. Egalement co fondateur de France Spectacle Aérien, il est l’un des meilleurs connaisseurs européens de tous ceux qui gravitent autour des spectacles aériens. Il a rejoint Aerobuzz en juillet 2011. Philippe Chetail couvre, en particulier, l’aviation de collection et les évènements aéronautiques.

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  • "Il faut un « facteur déclenchant » fort, un ordre clair, la proximité du sol, etc., pour que le pilote quitte mentalement, et physiquement si nécessaire, le cocon de sa cabine. Le risque me parait toujours bien réel quel que soit le type d’avion, surtout quand le pilote est, ou se sent, à l’origine du problème."

    Phrase écrite dans un article pour le BSV de L'Armée de l'air, après m'être éjecté trois fois. C'est ce que je pense encore valable aujourd'hui.

    RIP Capt Kuss.

  • Sans vouloir cracher sur ce rapport, cela me rappel l'affaire du capitaine Ted Harduvel en 82.
    De même qu'il a fallu tirer quelques vers du nez et également faire sauter quelques tetes au sein de la Navy pour qu'elle admette qu'un entretient défaillant avait également sa part de responsabilité dans le crash du Hornet des Sharpshooters il y a bientôt dix ans dans les environs de San Diego. Avant cela seul le pilote avait été tenu coupable.

    • Bonsoir, dans ces cas limites il faut choisir entre piloter et s'éjecter. On ne peut pas faire les deux, d'autant que les actions de récupérations sur les commandes sont importantes en amplitude et en effort (Newton). La décision doit être prise très tôt, en l’occurrence à un instant où l'issue fatale n'a pas paru comme telle au pilote.

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