La Hollande et le Danemark se sont engagés formellement pour la fourniture de F-16 à l’Ukraine. Après des mois d’attentes et d’hésitations, on entre à présent dans le dur. Et l’on apprend au passage que l’armée de l’air française va participer à la formation des pilotes !
En visite officielle en Hollande et au Danemark, le président ukrainien Zelensky a posé tout sourire, comme un enfant le jour de Noël, dans le cockpit de deux F-16 : un monoplace et un biplace. A l’occasion de ce déplacement, le premier ministre hollandais Mark Rutte s’est engagé à transférer à l’Ukraine des F-16 « une fois que l’entrainement des pilotes et mécaniciens serait terminé ». Le président ukrainien évoque la fourniture de 42 avions sans que l’on sache très bien si c’est un souhait de sa part ou un engagement de la part de ses partenaires. On ne sait pas trop non plus si ce chiffre comprend les 19 avions promis par le Danemark, dans la foulée des Hollandais. Dans le meilleur des cas, cela ferait un total de 61 chasseurs-bombardiers, de quoi équiper trois escadrons avec quelques appareils en réserve d’attrition. Et de l’attrition il y aura…
La veille de cette visite en Hollande, le ministre de la défense ukrainien avait annoncé que l’entrainement avait déjà débuté pour un premier groupe de pilotes et de techniciens et que celui ci durerait au moins six mois. Les Ukrainiens faisaient face à une alternative : soit envoyer en formation des pilotes expérimentés, au risque de se dégarnir au combat. Soit prendre un peu de recul et envoyer des jeunes sans expérience. Si l’on en croit le général James Hecker, qui commande les US Air Forces Europe et Air Forces Africa, c’est la deuxième option qui a été privilégiée. Dans une interview citée par Air & Space Forces magazine, revue de l’Air & Space Force association, le général explique donc que « les pilotes sont jeunes, avec peu d’expérience aéronautique ». La plus grande partie de ce premier groupe de pilotes serait en Grande-Bretagne pour y perfectionner son anglais.
Dix-huit mois après le début de la guerre, il est étrange de voir que cette question, qui semble être un point bloquant, n’a pas été anticipée. L’interview du général américain prend un tour étrange quand celui-ci annonce également que ces jeunes pilotes débuteront leur formation sur avion à hélice puis « passeront en France et voleront un peu sur Alphajet ». Annonce étonnante à double titre. D’abord parce qu’il reviendrait à la France de l’annoncer si c’était le cas, et ensuite parce que l’utilisation de l’Alphajet comme avion d’entrainement est aujourd’hui officiellement terminée. S’ils devaient venir en France, les pilotes ukrainiens ne passeraient-ils pas plutôt par la base aérienne de Cognac, son école de pilotage et ses PC21 ?
La formation sur F-16 proprement dite se ferai ensuite avec les avions hollandais, possiblement au Danemark, avant de basculer en Roumanie conformément à ce qui a été annoncé il y a quelques semaines. Aucun calendrier précis n’a toutefois été encore fixé pour ces différentes étapes. Dans ce marais de questionnements surnagent toutefois quelques certitudes. D’abord sur le temps que cela prendra : il faudra compter en années avant que l’Ukraine dispose d’une force aérienne cohérente organisée autour des F-16, avec une pyramide équilibrée des âges et des qualifications. Il faudra donc former des pilotes opérationnels (PO), des sous chefs de patrouille (SCP) et des chefs de patrouille (CP). Sans ces derniers, capables de conduire des missions de plus de quatre avions, l’Ukraine ne pourra pas exploiter les avions qui lui sont fournis dans le cadre de missions complexes et productives. Mais pour former un CP à la sauce OTAN, il faut compter quatre ou cinq ans d’expérience et pas loin de mille heures de vol. Dans un pays en guerre, les procédures et les chiffres seront peut-être différents, mais cela donne une idée de la montée en puissance qui attend l’Ukraine.
Et encore la partie pilote est-elle sans doute la plus simple à gérer. Parce que derrière la pointe de diamant, il va falloir créer de toute pièce un environnement technique. A commencer par les bases aériennes, qui feront des cibles prioritaires pour la Russie. Il faudra abriter les avions, créer des installations techniques protégées et des pistes convenants aux avions « occidentaux ». Il faudra ensuite former les techniciens, au besoin les épauler avec des « contractors ». Quel pays prendra la responsabilité d’envoyer de la main d’œuvre, même civile, en territoire ukrainien ? Face aux capacités de bombardement russes, le niveau de risque sera très supérieur à celui rencontré en Irak ou en Afghanistan… Les questions sont donc nombreuses et complexes. Et encore a-t-on oublié d’évoquer celles liées au financement…
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Je suis plus proche des commentaires de Bernard Bacquié et François Jost. Et n'oublions pas qu'une guerre, nation contre nation, c'est moche, et surtout long, très long. A terme, l'Ukraine peut échapper au joug moscovite. Elle aura finalement une bonne composante aérienne. Il est vrai en revanche qu'en France actuellement, sous couvert de "réalisme", l'esprit munichois réapparaît. N'est-ce-pas, NS? Allez: bravo AeroBuzz et, à nouveau, bravo à Frédéric Lert pour le travail durant le dernier Bourget!
François Henriot
"L'esprit munichois réapparait" ... la bonne blague. Qui nous menace ? Vous allez me dire que les russes voulaient envahir la France jusqu'à Brest et tenter la traversée de la Manche pour être plus fort que Napoléon.
Moi, je dirais que cette guerre a pour origine de permettre aux américains d'avancer leurs missiles à la frontière de la Russie.
Dans tous les cas le lobby des fabricants de prothèses, bras et jambes, et celui de l'armement se frottent les mains.
Le coût de cette guerre sera la misère qui s'étendra partout, notamment aux USA où, déjà, des millions de personnes sont dans la misère, dorment sur des cartons sur les trottoirs.
Hier, une réunion à l'Elysée a eu pour objectif de racler les fonds de tiroir ... et de parler de l'impôt et autres taxes.
Quand tout ce cirque dramatique sera terminé, les heureux gagnants seront l'Oncle Sam, les BRICS, et, accessoirement, Poutine.
Nous, une fois de plus, serons les perdants.
Je ne sais pas si mon avis est capable de surmonter le flou de tout ce qui entoure cette affaire. Je n'ai que quelques convictions :
1. Un F-16 est facile à piloter. Si, si, moi vulgaire pilote de ligne je l'ai décollé et posé sans le casser... au simulateur (à Florennes)! C'est que devant vous il y a... rien ! Ou si peu. Le minimum. Donc, en plus des militaires, il doit bien y avoir des pilotes civils en Ukraine avec quelques milliers d'heures de vol. Et quand la patrie est en danger, hein ! un pilote civil ne va pas se contenter de conter fleurettes aux hôtesses... On n'en parle jamais de ceux-là, mais il doit bien y en avoir.
2. Mais on ne peut pas concevoir qu'un pilote, maîtrise-t-il bien son F-16, parte la fleur aux fusil en combat aérien, appui-feu, attaque au sol, etc - pardon, je parle encore de fleurs, mais elles repousseront dans la nature dévastée. C'est là qu'il faut du temps, beaucoup de temps.
3. Alors, restent les chasseurs ukrainiens aguerris sur jets russes ! Et, comme ils auraient perdu quelques appareils lors de l'attaque initiale poutinienne (au sol en particulier), il y a bien des chibanis de la force aérienne jaune et bleue qui pourraient chevaucher quelques nouveaux pur-sangs.
4. Enfin, le passage par la France... Mais je me suis laissé dire que des Ukrainiens sont chez nous depuis plusieurs mois, et pas que pour les canons César... pour les canons DEFA aussi ! Vous me suivez ? Car les Alphajet sont encore là, avec quelques potentiels encore... Et puis, et puis, les Mirage 2000 cocoonnés...
Ce n'est que des réflexions d'un vieux pilote. Mais vous savez, il n'y a pas de bons pilotes. Ça n'existe pas !
Étant pilote, vous devriez savoir, que ce qui est compliqué dans un avion de chasse, ce n'est pas de piloter, c'est plutôt le système d'armes qui est plus ou moins complexe.
Sur votre simulateur, vous avez réussi à décoller et atterrir. Parfait, moi-même, j'ai l'ai fait sur un simulateur de Gripen à Linköping alors que je ne suis pas pilote de ligne. Est-ce que cela fait de moi un pilote prêt au combat ?
Je vais être plus précis dans ma question : à quel point votre partie de simulateur, était-elle proche des conditions réelles de combat ? Aviez-vous une mission précise à réaliser ? Aviez-vous des systèmes de défense à éviter ? Quel était votre niveau de stress ? Je trouve étrange que vous compariez un tour de manège à une vraie mission de combat.
De même, en tant que pilote, vous devriez savoir qu'un des pires ennemis d'un pilote qui change de machine, ce sont les habitudes. Qu'est-ce qui arrive en cas de stress ? Les vieux réflexes reviennent en premier et s'il y a urgence, on n'a pas le temps de corriger une erreur liée à un vieux réflexe. Ce phénomène est largement étudié et décrit dans de nombreux rapports d'enquêtes, qu'ils soient du BEA ou de ses homologues étrangers.
Le passage d'un avion soviétique (SU-24/27, Mig 29) à un avion occidental tel que le F-16 ou même un M2000 n'est pas anodin non plus. La logique est différente, les unités sont différentes, le passage de bi à mono-réacteur aussi a son importance. Les méthodes de combat elles-mêmes sont différentes. Un pilote aguerri devra combattre ces différences avant de combattre l'ennemi, et cela prend du temps.
On peut éventuellement faire le parallèle avec l'utilisation de chars occidentaux par les Ukrainiens, qui sont loin de donner les résultats espérés. Il me semble pourtant que la courbe d'apprentissage pour passer d'un char soviétique à un char occidental de même génération devrait être moins abrupte que pour un avion de chasse et son système d'armes.
Visiblement, la motivation ne suffit pas.
Maintenant, je ne suis pas pilote professionnel, je n'ai donc peut-être pas la crédibilité nécessaire pour imposer mon opinion. Je vous invite juste à réfléchir un peu plus en profondeur. Peut-être ai-je raison, peut-être je surestime les difficultés que doivent rencontrer les pilotes ukrainiens, qu'ils soient expérimentés ou non.
Un pilote de combat c'est comme un sportif de haut niveau, passé la trentaine il commence à réfléchir sur les risques du métier alors que, c'est la nature de la vie, tout en lui s'amenuise. La retraite est alors toute proche.
Je ne pense pas que l'on puisse espérer avoir des pilotes de combat performants avec des pilotes qui n'ont pas touché un avion depuis des lustres ...
D'autant plus qu'entre temps, les technologies de tous ordres ont évoluées.
Quant à envoyer les pilotes ukrainiens les plus aguerris en stage d'anglais, puis de cours théoriques sur les systèmes sol et air, puis l'apprentissage de l'avion, des simples vols locaux aux missions de combat, air / sol et air / air, en solo et en patrouille, etc .. ...
et pendant ce temps il n'y aurait plus d'aviation de combat ukrainienne.
Cette idée, c'est encore un coup du KGB !
Curieux titre "...on y est" pour un article qui donne le sentiment qu'"on y est pas du tout" : pilotes inexpérimentés, ne parlant pas l'anglais, formation ab initio dispersée, ... des années avant d'avoir les niveaux requis pour aller au casse-pipes.
Et qui va payer tout ça ?... pour qui ? Pour quoi ?
"Quel pays prendra la responsabilité d'envoyer de la main d'oeuvre, même civile, en territoire ukrainien ?"
Réponse : La Pologne, elle le fait déjà.
Début aout, l'équipementier polonais PGZ, a annoncé photos à l'appuis sur Twitter, que des douzaines d'employés de sa filiale PGZ Service Orel, ont été déployés en Ukraine à proximité de la ligne de front, afin d'assurer la maintenance et les réparations de base des canons automoteurs Krab, et ainsi épargner à ces obusiers un aller retour en Pologne.
À lire votre article, il semblerait que le "tout pour l'Ukraine", "quoiqu'il en coûte", pour reprendre un leitmotiv présidentiel, commence à poser des questions sur la justification des états européens à entrer en guerre.
Les américains manœuvrent bien pour ne pas, eux, y laisser des plumes.