L’idée d’une vente de Mirage 2000C, retirés du service en juin 2022, circule avec insistance en France. Quels seraient les défis à relever pour les militaires ukrainiens, mais aussi pour les formateurs français ?
Au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, la qualification sur Mirage (qui se joue actuellement à Nancy) requiert une trentaine de missions étalées sur quatre mois, et précédées bien entendu d’un apprentissage théorique de l’avion. Pour un jeune pilote ayant fait sa formation sur Alphajet, il s’agit d’apprend à dompter un avion 3,5 fois plus puissant, avec à la clef un sérieux défi pour les capacités cognitives du jeune stagiaire qui voit défiler le monde 2,5 fois plus vite dans son parebrise.
L’Alphajet venant tirer sa révérence au profit du Pilatus PC-21, la marche est encore plus haute mais ce n’est pas le sujet, puisque si des Ukrainiens devaient s’installer dans des Mirage, il s’agirait sans doute de pilotes déjà expérimentés. Il leur restera néanmoins à prendre en main l’avion et se régaler avec des commandes de vol électriques aux petits oignons signées Dassault.
Viendraient ensuite quelques missions pour le vol en formation, puis le combat à vue 1 contre 1 et 1 contre 2. Une phase qui devrait aller vite pour les anciens. Et ensuite arriverait le combat radar, indispensable et même essentiel.
Pour les anciennes forces du pacte de Varsovie, l’usage était que l’interception se faisait avant tout avec un guidage venu du sol. Dans les avions occidentaux, le pilote est beaucoup plus autonome dans la gestion de ses capteurs et notamment du radar. L’apprentissage se fait en biplace, de jour puis de nuit, mais il se fait aussi beaucoup au simulateur. Les vols se font en variant les configurations (1.300 litres en ventral ou 2 x 2.000 litres sous les ailes) pour faire goûter les différences de réaction et de performance.
Une mission de transformation est en règle générale consacrée au haut supersonique (proche de Mach 2 et au-delà) qui est très spécifique en raison des contraintes sur la manoeuvrabilité de l’avion, les procédures d’urgence, la consommation… Pour les Ukrainiens, on pourrait imaginer faire l’impasse sur le ravitaillement en vol. Le reste sera fonction des armements et des missions qui pourraient être confiées à l’avion.
Traditionnellement, la formation opérationnelle proprement dite se fait en France dans les escadrons. Mais encore une fois, si des ukrainiens devaient être formés, nul doute que leur cursus serait taillé sur mesure avec un tempo élevé, au détriment bien entendu des besoins français. Toute la communauté Mirage 2000D et Mirage 2000-5 repose aujourd’hui sur l’utilisation de sept Mirage 2000B biplaces.
Pour faire voler un avion, il faut ensuite des techniciens au service de la cellule, des équipements électroniques, de l’armement, de la motorisation, etc. En coulisse, il faut aussi des spécialistes pour mettre en place des bibliothèques de menaces, programmer les contre-mesures électroniques etc. Les avions français ont la réputation d’être faciles d’entretien et économes en main d’oeuvre (dans le cas d’un déploiement, compter une dizaine de spécialistes par avion pour la mise en oeuvre et la maintenance en ligne, avec des missions jour et nuit). L’entretien lourd se fait sur les bases arrières.
Pour donner un ordre d’idée, l’escadron Ile de France, qui utilisait les Mirage 2000C et B jusqu’en juin dernier, disposait d’un escadron technique de 350 personnes pour l’entretien de ses 19 avions. La formation de ces spécialistes demandera aussi du temps et devra se faire en anglais, ou bien avec l’assistance d’un traducteur, ce qui ne sera facile pour personne, mais pas impossible.
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bonjour Anemometrix,
Je ne pense pas que l'occident vende beaucoup de choses à l'Ukraine ces temps ci. On parle essentiellement de dons... avec l'espoir un jour peut-être de récupérer la mise de départ. Mon point de vue sur les questions que vous soulevez :
- il est intéressant pour les Ukrainiens de faire peser une menace sur l'espace aérien russe. donc non, les avions ne seraient pas nécessairement réservés à l'appui au sol. Bien au contraire même... Pour ce qui est de faire la différence entre amis/ennemis, vaste sujet sans réponse définitive. Comme j'ai du boulot à terminer par ailleurs, je me contenterai de répondre "ça dépend"
Article didactique très intéressant.
Vendre des Mirages à l'Ukraine ? Avec quoi vont-ils payer ?
Bon, supposons que l'on les leur donne.
Question : on nous dit que les avions russes ne s'aventurent pas dans le ciel ukrainien où ils se feraient descendre. Bien.
Si des avions "ukrainiens" s'aventurent dans le ciel russe on peut supposer que leur destin est scellé.
Alors ces avions "ukrainiens" seraient réservés essentiellement à l'appui au sol ?
Dans ce cas si des avions russes viennent les agresser, est-ce que la défense aérienne est capable de discriminer avions "amis" des avions ennemis ?
Merci pour la réponse.